Projet de loi relatif à la biodiversité : extraits des débats à l'Assemblée Nationale


Les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée Nationale dans le cadre de la nouvelle loi sur la biodiversité sont riches d'enseignements.
On constatera, à regret, que la dialectique n'est pas toujours de mise à la chambre des députés, surtout lorsqu'on y évoque des thèmes cruciaux (et sans doute dérangeants pour certains) comme celui de la condition animale ( "hors sujet " selon la Ministre de l'écologie !) ...

En tout état de cause, s'il est un thème qui réduit les clivages, c'est bien celui de la chasse. Presque tous les intervenant s'accordent à reconnaître des vertus au loisir de mort : le meilleur atout pour  la biodiversité  si l'on en croit ministres et parlementaires !   Il est clair qu'il ne faut surtout pas indisposer le monde de la chasse ...

Un grand bravo, cependant,  à Mme Laurence Abeille (EELV) qui a proposé nombre d'amendements visant à modifier positivement les rapports que nous entretenons avec les animaux. Dans cet exercice elle a souvent bénéficié du soutien de Mme Geneviève Gaillard (PS - rapporteure de la commission).  La grande majorité des articles et amendements qui auraient constitué de véritables avancées ont été rejetés ! On frémit lorsqu'on pense que ce texte doit désormais affronter le Sénat ... 

Compte-tenu de la densité des débats, La Convention Vie et Nature a opéré une sélection et retenu les thèmes listés ci-après. Les rubriques sont  indexées et un simple "Clic" sur un thème positionne le texte sur le débat recherché.

Le statut de l’animal sauvage 

Brevets sur les « Séquences génétiques » 

La CNB et sa gouvernance

La représentation des chasseurs au sein de l’ONCFS 

La lutte contre le braconnage

L’Agence française de la biodiversité

L’artificialisation des sols 

Les OGM et les parcs nationaux

Le problème des delphinariums

Les récifs coralliens et les mangroves

Les néonicotinoïdes et les abeilles

La pollution lumineuse

Le chalutage en eaux profondes

L’incitation à la destruction des espèces protégées

Le problème des « nuisibles »

Chasse des mammifères pendant la période de reproduction

Suppression de la chasse le dimanche

La chasse à la glu

Les animaux dans les cirques

La chasse de nuit

Chasse : Les lâchés

L’intégralité des débats est accessible sur le site de l’Assemblée Nationale

http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/biodiversite.asp

Le statut de l’animal sauvage

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 39 rectifié et 956 rectifié, portant article additionnel après l’article 4.

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 39 rectifié.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement vise à donner à l’animal sauvage une place dans notre droit. Dans le code de l’environnement, l’animal sauvage n’existe qu’à travers divers titres, comme la préservation, la chasse, la pêche et la destruction. Mais il n’est jamais fait référence à sa nature propre.

Alors que personne ne nie le caractère sensible de l’animal, inscrit depuis 1976 dans le code rural et de la pêche maritime, et réaffirmé récemment à l’Assemblée nationale par un amendement défendu par M. Glavany visant à l’inscrire dans le code civil, il apparaît illogique que le caractère sensible de l’animal sauvage ne soit pas inscrit dans le code de l’environnement.

Les animaux sauvages qui ne sont classés ni chassables, ni nuisibles, ni protégés, sont relégués à l’état de « biens qui n’ont pas de maître » ou de « choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous ». L’animal sauvage est ainsi doté d’un statut « res nullius ». Il peut donc être blessé, capturé, maltraité ou tué en toute impunité.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 956 rectifié.

Mme Laurence Abeille. Effectivement, l’animal sauvage ne bénéficie à l’heure actuelle d’aucun statut. Même en cas d’actes de cruauté, il ne bénéficie pas de la même protection qu’un animal domestique. Un lièvre, par exemple, peut être torturé ; pas un lapin.

M. Gérard Bapt. Vous avez déjà essayé d’attraper un lièvre, vous ?

Mme Laurence Abeille. C’est vraiment un non-sens. L’article 4 ter de ce projet de loi, introduit en commission, vise à y remédier en partie.

Cet amendement vise à aller plus loin dans ce sens, en donnant à l’animal sauvage un statut, en reconnaissant son caractère sensible dans le code de l’environnement. L’adoption des amendements identiques que nous défendons ensemble, Geneviève Gaillard et moi-même, représenterait vraiment une avancée remarquable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Madame la rapporteure, madame Abeille, vos amendements identiques visent notamment à introduire un nouvel article dans le code de l’environnement. Celui-ci contient des dispositions relatives à la faune et à la flore sauvage qui ont pour objectif de garantir la conservation des espèces : nous sommes bien d’accord sur ce point. Ces amendements sont bancals sur le plan juridique, car ils ne correspondent pas à ce principe : ils tendent à protéger non des espèces mais des animaux isolés.

Je comprends bien qu’il s’agit, précisément, d’assurer un support juridique aux animaux isolés, mais vous ne pouvez pas régler cette question en rattachant ces animaux à la catégorie d’espèce protégée : cela n’a rien à voir. Votre amendement est motivé par des considérations liées à la protection animale – ce qui est tout à fait respectable en soi – et non par des raisons tenant à la conservation de la nature. Il ne relève donc pas de la logique de ce texte, car il n’a rien à voir avec la question de la biodiversité.

Geneviève Gaillard est très engagée sur ce sujet : elle combat depuis des années les mauvais traitements infligés aux animaux. Mais il ne s’agit pas de cela : nous ne sommes pas du tout dans cette configuration. Il serait tout à fait légitime que l’Assemblée nationale examine un dispositif concernant la condition animale, en débatte et en vote, mais sous la forme d’une proposition de loi, pas dans le cadre de ce projet de loi relatif à la biodiversité. L’engagement, le militantisme de Mme la rapporteure sont très respectables, car la condition animale pose de vrais problèmes. Vous avez saisi l’occasion que représentait ce projet de loi pour déposer des amendements touchant à cette question. Ils sont plus précisément relatifs à la souffrance animale.

Je suis cependant obligée de les refuser, car ce projet de loi n’est pas le bon support juridique pour leurs dispositions. Vous ne pouvez pas utiliser ce projet pour faire avancer votre cause : je suis donc défavorable à ces amendements. Bien évidemment, le Gouvernement examinera par la suite avec beaucoup d’attention toute proposition de loi sur la question de la souffrance animale. Cette question est fondée, mais elle ne relève pas de ce projet de loi relatif à la biodiversité.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. J’ai bien compris ce qu’a dit Mme la ministre. Je ne retire cependant pas cet amendement. Je souligne que beaucoup d’espèces d’animaux non classés parmi celles que j’ai énumérées sont en voie de disparition. Des études scientifiques ont montré qu’à l’avenir, les petites espèces de mustélidés risquent de disparaître, voire d’autres espèces. Or l’on sait que ces animaux ont un système nerveux : elles sont donc sensibles.

Très peu d’espèces sont classées dans le code de l’environnement : vous ne pouvez donc refuser cet amendement sur cette base.

Vous ne pouvez pas non plus le repousser au motif qu’il serait un cavalier. L’amendement de Jean Glavany, grâce auquel le code civil reconnaît tous les animaux comme sensibles, était lui aussi un cavalier ! Il s’agit donc simplement de mettre en cohérence le code civil et le code de l’environnement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. J’insiste, moi aussi, sur ces amendements identiques. Je ne crois pas qu’il s’agisse de cavaliers. Ce projet de loi touche à la biodiversité, à la protection de la nature ; il concerne donc nécessairement aussi la protection animale. Certes, c’est une question connexe, mais vous savez très bien qu’il est difficile de trouver le temps nécessaire pour faire aboutir une proposition de loi. Il y a eu plusieurs propositions de loi sur la question de la protection animale, sans effet. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de faire réellement avancer le droit, et de mieux reconnaître les animaux sauvages. Ceux-ci font partie intégrante de la biodiversité, et comme l’a fait remarquer Geneviève Gaillard, un certain nombre d’entre eux sont déjà protégés.

Malgré cela, de très nombreuses espèces d’animaux sauvages n’ont pas, à l’heure actuelle, de statut juridique. Nous pourrions leur en donner un ; nous devrions donc le faire : je vous invite donc à voter pour ces amendements, qui ont le soutien de la commission du développement durable. Je remercie Geneviève Gaillard, et toute la commission, de s’être emparé de ce sujet, d’en avoir débattu. Je crois que ces amendements représentent vraiment une chance pour la nature, pour les animaux. Ils nous donnent l’occasion de reconsidérer le monde autour de nous.

Cette évolution est, de plus, attendue par de très nombreuses personnes dans notre pays. Je la crois très populaire. Je maintiens donc, évidemment, mon amendement no 956 rectifié : j’espère que nous serons nombreux à le voter.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je sollicite une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La suspension est de droit. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Permettez-moi, pour plus de clarté avant le vote, de relire précisément le contenu de l’amendement : « I. L’article 713 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés : Les animaux domestiques, ou d’espèces sauvages apprivoisés ou tenus en captivité, trouvés errants, sont exclus du champ d’application de cet article et relèvent des dispositions spécifiques du code rural et de la pêche maritime. La faune sauvage relève du code de l’environnement.

II. Le code de l’environnement est ainsi modifié : Après l’article L. 411-1, il est inséré un article L. 411-1-1 ainsi rédigé : « Les animaux sauvages dotés de sensibilité vivant à l’état de liberté et n’appartenant pas aux espèces protégées visées par le premier alinéa du I de l’article L. 411-1 ne peuvent être intentionnellement blessés, tués, capturés, ou, qu’ils soient vivants ou morts, transportés, colportés, vendus, ou achetés, sauf lors des activités régies par les règlements propres à la chasse, aux pêches, à la recherche scientifique ainsi qu’à la protection de la santé publique ou vétérinaire et de la sécurité publique ».

Il me semble que cette lecture éclaire largement la portée de cet amendement et devrait rassurer ceux qui s’inquiétaient.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 39 rectifié et 956 rectifié, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. À mon sens, il est dommage de présenter cet amendement dans un tel texte. Il va de soi que chacun défend la cause animale et se scandalise des tortures et sévices infligés à tout animal. Notre humanité même nous fait prendre conscience de ces problèmes.

Cela étant dit, vous nous proposez un texte qui n’est pas préparé et qui est sorti de son contexte. Mme la ministre a en effet rappelé que nous examinons un texte relatif à la biodiversité : nous ne sommes pas ici pour soutenir telle ou telle cause. Sinon, il faudrait y ajouter un certain nombre de causes humaines puisque, comme cela a longuement été dit, les êtres humains font eux aussi partie du cycle du vivant. Nous n’avons donc pas à isoler le cas des animaux sauvages.

En outre, l’adoption d’un tel amendement handicaperait de nombreuses activités sans pour autant donner une dimension particulière à l’animal sauvage, dont nous ne connaissons d’ailleurs pas la définition exacte.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Si !

M. Jean-Marie Sermier. S’agit-il des vertébrés ou des invertébrés ? Quels sont les animaux concernés ? Que signifie la notion de blessure intentionnelle ?

Je suis convaincu que l’adoption de cet amendement provoquerait une multitude de contentieux juridiques. Ce n’est pas servir la cause des animaux que de présenter ainsi un amendement qui s’apparente à un cavalier.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Compte tenu de l’importance de cet amendement, il est nécessaire de définir ce qu’est un animal sauvage. Peut-on en connaître la définition ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Oui, bien sûr ! Ne savez-vous pas ce que c’est ?

M. Philippe Meunier. Une mouche est-elle un animal sauvage ? Je voudrais le savoir avant de me prononcer sur ce type d’amendements.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je fais sans doute partie de ceux qui, dans cet hémicycle, sont très embêtés par cet amendement, car le vote auquel il donnera lieu, une fois analysé, pourrait laisser accroire que les uns sont très sensibles à la souffrance et à la cause animales et s’opposent à tel et tel acte de cruauté tandis que les autres, qui auraient voté contre, seraient eux-mêmes des êtres non « dotés de sensibilité ».

En somme, tout cela ne colle guère, madame la rapporteure. Nous sommes saisis d’un beau texte qui comporte des avancées pour la biodiversité, et autour duquel nous nous sommes retrouvés par-delà nos sensibilités. Il s’agit d’une étape cruciale. Ce texte peut sembler banal mais il est assez important pour contenir des avancées qui sont autant de marqueurs pour notre société en matière de biodiversité, et ce en lien avec les productions humaines et l’agriculture.

