La chasse : le sang et la mort

Partons des faits.
La fédération départementale des chasseurs de la Dordogne déclare, d’une part, que le nombre des chasseurs locaux continue à diminuer de 700 adeptes en un an, tombant à 16.200 chasseurs (ils étaient 38.000 en 1984), d’autre part, qu’elle soutient les chasses traditionnelles (captures d’alouettes aux pièges divers).
Deux enseignements :
- le loisir de mort perd ses pratiquants de manière constante depuis une cinquantaine d’années.
- les dirigeants de la chasse sont incapables d’évoluer, de s’adapter, d’accepter les changements qu’imposent les circonstances et les mentalités.
La chasse française, protégée par les politiciens réactionnaires et conservateurs, constitue une bastille assiégée, cramponnée à ses privilèges, engraissée à l’argent public, structurée en associations corporatistes efficaces.
Mais ce loisir va s’éteindre inexorablement malgré la propagande intense conduite à grand renforts de millions d’euros.
La chasse ne saurait être réformée, rendue compatible avec la mort de la biodiversité et avec les mentalités nouvelles.
Imaginons - ce qui est sociologiquement impossible - que tout chasseur devienne vertueux, écologique, légaliste et cesse de tirer les cigognes, les rapaces, de piéger les pinsons et les ortolans, de traquer les dernières alouettes et se borne, en avisé gestionnaire de la faune, de prélever les seuls animaux surnuméraires, resterait le problème de fond.
Le processus de civilisation n’est pas achevé.

L’hominisation est en cours et peut réussir aussi bien qu’échouer en fonction de ce que l’espèce fera de sa maîtrise sur le monde.
Le nœud gordien tient au rapport que l’homme entretient avec la vie et sa négation, la mort.
Depuis que la vie est apparue sur Terre, elle ne fut qu’un jeu de prédations.
Aucune forme de vie n’a pu échapper à cette nécessité biologique.
Toute vie se nourrit de la mort, y compris celle des pacifiques végétaux dépendants de l’humusation.
Notre espèce se distingue des autres.
Pourquoi et comment ?
Le propre de l’homme ne tient qu’à ceci : éprouver la compassion face à toute souffrance et refuser de tenir la main de la mort.
Seule cette empathie fait l’homme.
Bien sûr, l’homme inventa la guerre, les génocides, les bûchers, les crucifixions, le camp d’extermination, la réduction en esclavage, la maltraitance, la chasse loisir et l’élevage concentrationnaire.
Les tortionnaires, les pourvoyeurs de guerres, les tueurs à grande échelle ou du dimanche rappellent que le processus d’hominisation n’est pas parachevé.
Devant le spectacle d’une exécution capitale, CAMUS faisait dire à son père : « Un homme, ça s’empêche ».
Des pratiques cruelles prouvent que nous ne sommes pas parvenus au point d’élévation éthique où tant de contemporains s’imaginent déjà avoir accédé.
Oui, parce qu’un homme ça s’empêche, ma condamnation de la chasse va bien au-delà de considérations purement techniques sur l’incidence désastreuse de ce loisir sur notre biodiversité ou sur la sécurité du promeneur.
Aussi longtemps qu’un homme prendra plaisir à tuer, il ne sera pas ce qu’il croit être.
Ne tenons pas la main de la mort. Elle n’a pas besoin de nous pour endeuiller la Terre. Coupons-la.
Édifions la civilisation du Vivant.
Tel est l’impératif moral premier, de même que l’injonction qui nous est faite pour mériter notre maîtrise.

Gérard CHAROLLOIS

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