Un devoir de blasphème.

Les monothéismes n’aiment ni les animaux, ni la nature, ni la vie, ni le plaisir, ni les femmes, ni la raison, ni la liberté.

Ils cultivent le goût de la mortification, du supplice, du sacrifice sanglant, de l’ascétisme, du refus de la vie au profit des arrières-mondes.

Présentement, comme si souvent dans l’Histoire tragique des hommes, ils suscitent des haines, des guerres, des assassinats, des sévices sans nom contre les infidèles, les femmes adultères, les homosexuels, les rationalistes.

Des peuples abrutis par cet opium croupissent dans un ténébreux moyen-âge.

Ils manipulent les plus pauvres, les moins instruits, les plus crédules pour les enfermer dans des identités meurtrières, des communautarismes étriqués et hargneux, ignorant l’universalisme des valeurs de la raison.

Je salue les femmes et les hommes de culture qui, dans les pays théocratiques, résistent contre l’obscurantisme et tentent de faire entendre la voix de la liberté et de l’intelligence.

Car ils existent,partout dans le monde, ces femmes et ces hommes de raison qui, bien qu’Arabes ou Pakistanais n’ont pas à être qualifiés de musulmans, puisqu’ils ne le sont pas, au même titre que nous, Européens ne sommes pas obligatoirement chrétiens.

Oui, il y a des athées en Afrique du Nord et ailleurs et je les salue comme je saluerai toujours tout Résistant.

L’affaire des films ou caricatures dits blasphématoires révèle deux tares de nos sociétés :

- La première est connue et bien identifiée.

Le blasphème démasque le fanatique en le révélant.

Au lieu de répondre par la plume ou le verbe, ce qui serait pleinement légitime, le forcené répond par le meurtre à un défi culturel.

Mais, chacun sait qu’il y a des fanatiques potentiellement criminels.

Le blasphème ne fait ici qu’éclairer le versant sombre de l’humanité, versant aussi ancien que l’humanité elle-même.

- Plus intéressant, le blasphème révèle le lâche, le timoré, le planqué du « juste milieu », celui qui murmure qu’il faut respecter la liberté d’expression, mais sans provocation, sans aller trop loin, sans choquer, sans réveiller le fasciste qui devient méchant lorsqu’on le taquine un peu.

Et la voilà démasquée la cohorte lamentable des pleutres, au nombre desquels vous trouverez bien des politiciens prompts à renvoyer dos à dos, d’une part, ceux qui font des petits dessins géniaux ou médiocres, des pièces de théâtres édifiantes ou mornes, des films de qualité ou de piètres productions en s’adressant à l’humour, à l’idée, au symbolique et, d’autre part, ceux qui égorgent ou posent des bombes sur les marchés.

Avant 1939, ils existaient déjà ces timorés, modérés, prudents, fort nombreux dans le personnel politicien Français, et sans doute auraient-ils reproché à CHARLIE CHAPLIN son film le dictateur qui risquait d’irriter le chancelier HITLER et de faire de la « provocation », à l’encontre de nazis qu’il fallait surtout ménager pour éviter leur colère !

Ces pusillanimes posent en principe leur amour de la liberté d’expression mais sous réserve d’autocensure qui prépare la censure tout court.

L’article 10 de la CONVENTION EUROPEENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME garantit expressément la liberté d’expression.

Or, l’exercice de cette liberté implique que chacun puisse énoncer ce qu’il pense et ressent, quand bien même cela devrait déplaire.

Si seul le politiquement correct, le respectueux, le soumis ont droit d’expression, nous ne sommes plus dans une société de liberté.

En mars 2007, nos amis de CHARLIE HEBDO, pourfendeurs de superstitions, de torture tauromachique et de chasse débile, ont été relaxés du chef des poursuites que certains groupements religieux leur avaient intenté suite à la parution de précédentes caricatures.

La justice protégea ici la liberté d’expression au même titre qu’elle protégerait la liberté de manifester des convictions religieuses, liberté reconnue par l’article 9 de la CONVENTION EUROPEENNE susvisée.

Ce monde est inquiétant par sa violence, sa fureur, les forces de haines que sécrètent les religions lorsqu’elles sont portées à l’incandescence.