Or, voici que surgit cet amendement clivant. Chacun sait bien quelles en seraient les conséquences : il est ce que l’on retiendra pour l’essentiel et déclenchera des réactions chez certaines personnes et associations. Je l’ai lu et relu : selon moi, même si l’on exclut les « activités régies par les règlements propres à la chasse, aux pêches, à la recherche scientifique », il demeurera toujours une fenêtre ouverte pour des procédures qui risque de créer d’innombrables difficultés.

M. Jean-Marie Sermier. Bien sûr !

M. André Chassaigne. C’est pourquoi pour ma part, je dis sans être tranquille – ce n’est en effet pas une décision facile – que je suivrai l’avis de Mme la ministre car je préfère que l’on retienne de ce texte ce qui va dans le bon sens et non ce qui est susceptible de produire des clivages.

M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou. Il serait bon, madame la rapporteure, que vous leviez toute crainte concernant certaines pratiques qui ont cours dans notre pays et qui font débat. Je pense aux combats de coqs et aux corridas : l’amendement porte-t-il sur ces pratiques ? Si vous éclaircissiez ce point, madame la rapporteure, nous serions nombreux à être plus à l’aise avec ce débat.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je répète que cet amendement ne vise qu’à reconnaître dans le code de l’environnement le caractère sensible des animaux qui ne sont pas actuellement classés, quelle que soit leur espèce.

Je rappelle à M. Meunier qu’un animal sauvage est un animal qui n’est pas domestique ; sans doute avez-vous appris cela à l’école.

M. Philippe Meunier. La mouche est-elle donc un animal sauvage ?

M. Jean-Marie Sermier. Et le lombric ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ensuite, je rappelle à Mme Lignières-Cassou que le coq est un animal domestique, de même que le taureau.

M. Philippe Meunier. Et la mouche ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Oui, la mouche et l’abeille sont des animaux qui peuvent être classés sensibles. Cela vous gêne-t-il ?

M. Philippe Meunier. Cela risque de poser quelques problèmes aux conducteurs de véhicules…

M. Jean-Marie Sermier. Et aux jardiniers qui, de leur bêche, couperaient des lombrics !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il ne s’agit pas de tuer ou de ne pas tuer. Permettez-moi de vous rappeler pour faire avancer le débat qu’en 1976, M. Nungesser a fait adopter une loi prévoyant que l’animal domestique ou tenu en captivité – cas que nous examinerons à l’amendement suivant – est un animal sensible. Je le répète : l’animal domestique ou tenu en captivité est un animal sensible. Cela vous a-t-il pour autant empêché de manger de la viande d’agneau ou de bœuf, ou de tuer des animaux même lorsqu’ils sont reconnus sensibles ? Non. Ce n’est pas pour autant que vous pourrez tirer gloire d’arracher les ailes d’une mouche, mais passons, puisque personne ne le verra.

En tout état de cause, cet amendement ne changera rien…

M. Jean-Marie Sermier. À quoi sert-il donc ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …si ce n’est qu’il fera la preuve que nous vivons dans un pays évolué, comme beaucoup d’autres, où le caractère sensible des animaux est reconnu. Cet amendement n’a rien d’épouvantable et nous pouvons parfaitement l’adopter sans qu’il ait la moindre influence ni sur la corrida, ni sur les coqs de combat.

En outre, le groupe de travail sur la protection animale s’est réuni plusieurs fois depuis trois ans, et vos collègues qui y siègent ont participé à ces travaux ; sur ces sujets, ils sont donc d’accord avec nous. Un texte en la matière nous a été promis en avril l’an passé, puis en février dernier, mais il n’est hélas pas encore en discussion. Je maintiens donc mon amendement car il n’entraîne aucune conséquence ni sur notre texte, ni sur des pratiques telles que la corrida ou autres.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Précisons votre pensée, madame la rapporteure : une mouche est-elle un animal sauvage ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Bien sûr !

M. Philippe Meunier. Soit. Ainsi, lorsqu’une mouche se fracasse sur le pare-brise de mon véhicule, puis-je être accusé d’avoir intentionnellement tué un animal sauvage ?

Mme Laurence Abeille. Non, il est rare que ces choses-là se fassent intentionnellement…

M. Philippe Meunier. Je répète ma question : est-ce que je tue des animaux sauvages lorsque d’innombrables mouches viennent s’écraser sur mon pare-brise pendant l’été ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Le sujet est certes important mais, comme le disait M. Chassaigne, il est dommage qu’il interfère avec un texte qui n’a rien à voir avec la condition animale. Le texte que nous examinons concerne la biodiversité ; il concerne des valeurs fondamentales dont nous venons de débattre à l’article premier, et il est attendu dans la perspective de la Conférence de Paris sur le climat. Il fixe des principes nouveaux et essentiels au regard des services que nous rend la nature et du développement des filières technologiques liées au génie écologique.

Je répète une fois de plus que nous comprenons parfaitement les préoccupations de Mme Gaillard, qui se bat depuis de nombreuses années en faveur du bien-être animal. Toutefois, ce n’est pas dans un texte de cette importance que nous pouvons régler les problèmes d’arbitrage internes à un groupe parlementaire qui doit décider en toute liberté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée une proposition de loi tout à fait respectable et fondée sur un sujet qui, dans le présent texte, est néanmoins un cavalier législatif.

Allons plus loin et parlons vrai : je respecte les positions idéologiques défendues dans ces amendements, mais ce ne sont pas celles que défend le Gouvernement, ni la ministre de l’écologie qui a la tutelle sur les questions de chasse et de pêche. Disons donc les choses clairement : il s’agit par ces amendements de remettre en cause les activités de chasse et de pêche…

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Non !

Mme Ségolène Royal, ministre. …qui sont des activités réglementées auxquelles nous ne porterons pas atteinte au détour d’un texte législatif pour soulever des polémiques dans notre pays, alors même que le présent projet de loi relatif à la biodiversité est consensuel et attendu, et qu’il est déjà assez compliqué à élaborer.

M. Jean-Claude Buisine. Absolument !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce texte suscite une attente en termes de créations d’activité et emplois ; j’ai expliqué ce qu’il en était en matière de croissance verte et de croissance bleue. Autant je respecte vos préoccupations et votre point de vue, autant je ne saurais émettre un avis favorable à la remise en cause des activités de chasse et de pêche. Il va néanmoins de soi que je condamne tout autant que vous le caractère absolument odieux de la maltraitance animale, mais où celle-ci s’arrête-t-elle ? Je vous rappelle par exemple que la protection des animaux errants relève à juste titre du code rural et du code pénal, car il faut que les sanctions soient sévères en cas de maltraitance, mais elle ne relève pas du code de l’environnement qui traite de la question des animaux en tant que représentants d’une espèce constitutive de la biodiversité.

Ces amendements présentent donc deux inconvénients graves : parce qu’ils traitent des animaux errants, ils permettront demain de poursuivre ceux d’entre nous qui piégeons les ragondins pour protéger les rives du Marais poitevin. De même, les particuliers qui piègent des souris pourront eux aussi être poursuivis.

Mme Laurence Abeille. Mais non !

Mme Ségolène Royal, ministre. Mais si, puisque les souris sont des animaux sauvages errants ! Il pourra donc se produire des contentieux sur ces sujets.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Mais non !

Mme Ségolène Royal, ministre. Si, et c’est pourquoi cela ne me semble pas raisonnable. D’autre part, remettre en cause les activités de chasse – qui sont réglementées et légales – au détour d’un amendement relatif à la maltraitance animale s’apparente à une manière de faire la loi qui susciterait des polémiques et sur laquelle j’appelle l’attention de la représentation nationale : elle n’est conforme ni à la cohérence du texte, ni à l’équilibre des différents codes, qu’il s’agisse du code rural, du code pénal – lequel vise toutes les maltraitances d’animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages – ou encore du code de l’environnement, ni au débat sur la biodiversité que nous sommes en train d’avoir.

Je propose donc le retrait de ces amendements et suggère au groupe socialiste de faire inscrire une proposition de loi qui serait cohérente et répondrait aux préoccupations soulevées ici, que je respecte pleinement mais qui, je le répète, sont étrangères au texte en discussion.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il n’y a pas lieu de poursuivre ce débat. Évitons simplement de faire un amalgame entre les animaux sauvages et les animaux domestiques et de définir les activités qui seraient soi-disant impactées par un amendement de cette nature, mais reconnaissons que l’animal sauvage est un animal sensible. Tous les scientifiques le disent et les travaux ont beaucoup avancé au cours des dernières décennies. Il s’agit pour nous ni plus ni moins que de traiter les animaux sauvages dans le code de l’environnement comme Jean Glavany a traité dans le code civil, sans que cela pose problème, l’ensemble des animaux.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié et 956 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants

29

Nombre de suffrages exprimés

24

Majorité absolue

13

Pour l’adoption

7

contre

17

(Les amendements identiques nos 39 rectifié et 956 rectifié ne sont pas adoptés.)

Brevets sur les « Séquences génétiques »

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 494 deuxième rectification, qui vise à insérer un article additionnel après l’article 4 ter.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement qui me semble important a été accepté par la commission.

La multiplication des nouveaux brevets portant sur des « séquences génétiques », des « unités fonctionnelles d’hérédité » ou des « traits » naturellement présents dans des plantes cultivées, des animaux d’élevage ou des espèces sauvages apparentées constitue une immense menace pour la biodiversité et pour l’innovation indispensable à son renouvellement. Dès qu’un tel brevet est déposé, les sélectionneurs ou les agriculteurs qui conservent et renouvellent cette biodiversité en la valorisant sont obligés de cesser leur activité ou de négocier des droits de licence élevés pour pouvoir la poursuivre.

C’est ainsi qu’un sélectionneur français s’est vu contraint de négocier un droit de licence avec le détenteur d’un nouveau brevet portant sur la résistance naturelle de salades à des pucerons pour pouvoir continuer à vendre les semences de variétés qu’il avait lui-même sélectionnées et qu’il commercialisait depuis plusieurs années lors du dépôt de ce brevet.

Ces brevets sur les traits natifs sont le résultat de progrès récents des outils de séquençage génétique, lesquels, je le souligne, n’existaient pas lorsque l’actuel code de la propriété intellectuelle a été rédigé. Il conviendrait donc d’adapter ce dernier à cette nouvelle réalité afin d’éviter les abus de brevet et de permettre à nos agriculteurs de travailler dans de bonnes conditions lorsque des traits naissants sont présents dans leurs élevages ou leurs cultures. Dans une résolution du 14 janvier 2014, le Sénat a réaffirmé « que devraient être exclus de la brevetabilité les plantes issues de procédés essentiellement biologiques et les gènes natifs ». M. le ministre Stéphane Le Foll a lui-même indiqué, lors du colloque sur la propriété intellectuelle organisé le 29 avril 2014 par le Haut conseil des biotechnologies, que de tels brevets ne sont pas admissibles. Or seule la loi issue du débat parlementaire public, et non une ordonnance, peut modifier le code de la propriété intellectuelle sur une question aussi importante.

Certes, le code de la propriété intellectuelle français ne s’applique qu’aux brevets français et non aux brevets européens qui couvrent de nombreux produits ou matières biologiques commercialisés ou utilisés sur le territoire français. Sa modification n’en est pas moins essentielle pour faire évoluer un cadre européen incapable de sortir des blocages procéduriers d’un Office européen des brevets dont les décisions s’éloignent de plus en plus de la volonté du législateur. L’introduction, en 2004, à l’article L. 613-5-3 du code de la propriété intellectuelle français relatif au brevet, de l’exception de recherche et de sélection « en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales » a en effet été une étape déterminante conduisant à l’introduction de la même exception dans le brevet unitaire européen en 2014.

Cet amendement, adopté par la commission, serait très utile pour les éleveurs et les maraîchers qui ont eu la chance de sélectionner ou de mettre en avant des « traits naissants »

mais ne peuvent plus les utiliser dès lors qu’un brevet a été déposé – par exemple, par une grande entreprise –, les contraignant ainsi à racheter les semences.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même s’il partage les préoccupations exprimées, le Gouvernement est défavorable à l’amendement, et ce, pour deux raisons.

Premièrement, le fait de légiférer indépendamment des autres pays européens risque de créer une très importante distorsion de concurrence. Si nous restreignons, de façon unilatérale, nos capacités de déposer des brevets, alors que cette question doit être tranchée au plan européen, la capacité d’agir de nos entreprises comme de nos instituts de recherche s’en trouvera limitée. Je le répète, je partage tout à fait la préoccupation consistant à soustraire du champ des brevets certaines plantes issues des procédés biologiques ainsi que leurs gènes dits natifs, mais je suis défavorable à l’idée d’introduire dans le seul droit français une interdiction de déposer certains brevets.

D’autant – et c’est la deuxième raison – que ces brevets peuvent en effet être parfaitement justifiés, y compris, le cas échéant, s’ils sont déposés par des agriculteurs ayant mis au point certains procédés biologiques : pourquoi, en effet, n’auraient-ils pas le droit de protéger leurs savoir-faire ? Certes, aujourd’hui, ce sont de grandes entreprises spécialisées qui le font. Mais demain, le fait d’interdire de breveter ces plantes issues de procédés biologiques pourrait aussi priver de certaines opportunités des agriculteurs ou des groupements d’agriculteurs recourant à de tels procédés, alors que l’on devrait au contraire les encourager à déposer des brevets concernant leurs pratiques.

L’engagement que je peux prendre – j’ai d’ailleurs commencé à effectuer des démarches en ce sens – est de défendre cette question au niveau des ministres de l’environnement européens, car il y a là un véritable enjeu. Je considère en effet que le brevetage des ressources ou des traits issus de la sélection naturelle peut donner lieu à des abus. L’exemple que vous avez donné est à cet égard tout à fait parlant. Compte tenu de cet engagement, je suggère le retrait de l’amendement. Bien évidemment, je rendrai compte à votre commission du résultat de ces démarches européennes.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Je veux exprimer mon soutien à la proposition de la rapporteure et dire à Mme la ministre que la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale va bien sûr se saisir de ce sujet, d’autant que, si l’on prend l’exemple, qui n’est pas si vieux, de la défense de la propriété intellectuelle européenne, on constate que c’est bien de France que l’initiative est partie : c’est bien parce que nous nous sommes mobilisés à l’Assemblée nationale que la ministre de la culture de l’époque s’est saisie du dossier et que l’exception culturelle européenne a été protégée dans les négociations qui continuent à l’heure actuelle avec les États-Unis.

J’espère que, dans le domaine de la biodiversité, qui est tout aussi important en termes de propriété intellectuelle, nous arriverons à des propositions montrant que, lorsque la France fait un pas en avant, elle aide toute l’Europe à réfléchir.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Madame la ministre, madame la rapporteure, c’est une question essentielle qui est soulevée ici. S’agissant des nouvelles technologies permises par la génomique, on se trouve face à deux modèles. La tradition française s’articule en particulier autour des semences, notamment des semences phanérogames et, plus généralement, celles appartenant aux grandes espèces actuelles. On part là d’un objet entier – la semence –, donc de l’ensemble du patrimoine génétique. À côté de cela, il y a tout ce que l’on fait au moyen d’éléments plus simples, de nature microbiologique, tels les levures, qui conduisent à des procédés de génie génétique extrêmement sophistiqués. On ne peut pas introduire dans le même texte des dispositions qui concerneraient ces deux modèles. En effet, entre les levures et le blé, il y a un océan biologique. Toutefois, je remercie Mme la rapporteure d’avoir introduit ce débat ; au moins, il est sur la table.

En France, il existe, s’agissant des grandes espèces, ce que l’on appelle le « catalogue », qui certifie les semences proposées à la vente, de manière à garantir à l’agriculteur qui va les acheter – et qui peut, pour partie, les reproduire sur son champ – qu’il s’agit de quelque chose de solide, de certifié, de sécurisé, dont on sait ce qu’il produira. En ce qui concerne le brevet, il y a une tendance actuelle, au niveau européen, menée par l’Office européen des brevets, à breveter les gènes natifs pour toutes les catégories de vivant. Cela pose un problème car cela ouvre les portes, sur le plan économique, à des systèmes multinationaux, voire planétaires, alors que la tradition française et européenne consiste à adapter les semences et tout le matériel biologique – qui débouchera, in fine, sur les produits de notre alimentation – à des situations particulières en termes de sols, de climats, de traditions et de goûts alimentaires. C’est vrai aussi pour l’ensemble du monde.

Il s’agit d’un sujet délicat – on y reviendra à propos des articles 9 et 18. La question posée est tout à fait pertinente, car elle nous interroge sur la situation de la France en Europe, et sur celle de l’Europe dans le monde. Devons-nous abolir nos traditions ? En matière de brevets, de gènes et de séquences, devons-nous basculer d’un modèle à l’autre et passer d’un système collectif, partenarial, de propriété du vivant, à un système individuel ? L’objet entier, la séquence génétique : voilà un sujet de société.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je ne suis semble-t-il pas la seule – cette position est également défendue au sein du Gouvernement – à dire qu’il est important de s’intéresser rapidement à ces gènes natifs. Comme Mme Le Dain vient de le dire, il existe une tendance à breveter systématiquement qui pose des problèmes, ensuite, sur le terrain. J’ai bien entendu Mme la ministre et Mme la présidente de la commission des affaires européennes. Je crois qu’il est important que nous saisissions rapidement l’Union européenne pour trouver une solution à ce problème, qui concerne la société tout entière. Je fais confiance à Mme la ministre et, pour les parlementaires, à Mme Auroi ; en conséquence, je retire l’amendement. Il me paraissait toutefois important que nous en débattions, parce que ce sont des choses qui passent totalement inaperçues ; demain, lorsque nous constaterons les dégâts occasionnés, nous n’aurons plus les moyens d’intervenir et nous aurons perdu toute légitimité pour empêcher que certains ne recherchent un profit exclusif au détriment des valeurs humaines et du sens du travail.

(L’amendement no 494 deuxième rectification est retiré.)


La CNB et sa gouvernance

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, inscrit sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. L’article 5 vise à créer deux institutions relatives à la biodiversité : le Comité national de la biodiversité et le Conseil national de la protection de la nature. Madame la ministre, à l’heure où tout le monde réclame de la simplification et des économies budgétaires, est-il raisonnable de se doter ainsi de deux nouvelles instances ? Je vous rappelle que notre dette publique excède 2 000 milliards et s’accroît depuis l’arrivée de votre majorité au pouvoir. De surcroît, il résulte du texte du projet de loi que les deux établissements pourraient avoir des activités similaires. Il est vrai que la création de pareilles instances permet de conférer des fonctions à des personnes que l’on veut gratifier. Pour autant, arrêtons de créer en permanence des entités redondantes !

Leur composition elle-même peut aussi inquiéter : on peut en effet craindre une surreprésentation des associations de protection de l’environnement. Il est donc indispensable de prévoir, de facto, la représentation des organismes socioprofessionnels ainsi que celle des propriétaires et des usagers de la nature.

M. Jean-Marie Sermier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Chers collègues, au moment d’entamer l’examen du titre II, consacré aux institutions et à la gouvernance, il me paraît essentiel – et il en va certainement de même pour Gabriel Serville et Chantal Berthelot – de lever une ambiguïté. Nous allons avoir un débat très important sur la place des pays, départements et territoires d’outre-mer dans la gouvernance, à la fois nationale et locale, de la biodiversité. Je ne voudrais pas qu’à cette occasion l’Assemblée nationale, à la suite d’une interprétation erronée, en vienne à considérer que les exigences des régions ultramarines en matière de représentation ne traduisent une forme d’égoïsme de leur part, compte tenu de leur richesse en matière de biodiversité – 80 % de la richesse nationale dans ce domaine étant située outre-mer. Ce n’est absolument pas cela, tout du moins pour ce qui me concerne.

Des instances très importantes vont être créées : le Comité national de la biodiversité, le Conseil national de la protection de la nature, les comités régionaux, mais aussi des structures de gouvernance plus opérationnelles, telles que l’Agence française de la biodiversité. En outre, nous avons obtenu en commission que la collectivité locale puisse être l’autorité administrative délivrant les autorisations.

J’insiste beaucoup sur ce point, car, pour nous, la biodiversité ne renvoie pas à une forme de plénitude de l’existence, mais est purement et simplement une question de survie : elle est fondamentale. Au-delà de la survie, c’est une question de résilience : il en va de la capacité, pour les populations antillaises, polynésiennes ou caribéennes, de ne pas rester totalement étrangères à leur propre nature comme elles le sont encore vis-à-vis de la définition de la stratégie de coopération dans le domaine de la « géographie cordiale ». En ce sens, il me paraît légitime de ne pas simplement bénéficier, dans certaines instances, d’une représentation de façade – le texte évoque à plusieurs reprises une « forte représentation ultramarine », ce qui paraît extrêmement vague – mais d’une représentation effective et, surtout, au niveau de l’Agence française de la biodiversité, d’une représentation accompagnée du droit de vote. Même s’il y aura délégation des agences par département, je considère que ce point est fondamental.

C’est également une question de cohérence. Comment voulez-vous que l’on s’occupe à la fois du schéma d’aménagement régional, qui définit le cadre de développement, des stratégies énergétiques, du schéma régional climat air énergie et de la stratégie de la biodiversité sans assurer une cohérence entre toutes ces politiques ? Il est donc extrêmement important de poser un acte majeur de décentralisation et de conférer, en matière de biodiversité, une grande responsabilité aux territoires concernés.

Enfin, comme je le répète souvent, nous considérons que la question de la biodiversité du milieu naturel et des écosystèmes concerne non seulement le pays lui-même, sa surface terrestre, mais aussi sa surface maritime et les autres pays qui l’entourent. Parce que nous sommes situés à 8 000 kilomètres de l’hexagone, cet aspect est évidemment extrêmement important.

La biodiversité, grâce à l’exploitation des ressources biologiques et à l’ouverture de filières économiques nouvelles constitue une opportunité incroyable en matière de développement stratégique pour engager la mutation du modèle économique actuel, qui produit trop de chômage et dont nous devons absolument nous éloigner pour aller vers une croissance davantage partagée. Une telle opportunité doit cependant être recherchée localement. C’est pourquoi, monsieur le président, je tenais à insister sur les amendements que nous allons présenter dans quelques instants afin de garantir une bonne représentation des outre-mer au sein des instances de gouvernance.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 958.

Mme Laurence Abeille. Le Conseil national de la biodiversité prévu à l’article 5 de ce projet de loi est une très bonne chose. Le présent amendement vise à en faire une réelle instance de débat entre les acteurs sur les politiques en faveur de la biodiversité. Si cette proposition, ambitieuse, n’est pas acceptée, je vous présenterai ensuite plusieurs amendements de repli.

Au travers de ces différents amendements je souhaite définir le but et les missions du Comité national de la biodiversité, à un niveau non pas réglementaire mais législatif, sur le modèle du Conseil national de la transition écologique.

Le CNB doit être saisi obligatoirement sur tous les textes, législatifs ou réglementaires, et sur les politiques ayant un impact sur la biodiversité ; je pense notamment au schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. Nous savons que les infrastructures autoroutières, en particulier, viennent rompre les continuités écologiques, affectant ainsi fortement la biodiversité.

Le CNB devrait également pouvoir suivre le financement des politiques de la biodiversité, en particulier le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la loi de finances. Nous savons que des gels et des surgels de crédits ont régulièrement lieu sans que l’information soit rendue publique ni que les acteurs soient associés à la décision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement.

Puisque nous en sommes à évoquer la gouvernance de la biodiversité, j’insiste sur notre devoir de vigilance. Monsieur Chevrollier, nous ne créons pas de structure supplémentaire ; au contraire, nous supprimons le Comité de pilotage de la stratégie de création d’aires protégées, le Comité de révision de la stratégie nationale pour la biodiversité, le Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens, le Comité national de l’observatoire national de la biodiversité, le Comité national de suivi Natura 2000, le Comité national du système d’information sur la nature et les paysages, le Comité national « trames verte et bleue », le Comité national zones humides, le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage, le Conseil national supérieur du patrimoine naturel et de la biodiversité, le Groupe miroir de concertation de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin, et enfin le Groupe national poissons migrateurs.

Le CNB n’est donc pas une structure qui vient s’ajouter aux autres, mais plutôt une instance de consultation qui vise à rassembler en son sein les membres des structures que je viens de citer, lesquels siègent d’ailleurs souvent dans plusieurs d’entre elles. Vous n’avez donc aucune crainte à avoir sur ce point.

Monsieur Letchimy, des amendements viendront ensuite en discussion sur le sujet mais nous avons d’ores et déjà prévu dans le texte que les outre-mer seraient représentés comme il se doit, sans pour autant donner de chiffres. En effet, comme vous le savez, dans chaque région ultramarine sera créé un comité régional de la biodiversité, instance importante à vos yeux et au travers de laquelle vous pourrez être consultés. Toutes les instances ayant un lien avec ces problématiques pourront s’y exprimer. De même, des Ultramarins pourront bien évidemment siéger dans les instances nationales.