Mais, ce monde est démoralisant devant l’indigence éthique et le manque de courage de trop de politiques de nos démocraties apaisées.

Dans nos pays européens, jusqu’au 18ème siècle, le catholicisme brûla des infidèles ou les soumit à la peine de mort par décapitation pour crime de blasphème.

Aidons nos amis qui luttent contre les arriérations et le fanatisme criminel.

Comment ?

En adoptant une attitude résolument antiraciste, donc anticomunautariste, et en affirmant que tout homme, quelles que soient ses origines, peut accéder à la raison qui libère.

Car, ne nous y trompons pas. Les fondamentalistes religieux, de part et d’autre, cherchent à attiser le rejet, la négation de l’autre.

A leur opposé, faisons le choix de la vie, du plaisir, de la bienveillance, de la condamnation de la souffrance et du sacrifice qui ne rachètent aucune faute, car de faute, il n’y en a jamais eue.

Disons non, aux bénédictions de messes de ST-HUBERT et de corridas, non aux sacrifices de moutons et autres rites cruels et déraisonnables, non au terrorisme assassin et non à la domination soldatesque d’une quelconque puissance sur un quelconque peuple.

Il arrive aussi, parallèlement au terrorisme fou des superstitieux, qu’un ordre établi constitue une violence inique et si vous cherchez des bons et des méchants ne pensez pas en terme d’appartenances ou d’identités, mais en terme de pure raison.

Nos frères sont tous ceux qui aiment la vie par-delà les nations, les races et même les espèces.

Sectes, religions, gourous, dieux et prophètes, personnages conceptuels inventés par les hommes pour tromper leur angoisse, laissez-nous en paix !

Que vos adorateurs se prosternent devant vous et renoncent à penser pour croire, mais qu’ils laissent vivre et respirer ceux qui n’entendent pas se soumettre.

Gérard CHAROLLOIS.

Commentaires  
# Meneldil Palantir 23-09-2012 23:50
Gérard,

Merci pour ce billet qui est une réaction saine à l'actualité. Il y a quelques jours, j'avais d'ailleurs dit à peu près la même chose sur mon blog dans un article intitulé "Toucher aux prophètes" et que vous pouvez trouver ici :

http://meneldil-palantir-talmayar.blogspot.fr/2012/09/toucher-aux-prophetes.html

Il y a néanmoins une chose qui me chagrine, et c'est votre première phrase. Englober ainsi les monothéismes, et donc les monothéistes, dans un bloc monolithique, alors qu'ils sont porteurs d'une telle diversité, me semble en-dessous de vos qualités morales et intellectuelles.

Moi-même, je suis monothéiste, chrétien et catholique ; catholique pratiquant même (circonstance aggravante). Et pourtant, je ne suis pas un ennemi de la vie, ni des animaux : écologiste radical, je considère que toutes les formes de vie sont d'égale valeur. Je ne suis pas un ennemi des femmes, dont je pense qu'elles devraient être les exactes égales des hommes. Je ne suis certainement pas un ennemi du plaisir, ni de la raison, ni de la liberté. D'autres billets de mon blog, comme celui-ci :

http://meneldil-palantir-talmayar.blogspot.fr/2012/09/messieurs-de-civitas-tirez-les-premiers.html

vous prouveront que je n'ai rien non plus contre l'homosexualité. Je ne tombe dans aucune des deux tares que vous dénoncez : non seulement je suis favorable à la liberté d'expression, mais je pense que le blasphème et la provocation sont sains et nécessaires pour éviter "la foi sans sourire" qu'Umberto Eco dénonçait comme étant le véritable diable dans Le nom de la rose.

Il est vrai que je suis un catholique bien particulier, que mes croyances sont fort complexes et presque uniques, que je ne suis pas que monothéiste. Mais on ne peut rien enlever au fait que je reste aussi monothéiste, ce qui n'est pas incompatible avec l'écologie radicale.

Ne rejetez donc pas les gens sur la seule base de leurs croyances. Méfiez-vous de toutes les généralisations, et ne nous prenez pas trop vite pour des adversaires.

Meneldil Palantir Talmayar
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# Gérard CHAROLLOIS 25-09-2012 00:55
Je vous remercie pour votre commentaire et vos réflexions.