S’agissant de l’amendement de Mme Abeille, il convient d’éviter les sources de rigidité. Si le CNB devient obligatoirement consultable en permanence, il sera très difficile d’avancer dans le sens souhaité. Je suis actuellement présidente du Comité national « trames verte et bleue » et les ministres nous saisissent d’un certain nombre de sujets. Un amendement du Gouvernement viendra bientôt en discussion – j’espère qu’il vous satisfera – qui prévoit l’autosaisine du CNB, une avancée majeure.

Le présent amendement a donc reçu un avis défavorable de la commission du fait des lourdeurs qu’il risquerait d’introduire dans la gouvernance de la biodiversité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la commission.

(L’amendement no 958 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 99 rectifié.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cet amendement a pour objet d’inverser les occurrences des deux instances dans l’article. La protection de la nature est en effet une action concrète, opérante, dynamique que des lois, des administrations, des institutions, des entreprises peuvent décider et traduire en faits, alors que la notion de biodiversité est un concept assez récent, en pleine évolution, travaillé par le monde scientifique. L’expertise en la matière appartient donc encore au monde de la connaissance, de la science et de l’enseignement.

Par conséquent, il me semblait plus pertinent d’intervertir les mentions de ces deux instances dans le texte. Si je comprends les enjeux, je connais également la valeur des mots.

Cela étant dit, je consens à retirer mon amendement.

(L’amendement no 99 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 182.

M. Jean-Marie Sermier. Les travaux préparatoires et l’exposé des motifs du projet de loi définissent le Comité national de la biodiversité comme une « instance sociétale de concertation ». Il apparaît donc opportun de l’inscrire explicitement dans la loi afin d’éviter de dévoyer ce système dans la partie réglementaire avec une surreprésentation des associations de protection de l’environnement ou d’autres secteurs d’activité. Chacune doit pouvoir être représentée logiquement en proportion de son importance.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 579.

M. Philippe Meunier. Cet amendement vise à ajouter l’expression : « de représentation sociétale » après le mot : « instance » pour que les discussions au sein du Comité national de la biodiversité soient apaisées et ne sombrent pas dans le dogmatisme.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 1241.

M. Dino Cinieri. Les explications de mes collègues me conviennent ; je considère que mon amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 1361.

M. Jacques Krabal. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ces amendements ont été repoussés par la commission. Je rappelle que le CNB est une instance d’information, d’échange et de consultation sur les questions stratégiques liées à la biodiversité.

Comme je l’indiquais précédemment, je suis présidente du Comité national « trames verte et bleue » et les comités de cette nature sont nombreux. Or, et cela peut parfois surprendre, les débats au sein de ces instances sont très apaisés. Le comité que je préside rassemble notamment des agriculteurs et des représentants des chambres d’agriculture, et tout se passe très bien : nous arrivons à discuter, il y a de l’écoute et nous aboutissons à des compromis. Je ne vois donc pas ce qui justifie que vous jetiez l’opprobre sur des associations qui se tiennent très bien ; ce n’est pas de cette façon que l’on fait avancer les choses.

Il faut être réaliste : le Comité national de la biodiversité est une instance très importante, et les débats qui ont lieu aujourd’hui au sein des comités qui y seront intégrés sont riches, portent sur le fond, et les décisions qui y sont prises sont en général des compromis. Les ministres qui ont saisi ces comités en prennent connaissance puis font ce qu’ils souhaitent. Pour notre part, nous travaillons en bonne intelligence et sans difficulté. Je ne comprends donc pas pourquoi vous insinuez que certaines associations seraient surreprésentées. Le MEDEF et d’autres syndicats, notamment, sont présents, et tout se passe bien, je tiens à le souligner.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. L’adjectif « sociétal » ne peut pas être employé pour qualifier une instance car il n’a pas de fondement juridique. Par parallélisme des formes, il n’est pas indiqué que le Conseil national de protection de la nature, par exemple, est une instance scientifique. Un tel ajout n’apporterait donc rien au texte, d’autant que la rédaction actuelle a été arrêtée dans les lois Grenelle. En dépit des clivages politiques, cette rédaction répond à un souci de cohérence et de simplicité.

Je suggère donc aux auteurs de ces amendements de les retirer.

(Les amendements identiques nos 182, 579, 1241 et 1361 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 960.

Mme Laurence Abeille. Ainsi que je l’indiquais lors de la présentation de mon précédent amendement, j’ai découpé les propositions avancées d’un bloc concernant les domaines pour lesquels l’avis du CNB serait obligatoire.

J’aimerais qu’on m’explique pourquoi on ne retient pas la même solution que pour le CNTE, le Conseil national de la transition écologique, qui était satisfaisante et qui consistait à lister l’ensemble des compétences de l’institution. Ce serait lisible pour tous.

Je propose dans cet amendement que le CNB soit consulté par le Gouvernement sur les projets de loi, d’ordonnance et de décret concernant la gestion, la préservation et la restauration de la biodiversité terrestre et marine, sur les projets de documents de stratégie ou de planification nationale relatifs à la biodiversité ou affectant celle-ci et sur tout sujet relatif à la biodiversité ou ayant un effet notable sur celle-ci. Il serait tout de même utile que le CNB donne obligatoirement son avis sur les schémas d’infrastructure, sur certains projets d’aménagement susceptible d’avoir un impact fort sur la biodiversité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable, comme pour l’amendement présenté voilà quelques instants par Mme Abeille.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme Laurence Abeille. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement no 960 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 959.

Mme Laurence Abeille. Je poursuis dans la même voie, bien que mes amendements n’aient pas beaucoup de succès.

Le présent amendement vise à rendre obligatoire la saisine du CNB par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme Laurence Abeille. Je le retire !

(L’amendement no 959 est retiré.)

M. le président. Sur les amendements identiques nos 170, 567, 767, 1229 et 1365, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 170.

M. Guillaume Chevrollier. La disparition du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage – CNCFS – constituerait une erreur pour l’intérêt général et le bon fonctionnement de la chasse en France. Il convient de conserver cette instance consultative tant les questions cynégétiques ont un caractère spécifique.

Il ne serait d’ailleurs pas cohérent de confier des compétences en matière de chasse au Conseil national de la biodiversité tout en maintenant l’Office national de la chasse et de la faune sauvage en dehors de l’Agence française de la biodiversité. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 567.

M. Philippe Meunier. Cet amendement est extrêmement important et nous comptons sur le soutien de Mme la ministre et de tous les députés ici présents pour qu’il soit adopté, car les chasseurs de France, très respectueux de la biodiversité, y sont particulièrement attachés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 767.

M. Jean-Yves Caullet. C’est une question de cohérence. À partir du moment où la gestion de la chasse et celle de la faune sauvage sont associées au sein d’un même organisme, il y a une ambiguïté. On pourrait très bien penser que les questions relatives à la faune sauvage relèvent de la nouvelle instance chargée de la biodiversité, tandis que l’exercice de la chasse relève d’un CNCFS non intégré.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 1229.

M. Dino Cinieri. Je rejoins Philippe Meunier sur cet amendement important : la disparition du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage constituerait une erreur pour l’intérêt général et le bon fonctionnement de la chasse en France. Il convient de conserver cette instance consultative, tant les questions cynégétiques ont un caractère spécifique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 1365.

M. Jacques Krabal. Je défends avec les mêmes arguments cet amendement cher au cœur de Jeanine Dubié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a repoussé ces amendements.

Je voudrais d’abord souligner cette contradiction qui est la vôtre de vouloir à la fois simplifier, quand ça vous arrange, et maintenir un certain nombre de comités, quand ça vous arrange aussi. Il y a là un problème à régler entre vous.

Par ailleurs, les amendements que vous avez défendus visent à donner un statut législatif à une instance qui est aujourd’hui réglementée par les articles R. 421 et R. 421-6 du code de l’environnement. Sanctuariser cette instance reviendrait à prévenir toute intégration du CNCFS au sein du CNB. Nous ne sommes pas dupes et je vous rappelle qu’au sein du CNB, il y aura un comité spécialement en charge de la chasse. Je peux là encore citer l’exemple du Comité national « trames verte et bleue », qui comprend des chasseurs : cela fonctionne très bien.

M. Philippe Meunier. Jusqu’à présent, le système fonctionnait très bien aussi.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Sauf que nous changeons la gouvernance de la biodiversité. Vous avez dit au début qu’il était bien qu’une loi rende plus lisible la protection de la biodiversité. Là encore, il faut être cohérent, au lieu de dire une chose et son contraire. La commission a donc repoussé ces amendements.

M. Philippe Meunier. C’est bien triste !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je vais demander le retrait de ces amendements, qui sont satisfaits puisque le CNCFS n’est pas noyé dans le CNB : il constitue l’une de ses commissions. On lui conserve bien sa spécificité et son autonomie.

Le CNCFS assure des fonctions consultatives auprès du ministre de l’écologie, puisque la chasse est du ressort de ce ministère. Il n’est pas noyé dans le CNB ni inclus dans l’Agence française de la biodiversité. Le minimum minimorum est qu’il puisse avoir le droit de débattre avec les autres instances du CNB. Or, vos amendements auraient l’effet inverse : leur adoption priverait le CNCFS de tout débat sur la biodiversité, alors que le projet prévoit qu’il soit saisi. Je ne crois pas du tout que le CNCFS ait demandé à être exclu du CNB. À dire vrai, je ne comprends pas très bien le sens de vos amendements qui vont se retourner contre le CNCFS. Je suggère donc leur retrait, d’autant que les textes relevant du ministère de l’agriculture sont quasiment inexistants, puisque le ministre de l’agriculture se contente de cosigner le décret sur les baux de chasse. Tout le reste des dispositions concernant la chasse relève du code de l’environnement. La tutelle supplémentaire que vous voulez imposer à la chasse ne ferait que perturber la législation.

Je suggère le retrait de ces amendements, compte tenu des assurances que je viens de vous donner.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je suis tout à fait convaincu par ces explications. Nous restons dans le domaine réglementaire s’agissant du CNCFS, qui va être intégré dans un comité dont les règles de fonctionnement sont fixées par la voie réglementaire. L’amendement no 767 est donc retiré.

(L’amendement no 767 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Mon amendement, lui, n’est pas retiré. On ne peut pas considérer que cet organisme trouve sa place dans le dispositif s’il devient une simple commission du CNB, alors qu’il est très représentatif puisqu’il comprend des chasseurs mais aussi des forestiers, certains agriculteurs et les propriétaires forestiers. Il donne pleine satisfaction et peut travailler avec le CNB en se réunissant chaque fois que nécessaire. Il n’a pas à devenir une simple commission du CNB.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. S’il ne constitue pas une des commissions du CNB, il ne sera absolument pas consulté sur l’ordre du jour. Ces amendements sont tout de même très étranges. Il faut savoir ce qu’on veut.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Exactement !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 170, 567, 1229 et 1365.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants

19

Nombre de suffrages exprimés

19

Majorité absolue

10

Pour l’adoption

5

contre

14

(Les amendements identiques nos 170, 567, 1229 et 1365 ne sont pas adoptés.)

La représentation des chasseurs au sein de l’ONCFS

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques, nos 167, 196, 285, 564, 809, 1226 et 1366.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement no 167.

M. Marc Laffineur. Il s’agit simplement de revenir au droit existant et de ne pas modifier la représentation des chasseurs au sein de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, étant entendu qu’ils assurent les deux tiers de son financement au moyen de la taxe sur les permis de chasser.

Conserver la représentation actuelle des chasseurs au sein de l’ONCFS s’impose d’autant plus qu’ils sont de grands défenseurs de la biodiversité. Ce sont eux qui assurent la préservation des espèces au sein de nos territoires. Il faut donc leur accorder une juste représentation.

Mme la présidente. Sur l’amendement no 167 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement no 196.

M. Paul Salen. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 285.

M. Martial Saddier. Défendu également.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement no 564.

M. Philippe Meunier. Madame la ministre, les chasseurs passent leur temps à payer, pour les dégâts du gibier et pour le fonctionnement de l’ONCFS notamment. Et il faudrait maintenant que, pour représenter leur sport – leur art, leur activité, c’est selon – ils laissent leurs places à d’autres ! Ce n’est pas acceptable. Les chasseurs en ont assez. S’ils ne sont là que pour payer, cela va mal finir. Pourtant, le gibier cause de plus en plus de dégâts dans notre pays, alors même que les chasseurs sont de moins en moins nombreux en raison du prix toujours plus élevé des permis de chasser qui justement financent ces dégâts.

Ce sont les chasseurs qui financent l’Office, et on leur demande de diminuer le nombre de leurs représentants au conseil d’administration ! Ce n’est pas acceptable. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, par ces amendements, supprimer les alinéas 3 à 5.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 809.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la ministre, vous défendez ici un projet de loi relatif à la biodiversité. Il faut rappeler que nombre d’espèces semi-sauvages – la seule espèce sauvage à laquelle nous ayons été confrontés, dans l’est, est le loup, mais ceci est une autre histoire et je sais que vous la connaissez bien… – ne continuent d’exister que parce qu’il y a des hommes et des femmes qui entretiennent les lignes dans les bois et qui participent à la gestion du gibier.

Or votre article 7 ter vise à amplifier la destruction de ces activités : cela revient, en zones rurales, à détruire une des activités humaines maintenant cette biodiversité des espèces animales que votre projet de loi cherche à préserver. Il serait donc raisonnable de prendre en compte nos amendements en vue de défendre les chasseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 1226.

M. Dino Cinieri. Le texte adopté par la commission prévoit de ramener à neuf le nombre de représentants cynégétiques au sein du conseil d’administration de l’établissement. Compte tenu des spécificités de l’ONCFS, dont le financement est assuré à près des deux tiers, soit environ 70 millions d’euros, par les redevances annuelles des permis de chasser et dans la mesure où il constitue une composante essentielle de la filière chasse aux côtés des associations de fédérations de chasseurs, le maintien de l’équilibre actuel de la composition du conseil d’administration apparaît comme une véritable nécessité.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement no 1366.

M. Joël Giraud. Il est retiré.

(L’amendement no 1366 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il est évidemment défavorable.

Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi évidemment ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a en effet repoussé ces amendements. Avant de répondre sur le fond, je rappelle aux députés qui les ont déposés que l’État donne 40 millions d’euros par an à l’ONCFS : il est donc faux de dire qu’il ne participe pas à son financement, que la seule source de financement des chasseurs est constituée par les permis de chasser, et que les chasseurs ne sont pas aidés. Il faut être très clair.

Par ailleurs – nous aurons probablement l’occasion d’en débattre dans peu de temps, et je ne veux pas anticiper – il eût été intéressant que l’Office puisse participer à l’Agence française pour la biodiversité. Visiblement, les chasseurs ont adopté une posture extrêmement différente : ils veulent bien tout faire et tout avoir, mais ils refusent, dans certains cas comme celui que nous examinons, de revoir légèrement la gouvernance de l’Office.

Sur le fond, le dispositif proposé ne change pas grand-chose.

Mme Annie Genevard. Mais si !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il tire simplement les conséquences de la part croissante prise par l’État dans le financement de l’Office ainsi que de l’évolution de ses missions en le plaçant sous double tutelle. Enfin, il rééquilibre, je pense que personne ne peut s’y opposer, la composition de son conseil d’administration en y introduisant des représentants des collectivités territoriales. Il est important, au moment où l’on parle de transparence et de gouvernance, d’ouvrir ce conseil d’administration. Je vous demande donc de rejeter ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Demain a lieu l’assemblée générale de la Fédération nationale des chasseurs. Je m’y rendrai avec plaisir, comme je me suis rendue pendant des années aux assemblées générales des fédérations de ma région Poitou-Charentes, notamment dans les Deux-Sèvres. Dans ces occasions, plusieurs milliers de chasseurs sont rassemblés et ce sont toujours des moments extrêmement chaleureux.

J’ai d’ailleurs toujours pensé, et je le pense toujours, que les chasseurs sont des ardents défenseurs de la nature. C’est souvent grâce à eux, en particulier, qu’on a pu replanter des haies, y compris sur le bord des routes. Or, sans le maillage des haies sans le respect des vallées, des secteurs bocagers, il n’y a plus d’oiseaux. La chaîne de la vie, le tissu du vivant, les chasseurs en sont de parfaits connaisseurs et ce sont des auxiliaires de la politique environnementale, je n’ai pas peur de l’affirmer ici.

M. Martial Saddier. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Comme vous le savez, l’Office national de la chasse n’a pas voulu être intégré à l’Agence pour la biodiversité. Je le regrette parce que les chasseurs ont beaucoup à dire et à faire pour la défense de la biodiversité. Les membres de l’Office souhaitent d’ailleurs signer une convention avec le ministère. Je vais la mettre au point avec eux, notamment s’agissant des implications économiques et des emplois liés aux activités de chasse. En contrepartie, je leur demanderai d’entrer dans la stratégie nationale de défense des pollinisateurs sauvages et des abeilles. Je crois, en effet, qu’il y a quelque chose à organiser sur l’ensemble des réseaux de la nature, que connaissent bien les chasseurs, pour stopper le déclin des pollinisateurs sauvages, qui est un drame pour la biodiversité, et même pour reconquérir la biodiversité.

Si nous faisons évoluer la structure du conseil d’administration de l’ONCFS, à la demande des fédérations d’élus, des communes, des départements et des régions, c’est parce qu’il est logique d’y faire entrer les collectivités locales, qui d’ailleurs signent souvent elles aussi des conventions avec les fédérations de chasseurs.

Il a été convenu de leur laisser la majorité : avec neuf sièges, ils sont en effet toujours majoritaires, d’autant que, ne soyons pas hypocrites, les collectivités territoriales qui auront à désigner leurs représentants au conseil d’administration de l’Office choisiront des chasseurs, c’est-à-dire des gens qui savent de quoi ils parlent. Elles pourront choisir aussi d’autres personnalités, mais en tout état de cause, il est bien évident que la place des chasseurs n’est pas réduite. Inversement, il est important d’assurer une diversité des représentations au conseil d’administration de l’ONCFS car si les chasseurs n’ont pas voulu être intégrés dans l’Agence pour la biodiversité, ce que je respecte tout à fait, j’ai bien l’intention que, sur les territoires, dans le cadre des partenariats avec le ministère de l’écologie, ils travaillent en commun avec ses équipes. C’est l’intérêt du territoire.

Il n’y aura donc pas, côte à côte, d’un côté les chasseurs et leurs salariés s’occupant de la biodiversité et de l’autre les équipes de l’Agence pour la biodiversité. Je souhaite qu’ils travaillent ensemble. En tout cas, je donnerai des instructions en ce sens à l’Agence et ce sera la condition des partenariats qui seront signés par convention entre le ministère de l’écologie et l’Office national de la chasse, et donc avec les fédérations de chasseurs.

Je veux à ce propos saluer leur travail, notamment en milieu rural, pour préserver la nature, faire connaître la vie sauvage et transmettre un certain nombre de savoirs, comme le font d’ailleurs les pêcheurs, qui connaissent parfaitement la question de la gestion de l’eau parce qu’ils sont tous les jours dans ces espaces naturels remarquables et souvent dégradés. Ce sont eux qui ont la mémoire de l’évolution des paysages, de l’évolution de nos vallées, de nos rivières. Ce sont des vigiles des évolutions de la nature et j’entends bien continuer à utiliser cette expertise de terrain, cette proximité du territoire, pour que, grâce aux outils que cette loi va nous donner, nous puissions non seulement stopper la dégradation mais réussir à améliorer la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Si cela ne change pas grand-chose, madame la rapporteure, pourquoi changer ? Ce n’est pas la peine de faire une loi pour ne pas changer grand-chose !

Par ailleurs, madame la ministre, vous connaissez très bien nos territoires et vous savez très bien que tout dépendra des collectivités. Certaines d’entre elles, vous le savez très bien, feront au contraire entrer à l’Office des gens opposés à la chasse. Vous créez les conditions d’une bataille extrêmement préjudiciable, d’une très mauvaise ambiance dans chacun des départements.

En fait, il faut le dire clairement, cette disposition est, de façon déguisée, contre la chasse. Vous voulez diminuer le nombre de chasseurs parce que c’est une question idéologique pour vous, madame la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou. Procès d’intention !

M. Marc Laffineur. Je crois que ce sera extrêmement néfaste, que ce sera une très grosse erreur. C’est la raison pour laquelle il faut voter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame le ministre, je vous ai bien écoutée parler du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et il y a quelques points sur lesquels je ne comprends pas votre argumentation.

Sur le site de l’Office, j’ai vu qu’il y a vingt-deux représentants à son conseil d’administration : quatre représentants de l’État, sept représentants de fédérations départementales de la chasse, deux présidents d’associations de chasseurs, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la chasse, deux représentants d’organisations professionnelles agricoles, un représentant d’organisations de propriétaires ruraux, deux représentants d’organismes de protection de la nature et deux représentants du personnel. La moitié est donc fixée à onze. Si vous passez de onze à neuf, j’ai du mal à comprendre comment les chasseurs peuvent toujours représenter la majorité au sein de l’ONCFS.

Si, dans un conseil d’administration de vingt-deux personnes, les chasseurs ont deux représentants de moins et deviennent donc minoritaires alors qu’ils assument les deux tiers du financement de l’Office, n’y a-t-il pas une forme d’injustice ?

Ma seconde question est peut-être un petit peu plus tendancieuse : l’Office national ayant refusé d’intégrer l’Agence de la biodiversité, donner la majorité à d’autres au conseil d’administration n’est-il pas un moyen d’arriver un jour à vos fins, en lui faisant voter dans quelques années son intégration au sein de l’Agence en dépit de l’opposition farouche des chasseurs ?

Sur ces deux points, madame la ministre, j’aimerais que vous clarifiiez votre argumentation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est très simple, monsieur le député. Comme vous l’avez souligné, le collège le plus important reste celui des chasseurs

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas majoritaire !

Mme Ségolène Royal, ministre. On ne touche pas aux autres personnalités que vous avez énumérées, notamment les experts spécialisés en cynégétique. Vous voyez que tous les autres membres de l’Office sont des experts issus du monde de la chasse.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Marie Sermier. Il ne faut pas confondre un expert et un chasseur !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce sont toutes des personnalités issues du monde de la chasse.

Vous êtes tous des élus de territoire : le minimum, c’est de faire confiance aux communes ! Il est bien évident que les communes rurales vont désigner des personnalités en phase avec les préoccupations de l’Office de la chasse. Il en sera de même pour les départements et les régions.

Le monde de la chasse conserve bien la majorité absolue puisque, en plus des neuf membres représentant les chasseurs, tous les autres sont liés au monde cynégétique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, vous avez tenu des propos très élogieux à l’égard du monde cynégétique et vous avez pris sa défense, mais je ne vois pas de concordance entre ces propos et la modification de la représentation des chasseurs au sein du conseil d’administration qui est proposée. Comme l’a expliqué Julien Aubert, passer de onze à neuf représentants sur un collège de vingt-deux, cela fait une différence considérable. D’ailleurs si tel n’était pas le cas, on ne comprendrait pas pourquoi vous proposez une modification.

Par ailleurs, en donnant l’avis de la commission, madame la rapporteure, vous avez dit qu’il était évidemment négatif. Qu’est-ce que cela signifie ? Ne pouvez-vous « évidemment » pas être favorable au monde de la chasse du fait de l’idéologie qui est la vôtre…

Mme Martine Lignières-Cassou. Procès d’intention !

Mme Annie Genevard. …ou alors n’y a-t-il pas de discussion à avoir sur le sujet puisque, « évidemment », la bonne solution est de passer de onze à neuf ?

Enfin, nous aurions selon vous affirmé que le financement de l’Office était exclusivement assuré par le monde des chasseurs. Ce n’est ni ce que nous avons, dit, ni ce qui est écrit dans l’exposé sommaire des amendements. Nous disons simplement qu’il en assure les deux tiers. Les deux tiers, c’est tout de même la majorité du financement !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167, 196, 285, 564, 809 et 1226.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants

39

Nombre de suffrages exprimés

36

Majorité absolue

19

Pour l’adoption

17

contre

19

La lutte contre le braconnage

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 7 ter.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1000.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à confier aux fédérations de chasse une mission de lutte contre le braconnage qui est non pas un mode de chasse, mais plutôt un prolongement de celle-ci en dehors des périodes d’ouverture. C’est une chasse avec des armes interdites dans des espaces protégés et qui vise des espèces protégées. On peut notamment évoquer l’ortolan, espèce protégée massivement braconnée dans le Sud-Ouest.