Nos éditoriaux visent à susciter débat, réflexions, opporrtunes controverses.



Au fond, voici ma réponse:

L'islam pose actuellement au monde un défi douloureux. Indéniablement, faute de séparation du temporel et du spirituel, avec une volonté de régir la société par la loi de "dieu", cette pensée est difficilement conciliable avec la démocratie et la laïcité.

D'aucuns en tirent argument pour condamner, non pas un fait religieux, mais des ethnies.

Or, c'est bien le fait religieux qui est en cause et non un peuple, une race, des nations, des origines.

En fait, l'islam est là où était le christianisme il y a quatre siècles.

Vous êtes catholique et éprouvez de la compassion pour toute forme de vie. Il ne vous viendrait pas à l'esprit de tuer ou de mourir au nom de votre dieu. En cela, vous êtes bien éloigné des fanatiques prompts à trucider l'impie et à se faire martyr pour jouir des 66 vierges en folie promise aux héros .

Mais, songez à Giordano BRUNO brûlé à ROME en 1600 par l'église. N'oubliez pas le chevalier de la BARRE décapité pour n'avoir pas ôté son chapeau devant un crucifix.

Toutes les religions lorsqu'elles sont portées à l'incandescence génèrent des crimes absolus.

Lorsqu'elles s'apaisent, c'est-à-dire se relativisent, elles deviennent parfaitement compatibles avec une société pluraliste et tolérante.

Ce que je demande aux religions, ce n'est pas de disparaître, c'est de ne plus tourmenter les humains et les non-humains.

Que l'homme puise dans tel ou tel récit une consolation, une espérance, un remède à son angoisse, est légitime.

Mais, cette adhésion ne doit ni être imposée à autrui, ni devenir loi d'un Etat.

La religion doit rester une affaire privée,ce qu'elle est devenue depuis seulement un siècle, chez nous.

Par ailleurs, le débat doit être libre, serein, sans tabou sur ce sujet.

Je comprends que pour un "croyant", il soit perturbant de voir remise en cause sa certitude, mais cela participe de la liberté de pensée et d'expression.

Les religions ont toujours un léger problème avec leur contestation idéologique.

Mon souhait:

que l'on cesse de dramatiser ces débats et que le blasphème devienne banal et anodin.
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# Meneldil Palantir 26-09-2012 03:55
Nous sommes bien d'accord, sur presque tout.

Une petite nuance : ne pensez pas que tous les croyants trouvent forcément "perturbant de voir remise en cause leur certitude". Un croyant, par définition, c'est quelqu'un qui croit, pas quelqu'un qui sait. Je sais bien que, malheureusement, beaucoup de fidèles des diverses religions prennent leur foi pour un savoir et leurs croyances pour des connaissances, mais ceux qui ont un peu réfléchi à ces questions savent bien que, justement, le propre de la croyance religieuse, c'est qu'on ne peut pas être certain qu'elle est vraie. Tout comme on ne peut pas être certain qu'elle ne l'est pas. Pour ma part, je n'ai donc aucune "certitude" en la matière, et ma foi est constamment remise en question.

Une nuance un peu plus importante : je ne pense pas que la religion doive "rester une affaire privée". Il y a là, me semble-t-il, une mauvaise compréhension de ce qu'est la laïcité. La religion n'a jamais été qu'une affaire privée : toutes les religions ont toujours eu un volet public, communautaire, collectif. Chez certaines (les polythéismes grec et romain, par exemple), cet aspect collectif était même le seul qui comptait, la croyance intime étant considérée comme sans aucune importance. D'ailleurs, la loi de 1905 n'interdit nullement l'expression religieuse dans l'espace public, puisque elle est évidemment incluse dans le champ de la liberté d'expression. J'avais écrit un autre billet dans ce sens, à peu près en même temps que maître Eolas, d'ailleurs, si vous le connaissez.

Cela dit, je le répète, sur le fond, nous sommes totalement d'accord. Je travaille d'ailleurs, à ma modeste échelle, à faire évoluer mes coreligionnaires dans le sens que vous indiquez.

J'espère que nous pourrons continuer à avancer ensemble dans ce combat commun.

Meneldil Palantir Talmayar
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