M. Nicolas Dhuicq. Et prisée de Mitterrand !

M. Julien Aubert. C’est du braconnage électoral ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Abeille. On assiste même en certains endroits au développement d’une sorte de braconnage toléré par l’État. Il nous semble indispensable, au nom du respect de la biodiversité, de la responsabilisation des chasseurs et de la reconnaissance de ceux qui respectent les règles, que l’ONCFS ou l’AFB luttent contre de tels agissements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le braconnage est en effet un problème particulier. Je rappelle néanmoins à Mme Abeille que la police de l’environnement comme la police nationale ont vocation à le traiter. Nous en parlerons probablement plus tard. Le rapport d’évaluation de la police de l’environnement qui vient d’être publié identifie les rôles de chacune. Il est donc urgent de réfléchir sur la manière de progresser dans de bonnes conditions, le braconnage étant réprimé par la loi. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable. Il n’est pas possible de fixer une obligation aux fédérations départementales de chasseurs en termes de lutte contre le braconnage, qui relève de la police de l’environnement. Par ailleurs, il n’est pas utile de rappeler ce qui est déjà inscrit dans la loi au sujet des missions d’information, d’éducation et d’appui technique qu’assurent les gestionnaires des territoires et les chasseurs dans le cadre des fédérations départementales. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Il faut bien entendu lutter contre le braconnage, personne ne peut s’y opposer. Mais tel n’est tout de même pas le rôle des chasseurs ! On leur demande déjà de payer pour les dégâts du gibier ou pour l’Office national de la chasse ! Il faut savoir raison garder. La lutte contre le braconnage relève de l’État et de la police de l’environnement, en aucun cas des chasseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Je rappelle à notre assemblée que le braconnage n’est pas un acte de chasse et que le braconnier n’est pas un chasseur ; c’est un délinquant. Vous me semblez tout confondre, madame Abeille, et avoir une image un peu déformée de la chasse et des chasseurs. Il serait bon d’ouvrir les yeux et d’aller sur le terrain. Je vous invite à venir chasser et vous verrez que les chasseurs ne sont pas des braconniers.

M. Yves Nicolin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Vous savez bien que certains adhérents de fédérations de chasse sont par ailleurs des braconniers et que certaines fédérations ont eu des problèmes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Cessez de faire des amalgames !

M. Philippe Gosselin. Et des chasseurs des boucs émissaires !

Mme la présidente. Restons calmes, mes chers collègues. Seule Mme Abeille a la parole, vous lui répondrez ensuite.

Mme Laurence Abeille. Des événements se sont produits. J’en parle très tranquillement et sans animosité, contrairement à vous, chers collègues de l’UMP, qui faites preuve d’une agressivité assez extravagante dans ce débat tout à fait sérieux. Il importe de définir les missions des fédérations de chasse. Précisons que c’est depuis la loi no 2000-698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse que les fédérations de chasse n’ont plus pour obligation de lutter contre le braconnage. Notre proposition consiste simplement à restaurer cette obligation car il semble naturel que les chasseurs soient investis de cette mission. Cela permettrait en outre de responsabiliser certaines fédérations et de mieux reconnaître les chasseurs qui respectent les règles, voire de les valoriser alors même que des doutes planent sur ce qui se passe dans certaines régions.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. L’intervention de Mme Abeille soulève deux questions. Tout d’abord, dans toute activité humaine et toute profession, on trouve une immense majorité de gens exerçant honnêtement leur métier par opposition à une petite minorité, y compris des ministres socialistes déclarant la main sur le cœur dans cet hémicycle qu’ils n’ont jamais transgressé la loi et jamais mis d’argent de côté dans des pays européens mais n’appartenant pas à l’Union européenne !

M. Julien Aubert. Les yeux dans les yeux !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous parlons ici de biodiversité !

M. Nicolas Dhuicq. Il y a même des députés socialistes qui ne paient pas leurs impôts, paraît-il, ce qui fait tort à toute la fonction politique nationale et amène à voter des lois de plus en plus liberticides dégradant à terme le statut du député au désavantage de la République comme des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Et Balkany, il paie ses impôts ? C’est minable !

Mme la présidente. Veuillez-vous en tenir au fond du débat, monsieur Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. La seconde question soulevée par notre collègue est plus sérieuse. Dans une société moderne, c’est à l’État que nous, citoyens, déléguons la fonction d’exercer la violence lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’ordre public. Les chasseurs n’ont pas cette fonction. Il n’est donc pas question de leur faire exercer une mission profondément régalienne pour laquelle il existe des corps dont les agents portent un uniforme vert dans lequel on peut voir une référence à une brillante période de l’histoire de France à laquelle je suis à titre personnel profondément attaché, comme chacun sait dans cet hémicycle. Il est inconcevable de confier à des personnes exerçant leur loisir en toute légalité, dans des conditions de sécurité de plus en plus drastiques pour éviter les accidents, la fonction de violence qui doit reposer exclusivement sur les épaules de la puissance publique. Si nous adoptions ce type d’amendement, nous entamerions une dérive que beaucoup ici ont dénoncée au sujet d’autres textes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Pour lutter contre le braconnage, vous venez de parler d’acte de violence, mon cher collègue. Je n’avais pas envisagé que c’était à coups de fusil que vous alliez le faire !

(L’amendement no 1000 n’est pas adopté.)

L’Agence française de la biodiversité.

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Je voudrais rappeler ici quelques faits concernant cet article qui tend à créer l’Agence française de la biodiversité.

Le Président de la République, conscient des responsabilités de la France en matière de protection et de reconquête de la biodiversité, a décidé lors de la conférence environnementale de mettre en place une structure opérationnelle efficiente qui soit à la hauteur des enjeux, ainsi que des engagements européens et internationaux de la France. Je l’ai rappelé hier, la nation française, présente sur plusieurs continents, océans et zones bio-climatiques, dispose d’un patrimoine biologique terrestre et maritime exceptionnel.

Madame la présidente, madame la ministre, je souhaite revenir sur quelques malentendus qui ont surgi ici et là sur les bancs de notre Assemblée mais, aussi, préciser ma pensée.

Je pense que l’AFB doit refléter l’ensemble de la biodiversité nationale et, plus précisément, la réalité géographique où elle se situe.

Soit l’exemple du Conseil national de la montagne : il est composé des seuls représentants des zones de montagne, ce qui me semble cohérent et normal.

M. Martial Saddier. Très bien ! (Sourires)

Mme Chantal Berthelot. Madame la ministre, je ne souhaite pas demander que l’AFB soit uniquement composée de représentants des outre-mer mais je tiens à ce que mes collègues de la représentation nationale prennent en compte le respect politique qui est dû aux outre-mer lesquels, je le répète, renferment 80 % de la biodiversité française.

Mais les incantations n’ont qu’un temps : il faut maintenant agir et faire en sorte que les outre-mer aient toute leur place au sein de la République et de l’AFB.

Voilà mon souhait, madame la ministre, madame la présidente : que toute la biodiversité nationale soit représentée au sein de l’AFB.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article 9 est bien volumineux puisqu’il ne comporte pas moins de 66 alinéas.

Il crée donc l’Agence française pour la biodiversité, création qui qui me paraît être une bonne idée si elle associe équilibre, efficacité et rationalité. Or, en la matière, on peut être sceptique.

L’équilibre, tout d’abord. La très nette tendance « aquatique » de l’Agence entraînera immanquablement un déséquilibre de l’expertise.

Équilibre, toujours, s’agissant de sa composition. Là encore, on peut craindre une surreprésentation des associations de protection de l’environnement et une sous-représentation des organismes socio-professionnels. Il est en effet indispensable de donner toute leur place aux professionnels agricoles et forestiers mais, aussi, à ces usagers de la nature que sont les chasseurs et les pêcheurs. Faut-il rappeler que les agriculteurs occupent une grande partie de notre territoire et qu’ils contribuent grandement à la préservation de notre biodiversité ? Pour mémoire, ce sont 13 millions d’hectares de prairies qui sont exploités par nos agriculteurs-éleveurs.

Ensuite, on peut espérer efficacité et rationalité, surtout lorsque vous proposez de remplacer et donc de regrouper des instances existantes et quand vous créez un interlocuteur unique ainsi qu’un guichet unique mais, là aussi, une limite surgit vite.

Cet article détaille les nombreuses missions de cette Agence, dont l’une me paraît inappropriée : les missions de police de l’environnement, lesquelles doivent rester de la compétence de l’État.

Cet article 9 nécessite donc d’être considérablement amendé si l’on veut que l’AFB joue son rôle de manière équilibrée au service de l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, cet article 9 est le cœur de votre projet de loi, son article phare, mais il y a un grand absent : le monde agricole.

En effet, sur les 32 membres qui constituent le conseil d’administration de l’AFB, le collège des socio-professionnels comptera quatre personnes, sur lesquelles on pourra peut-être espérer un ou deux agriculteurs alors même qu’ils sont des acteurs majeurs de la biodiversité, nous le savons – ils entretiennent en effet les haies, les bosquets, les bandes enherbées… La PAC, quant à elle, a pris de plus en plus en compte l’importance de la biodiversité en incitant les agriculteurs à maintenir ou à restaurer ces infrastructures agro-écologiques.

Votre loi inquiète le monde agricole, madame la ministre, parce qu’elle s’inscrit à contre-courant de toutes les politiques incitatives et que vous avez plutôt choisi la contrainte – c’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de cette Agence et c’est pourquoi les agriculteurs vous demandent instamment d’y être mieux représentés. Ils demandent à être présents dans toutes les instances de gouvernance de la biodiversité, qu’il s’agisse du Comité national de la biodiversité, des comités régionaux ou, nous venons d’en parler, du conseil d’administration de l’AFB. Ils souhaitent par ailleurs que cette agence d’expertise et de conseil ne mêle pas les fonctions de police et de conseil. Nous reviendrons très certainement sur ce point.

Madame la ministre, les agriculteurs ont été échaudés par la loi d’avenir pour l’agriculture. Étudiée au fond par la commission des affaires économiques, elle aurait dû l’être par celle du développement durable et de l’aménagement du territoire car il a été davantage question de développement durable que d’économie agricole. Malgré elle, cette loi a contribué à renforcer l’image de l’agriculteur-pollueur.

L’absence des agriculteurs au sein du texte dont nous débattons aujourd’hui ne peut que les inquiéter. Vous devez les associer davantage parce que vous ne défendrez pas la biodiversité sans le monde agricole. Ce n’est pas possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Madame la ministre, vous aviez vous-même annoncé que l’AFB devait assurer le leadership en matière de biodiversité. Or, d’après le texte que nous avons sous les yeux et les premiers commentaires que l’on peut lire ici ou là, nous ne pouvons que constater que tel ne sera pas le cas.

Tout d’abord, parce que ses moyens humains sont réellement insuffisants par rapport à l’objectif qui lui est assigné.

Ensuite, agrégeant quatre organismes – et non l’ensemble de ces derniers, nous avons eu l’occasion de le souligner lors de l’examen de l’article 8 –, elle n’est absolument pas assez dotée. En effet, les quatre organismes fusionnés sont déjà eux-mêmes insuffisamment dotés et leurs personnels ont un statut très précaire puisqu’ils sont dans leur majorité en CDD. Ces personnels sont d’ores et déjà dans l’impossibilité d’assurer correctement leurs missions et ne pourront pas davantage le faire après la fusion.

En outre, le périmètre de l’AFB est insuffisant. Nous l’avons dit : les chasseurs ne seront pas représentés – certes, ils ne l’ont pas souhaité, ce qui est à mon sens regrettable –, il n’existe en l’état aucun lien avec l’Office national des forêts et, surtout, comme ma collègue vient de le dire, la place faite au monde agricole de manière générale n’est pas suffisante alors qu’il est le premier acteur de la protection de la biodiversité. Le monde agricole le sait, d’ailleurs, qui a grandement réformé ses pratiques et qui se situe maintenant au premier plan parmi les acteurs les plus efficaces de la protection de l’environnement.

Par ailleurs, nous ignorons complètement la façon dont cette Agence travaillera sur les territoires et comment il sera possible d’agir localement – nous savons que la demande locale est très importante.

Dans la seule région PACA, plus de 400 plans locaux d’urbanisme nécessitent l’élaboration d’un schéma régional de cohérence écologique – SRCE. L’AFB sera donc la première à pouvoir et devoir opérer localement mais nous ne savons pas comment, si ce n’est en créant de nouveaux établissements, les établissements publics de coopération environnementale.

Je ne vois donc pas bien à quoi rime de doter l’Agence de manière insuffisante pour ensuite l’inciter à créer localement de nouveaux établissements locaux !

J’en termine, madame la présidente, en soulignant simplement que le financement de l’AFB est totalement insuffisant. Seuls l’État et les collectivités y participeront alors que l’on aurait pu raisonnablement imaginer que l’Europe, par exemple, dans le cadre du plan Juncker, mais aussi le programme d’investissements d’avenir auraient pu être mis à contribution.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Cet article 9 définit l’organisation de l’AFB, bras armé de l’État pour appliquer une politique cohérente sur le plan national, sur l’ensemble du territoire français, les outre-mer inclus.

Pourtant, comme nous l’avons vu hier lors de l’examen de l’article 5, des difficultés se sont fait jour quant à la composition et la gouvernance du Comité national de la biodiversité. Selon moi, la représentation de l’outre-mer au sein de ces organes décisionnels est fondamentale.

Il est vrai que la Polynésie française relève de l’article 74 de la Constitution, comme la Nouvelle-Calédonie jusqu’à il n’y a pas si longtemps et d’autres collectivités, et qu’à ce titre elle dispose de la compétence dans ces domaines, comme nous l’avons dit hier soir.

Néanmoins, j’ai déposé une série d’amendements à l’article 9 afin de renforcer notre présence au sein de ces organes décisionnels. Pourquoi ? Bien que nous soyons autonomes et ayons compétence en ce domaine, cet enrichissement mutuel nous permettrait de mieux coordonner nos actions, d’être vraiment cohérents avec l’action menée sur le plan national, d’être plus efficaces et réactifs sur le terrain de manière à promouvoir, je le répète, une action vraiment coordonnée sur l’ensemble du territoire. J’insiste sur ce point.

Je sais qu’hier soir vous vous êtes montrée ouverte à cette proposition, madame la ministre, que vous avez accepté de l’étudier afin que, peut-être, en deuxième lecture, les collectivités d’outre-mer soient intégrées au sein du Comité national de la biodiversité. Je souhaiterais que cela figure dans cet article 9.

Cela a été dit, et je vous le rappelle : les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité française, la situation étant variable selon les territoires.

La Polynésie, je le rappelle aussi, représente 47 % de la zone économique exclusive française. Près des deux tiers de la surface maritime française sont dans le Pacifique, où se trouvent trois collectivités d’outre-mer.

Comment imaginer construire une stratégie nationale pour la protection, la préservation et la valorisation des ressources maritimes et halieutiques sans la partager avec ne serait-ce que ces COM du Pacifique ?

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée.

Mme Maina Sage. J’essaie de voir l’aspect pratique de cette Agence. Il ne s’agit pas de ma part de revendiquer pour le plaisir de revendiquer mais de faire en sorte que l’action de l’AFB soit la plus efficace et la plus cohérente possible sur l’ensemble du territoire français.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’essentiel a été dit mais je dirai toutefois quelques mots. Pourquoi, en effet, ne pas regrouper l’ensemble des structures dans une grande agence ? En tant que telle, cette idée ne me choque pas mais je note un paradoxe.

Cette machine est en l’occurrence assez lourde, ses compétences sont nombreuses, ses missions, importantes et, dans le même temps, elle est sous-dotée, ce qui ne manquera pas d’avoir des effets assez cruels.

Je m’interroge également sur sa cohérence avec les autres organismes et sur les liaisons qu’il sera nécessaire d’établir.

N’assistera-t-on pas également à un conflit de compétences puisqu’elle aura des compétences de police et de conseil ? Cette Agence risque d’être parfois juge et partie.

Comme d’autres collègues, je regrette que les agriculteurs n’y soient pas représentés, ou si peu. Ils seront en quelque sorte les muets du sérail, les grands absents, alors que les zones rurales représentent 80 % de notre territoire. Laisser de côté de 80 % du territoire, c’est une forme d’affront faite à la ruralité, ce que, je peux vous le dire, nous ressentons très vivement !

Enfin, pour terminer, je m’associe aux propos de notre collègue Maina Sage concernant l’outre-mer. Cette diversité doit en effet être prise en compte. Il ne faut pas oublier que 80 % de la biodiversité française est issue de ces territoires et de ces collectivités d’outre-mer, qu’il convient également de valoriser.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je suis très inquiet quant à la création d’un « machin » supplémentaire dont on a du mal à saisir les contours et qui n’est pas financé puisque la fiscalité écologique n’existe pas.

Nous nous posons donc beaucoup de questions quant aux moyens qui permettront à cette Agence de pouvoir vraiment fonctionner.

Il importe, aussi, qu’elle soit à l’écoute de tous. Or, je suis inquiet quant à la capacité de ses membres à écouter toutes les parties prenantes et tous les acteurs du territoire.

Plusieurs collègues l’ont dit : l’écoute est également indispensable à l’endroit des premiers qui sont au contact de la nature, qui l’entretiennent et la défendent, je veux parler des chasseurs. Dans le Pas-de-Calais, nos très beaux estuaires auraient été fermés, voire urbanisés, s’ils n’avaient pas été là pour les protéger et s’ils n’étaient pas là pour les maintenir comme milieux ouverts.

Il faut donc bien prendre conscience que, parmi les protecteurs de la nature, les chasseurs sont au nombre de ceux qui protègent le mieux les espaces, gèrent le mieux les espèces et favorisent l’équilibre nécessaire à la biodiversité. Je demande que cela ne soit pas oublié.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on ne peut, bien évidemment, que partager l’ambition de protéger, voire de restaurer, la biodiversité, certaines interrogations persistent – pour ne pas dire certaines craintes –, dont je rappelle qu’elles sont très largement partagées sur tous les bancs de cet hémicycle, puisque le Gouvernement a été battu il y a quelques instants sur un amendement extrêmement important.

Ces interrogations, madame la ministre, ces craintes, mes chers collègues, les voici : la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui porte bien son nom, n’est-elle pas l’occasion, pour le Gouvernement, de recentraliser, comme il a pu le faire dans de nombreux autres textes de loi, et notamment dans le projet de loi NOTRe, dont nous avons achevé l’examen il y a quelques jours, l’ensemble des questions relatives à la biodiversité ?

Quelle sera la déclinaison territoriale, madame la ministre, mes chers collègues, de l’Agence française pour la biodiversité, au moment où la majorité et le Gouvernement, à l’occasion du projet de loi NOTRe, mais aussi du projet de loi de transition énergétique, ont fait du bloc local, communal et intercommunal, le cœur de la politique énergétique et de la politique de l’eau, qu’il s’agisse de l’eau potable, des déchets ou des eaux usées ? La semaine dernière, en première lecture du projet de loi NOTRe, nous avons confié ces compétences au bloc local et au bloc intercommunal, et à présent, nous revenons à l’échelon national, en créant l’Agence française pour la biodiversité.

Quelle sera son articulation, sur le plan régional et territorial, avec les agences qui existent déjà ? Je pense à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – ainsi qu’aux agences de l’eau. Par ailleurs, comme l’ont noté nombre de mes collègues, le financement de cette Agence française pour la biodiversité n’est pas encore arrêté, et l’on passe sous silence la ponction des 175 millions d’euros qui a été effectuée sur les agences de l’eau.

Je m’interroge, enfin, sur la composition de la gouvernance : celle qui nous est présentée n’est absolument pas acceptable, notamment pour les élus, qui sont sous-représentés au sein du conseil d’administration, alors même qu’on leur confie de nouvelles responsabilités. Et que dire du secteur socio-professionnel ! Comme l’ont noté plusieurs de mes collègues de l’UMP, l’absence du monde agricole est inacceptable.

Telles sont les remarques que m’inspire l’article 9, et que je souhaitais faire partager à la représentation nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je répondrai brièvement, puisque nous aurons l’occasion de revenir sur les points qui ont été soulevés à l’occasion de l’examen des amendements.

Je voudrais commencer par mettre un certain nombre d’orateurs face à leurs contradictions.

Monsieur Chevrollier, vous déplorez que toute la biodiversité ne soit pas représentée de façon égale au sein de l’Agence française pour la biodiversité, mais si la biodiversité terrestre en est absente, c’est bien parce que vous avez tout fait pour que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage n’y soit pas intégré ! Madame Rohfritsch, vous regrettez que les chasseurs n’y soient pas représentés, mais je répète que vous avez tout fait pour éviter qu’ils n’y soient, ce qui est quand même assez étonnant de votre part !

Mme Sophie Rohfritsch. Mais non, c’est vous !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Par ailleurs, monsieur Saddier, si l’ONCFS devait demain être intégré à l’Agence, c’est la loi qui en déciderait, et l’amendement que vous êtes très content d’avoir fait adopter ne servirait donc strictement à rien. Je tenais à le souligner, car je crois que vous l’avez oublié… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Ne le prenez pas comme cela, madame Gaillard !

M. Daniel Fasquelle. Respectez la majorité !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, seule Mme la rapporteure a la parole.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il me semble que vous prenez ce projet de loi sur la biodiversité en otage pour faire passer vos idées, en cette période particulière.

M. Martial Saddier. Si l’amendement ne sert à rien, il n’y aura donc pas de seconde délibération ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Monsieur Saddier, je ne vous ai pas interrompu. Je vous demande de ne pas m’interrompre.

J’ai bien entendu votre préoccupation, madame Sage, et nous y répondrons le moment venu, lorsque nous examinerons vos amendements. Nous avons en tout cas essayé d’assurer la meilleure représentation possible des Ultramarins.

Puisque nous allons certainement avoir de nouveaux débats sur la composition de l’Agence, et que certains vont vouloir faire y faire entrer les agriculteurs, les chasseurs – car je commence à vous connaître…

M. Philippe Meunier. Oui ! C’est très important !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …je voudrais rappeler, pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas là hier soir, et il y en a un certain nombre…

M. Jean-Marie Sermier. J’étais là !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous étiez présent, monsieur Sermier, c’est vrai.

M. Dino Cinieri. Moi aussi !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …que le Conseil national de la biodiversité est une instance où siégeront des représentants du monde économique et social. Il existe deux instances et, dans le conseil d’administration de l’Agence, sauf à vouloir créer un conseil d’administration pléthorique, on ne peut faire siéger tout le monde. Bientôt, on voudra y intégrer le MEDEF, les très petites entreprises, les moyennes entreprises, les grandes entreprises…

M. Martial Saddier. Les agriculteurs, madame Gaillard !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …et vous imaginez bien qu’il n’est pas possible d’avancer dans ces conditions. Certains d’entre vous le reconnaissaient d’ailleurs – peut-être pas publiquement – il y a de cela quelques semaines.

Voilà ce que je voulais vous dire. Réfléchissez avant de parler, parce que vos contradictions sont parfois étonnantes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Salen. Des insultes, à présent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

M. Martial Saddier. Je pense que Mme la ministre sera plus courtoise.

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous entamons l’examen d’un article très important, celui qui porte création de l’Agence française pour la biodiversité. Sur un tel sujet, nous devrions voir des signes de convergence sur tous les bancs de cette assemblée, puisque cela fait maintenant une dizaine d’années que nous évoquons la création de cette agence. Le Grenelle de l’environnement, en tout cas, avait déjà réaffirmé qu’il importait de la créer, mais cela n’a pas été fait. Nous y voici : cette agence est enfin créée.

J’entends bien toutes les critiques qui sont formulées, mais il importe d’agir. « La critique est aisée, mais l’art est difficile », selon le bon dicton populaire.

M. Martial Saddier. Ce sont des questions, madame la ministre !

Mme Annie Genevard. Et des questions légitimes !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il faut avancer, parce que la situation est dramatique pour la biodiversité ; elle est dramatique pour la santé publique ; elle est dramatique, parce qu’elle entraîne une perte de nos ressources naturelles ; elle est dramatique, parce que le nombre d’hectares d’espaces naturels et agricoles diminue tous les jours…

M. Martial Saddier. Voilà pourquoi il faut intégrer les agriculteurs, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je l’ai déjà rappelé : ce sont plus de 150 hectares qui disparaissent chaque jour.

M. Jean-Marie Sermier. Un département tous les six ans !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce sont 300 millions d’oiseaux qui ont disparu en Europe au cours des trente dernières années. Si vous pensez qu’il faut encore attendre, nous ne partageons pas votre point de vue. Nous devons avancer.

Il va de soi que certaines dispositions pourront être réajustées au cours du temps : chaque fois que l’on crée une nouvelle structure, il faut être attentifs aux moyens d’améliorer son fonctionnement. Il s’agit de faire, pour la biodiversité, l’équivalent de ce qui a été fait avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Aujourd’hui, je crois que tout le monde se félicite de l’efficacité, de la rapidité, de l’expertise, de l’engagement de l’ADEME sur tout le territoire. Le modèle qui vous est proposé est celui-ci : il s’agit de créer une agence partenaire, dotée de compétences multiples, qui soient toutes orientées vers des objectifs extrêmement opérationnels et précis.

Il y a urgence à agir, je l’ai dit, mais il y a aussi une chance à saisir. Il faut tout de même avoir conscience du fait que la France et ses outre-mer disposent d’un potentiel exceptionnel en termes de biodiversité. Nous sommes le seul pays au monde à avoir des barrières de corail dans trois océans. Nous avons une quantité d’espèces naturelles et vivantes extraordinaire, une grande variété de paysages, sous cinq écosystèmes différents. Ce potentiel nous oblige : il nous oblige à être exemplaires et à montrer le cap.

Ce cap, nous devrons le défendre et le valoriser lors de la conférence sur le climat – parce qu’une menace climatique pèse également sur la biodiversité. Mais la biodiversité offre aussi des réponses et des solutions. Je pense à la reforestation qui permet de créer des puits de carbone, ou aux mangroves, dans les outre-mer, que nous avons développées sur plusieurs milliers d’hectares afin d’amortir les vagues. Je songe aux zones humides, qui permettent de gérer le problème des inondations. La solution aux questions du dérèglement climatique et des atteintes portées à nos écosystèmes se trouve donc également dans la reconquête de nos écosystèmes et de la biodiversité.

Nous avons par ailleurs des champs d’action considérables pour créer des emplois, dans le domaine de la croissance verte et de la croissance bleue, notamment. Dans le domaine du génie écologique, nous avons déjà 500 000 PME en France, ce qui représente un chiffre d’affaires et un nombre d’emplois très importants – directement liés aux services que rendent nos écosystèmes et la biodiversité. Dans le domaine du médicament, dans celui de la santé, je souhaiterais par exemple que l’on crée dans tous les établissements qui prennent en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer des jardins thérapeutiques, qui rendent des services considérables, comme l’ont montré quelques expérimentations.

M. Patrice Martin-Lalande. Ces jardins existent, et ils fonctionnent, en effet !

Mme Ségolène Royal, ministre. Une expérience extraordinaire est en cours à Nancy, que je voudrais généraliser sur tout le territoire.

La réduction des pesticides et des néonicotinoïdes est également une question cruciale pour la santé publique.

Parce que nous sommes à trois jours d’une échéance électorale, je vois bien que ce débat est instrumentalisé à des fins de politique politicienne…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

Mme Ségolène Royal, ministre. Mais si ! Le contenu de vos interventions en témoigne ! Franchement, ce n’est pas ce qu’attendent nos concitoyens. Nous légiférons pour dix ans, pour vingt ans, et même au-delà, pour 2050 ! En 2050, si nous ne faisons rien, la moitié de la biodiversité du monde aura disparu, et sans doute davantage sous nos latitudes. Cela nous donne une responsabilité. Peut-être ce projet de loi n’est-il pas parfait, mais il a en tout cas l’ambition d’être simple et efficace et d’être mis en œuvre avant la fin de cette année.

J’entends un certain nombre d’observations sur la représentation des agriculteurs.

Mme Annie Genevard. C’est une question très importante !

Mme Ségolène Royal, ministre. Faut-il vraiment que vous parliez à leur place ?

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne parlons pas à leur place !

Mme Annie Genevard. Nous relayons leurs demandes !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je pense que la profession agricole est beaucoup plus en avance que l’image rétrograde que vous en donnez. J’en veux pour preuve que les agriculteurs viennent d’adhérer, il y a deux jours, à la Stratégie nationale pour la biodiversité…

Mme Annie Genevard. Justement !

Mme Ségolène Royal, ministre. …ce qu’ils avaient refusé de faire en 2011. Ils sont très en avance, vous dis-je ! Ils ont été consultés et associés à l’élaboration du projet de loi que je vous propose, et ils ont donné leur accord à la création de l’Agence française pour la biodiversité.

M. Martial Saddier. Ils demandent à y être représentés !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ils seront présents au conseil d’administration.

M. Martial Saddier. Combien seront-ils ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ils auront deux des quatre places attribuées aux représentants des secteurs économiques – c’est ce qui a été convenu avec eux – parce qu’ils jouent effectivement un rôle très important. Les agriculteurs n’ont pas seulement adhéré lundi à la Stratégie nationale de la biodiversité – c’est le cas de la FNSEA qui, par tradition, s’y refusait jusqu’alors, des Jeunes agriculteurs, de la Coop de France, et de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ; ils ont aussi annoncé que, pour accompagner ce projet de loi et la création de l’Agence française pour la biodiversité, ils vont présenter un plan d’action avant la fin de cette année. Ils ont d’ailleurs mis en valeur leurs pratiques et souligné, par exemple, que 70 % des exploitants pratiquent au moins quatre cultures, que 21 % des exploitants entretiennent des ruches et que 31 % entretiennent un espace boisé.

Vous voyez que la profession agricole est sensibilisée, y compris sur des questions aussi polémiques que celle des pesticides et des intrants chimiques. Quand j’explique aux responsables agricoles qu’ils sont les premières victimes de ces produits et qu’ils ont intérêt à en réduire l’utilisation, afin de limiter les risques de cancer, qui touchent particulièrement les agriculteurs et les viticulteurs, croyez bien qu’ils ont envie, non pas d’être freinés, pour des raisons corporatistes, mais au contraire d’être encouragés à adhérer à cette stratégie nationale pour la biodiversité. S’ils ne le font pas, ils seront les premières victimes.

Ceux qui pousseront à l’inertie transformeront les agriculteurs en victimes du ralentissement des actions pour la biodiversité. Au contraire, plus ils seront à l’offensive sur le terrain de la biodiversité, plus ils en maîtriseront les données et les technologies, plus nous pourrons créer d’activités, d’emplois et d’entreprises innovantes dans le système agroalimentaire qui accompagne les politiques agricoles ; nous aurons alors un contrôle accru sur les produits et nous pourrons faire en sorte que tous les intrants chimiques cèdent progressivement la place aux intrants qui préservent la biodiversité et respectent la nature. Notre agriculture sera ainsi plus performante, et elle dégagera davantage de valeur ajoutée.

Je crois qu’il faut toujours faire le pari du volontarisme, de l’accélération des choses, de la vision. C’est ce que vous propose ce projet de loi.

M. Martial Saddier. C’est ce que nous proposons aussi !

M. Jean-Marie Sermier. Faites confiance aux agriculteurs !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce projet de loi peut être amélioré, j’en conviens, et je suis toujours attentive à ce qui se dit au cours du débat : si des amendements sont bons, je les accepte en séance. Mais pourquoi bloquer le système pour revenir en arrière et formuler des critiques qui ne sont pas fondées ? On peut toujours critiquer une structure, mais laissons-la voir le jour : elle regroupe des structures existantes, je vous l’ai dit, parce qu’il importe de maîtriser la dépense publique, de regrouper les personnes-ressources et d’éviter une fuite en avant vers quelque chose de nouveau que l’on ne pourrait pas maîtriser.

Mais je peux prendre l’engagement que nous viendrons régulièrement rendre des comptes sur la mise en place de cette agence et procéder à des réajustements si, à la lumière de son fonctionnement, nous voyons qu’il faut améliorer des choses pour atteindre les objectifs que nous lui avons fixés.

L’agence n’est pas un objectif. Ce n’est qu’un outil au service des objectifs fixés par la loi : stopper la dégradation de la biodiversité, qui devient extrêmement dangereuse, y compris pour la santé publique, puis la reconquérir à partir de la protection et de la mise en valeur des espaces naturels.

En même temps, nous devons regarder les choses de façon très neuve en matière de croissance verte et de croissance bleue, de création d’emplois, de biomimétisme, j’y reviendrai, et de génie écologique.

Voilà les enjeux. C’est une façon moderne de voir les choses, et j’espère que nous pourrons trouver l’unanimité au sein de cette assemblée pour ensuite travailler ensemble concrètement sur nos territoires, parce que c’est là que se joue cette reconquête de la biodiversité.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les inscrits sur l’article. Nous aborderons l’examen des amendements lors de la prochaine séance.


L’artificialisation des sols

4Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 977, portant article additionnel après l’article 31 bis.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à compléter l’article L. 333-1 du code de l’environnement par une phrase ainsi rédigée : « La charte fixe les modalités permettant d’éviter l’artificialisation nette des terres. » Nous avons évoqué plusieurs fois dans nos débats l’objectif de « zéro artificialisation des terres », rappelé par le Président de la République lors de la conférence environnementale de septembre 2012. Il est possible, afin de ne pas empêcher toute urbanisation, de compenser les destructions d’espaces agricoles ou naturels. Rappelons que les espaces artificialisés sont passés de 8,4 % à 8,9 % du territoire entre 2006 et 2010, et que l’artificialisation continue. Cet amendement vise à donner aux parcs naturels régionaux un rôle dans la lutte contre cette cause d’érosion de la biodiversité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a longuement débattu de cette question. Il est très difficile de fixer des modalités permettant d’éviter l’artificialisation des sols. Les syndicats mixtes qui gèrent les parcs sont conscients de ces difficultés. Ils doivent être en mesure, à défaut d’éviter toute artificialisation, de la réduire au maximum et, sinon, de la compenser. La loi permettra de trouver des moyens de compensation. La commission a donc repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je comprends le souci de stopper l’artificialisation des terres dans les parcs naturels régionaux, mais ceux-ci doivent prendre leurs responsabilités, définir la qualité de leurs aménagements, fixer des règles et en suivre l’application. Il n’est pas souhaitable que la loi encadre de façon trop rigide le comportement des parcs.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Le contrôle de l’artificialisation nette des terres sera très difficile, puisqu’il nécessite la mise en place de règles et d’un suivi à l’échelle de la parcelle. En outre, il pourrait freiner les aménagements et, du coup, la constitution des parcs.

J’ai eu le plaisir de signer les décrets de création des deux parcs naturels régionaux du golfe du Morbihan et des Baronnies provençales et de redonner au Marais poitevin son label de parc naturel régional. Je rappelle qu’une vingtaine de parcs naturels régionaux sont en cours de constitution. Il ne faudrait pas que des mesures rigides viennent freiner cette dynamique de création des parcs, qui sont pleinement conscients des exigences quant à la qualité de leurs aménagements.

Je préfère faire confiance aux élus, suffisamment sensibles et responsables, quitte à ce qu’il soit rendu compte régulièrement de l’artificialisation des sols. Je ne souhaite pas que la loi les encadre d’une façon aussi stricte et leur impose des règles inapplicables et sclérosantes.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement n’aurait pas pour conséquence de figer l’utilisation des sols dans les parcs naturels régionaux. Il s’agit d’une obligation de moyens, pas de résultats. Il ne fait que donner une ambition aux parcs, appelés à fixer des modalités permettant d’éviter l’artificialisation. Il n’est pas de leur mission de la stopper. Cette rédaction est assez souple, me semble-t-il, pour figurer dans la loi. Je maintiens donc cet amendement.

(L’amendement no 977 n’est pas adopté.)

Les OGM et les parcs nationaux

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 978.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement concerne les OGM. Je ne rouvrirai pas ce débat qui agite la société depuis de nombreuses années. Il s’agit ici de rendre plus intelligible notre droit. L’article L. 335-1 du code de l’environnement dispose que « les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux peuvent, avec l’accord unanime des exploitants agricoles concernés, exclure la culture d’organismes génétiquement modifiés sur tout ou partie de leur territoire, sous réserve que cette possibilité soit prévue par leur charte. »

M. Philippe Le Ray. Quels OGM ?

Mme Laurence Abeille. La rédaction de cet article apparaît complexe ; le présent amendement vise à la simplifier. Interdire toute culture des OGM dans les parcs naturels régionaux ne semble pas incongru, dès lors que le classement en PNR a pour but de préserver certains espaces et leur biodiversité. Autoriser les OGM dans un espace que l’on souhaite préserver serait un très mauvais signal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est un sujet important. Nous discuterons tout à l’heure des VRTH – variétés rendues tolérantes aux herbicides –, organismes génétiquement modifiés qui se cachent.

M. Philippe Le Ray. Pas tant que cela puisque nous les connaissons !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Dès lors que les OGM sont extrêmement dangereux pour la biodiversité comme pour les agriculteurs, je suis favorable, à titre personnel, à cet amendement dont la rédaction permet d’anticiper les prochaines évolutions – nous ne pourrons pas lister tous les OGM, interdits ou non. La commission a, quant à elle, rendu un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement est satisfait par la loi du 2 juin 2014 qui institue un moratoire sur les cultures d’OGM. C’est une présidente de région qui fut la première à déclarer sa région sans OGM dès 2004 qui vous le dit. Malgré le renvoi de certains maires devant les tribunaux, nous avons tenu bon avant que la législation nationale ne conforte ensuite notre anticipation.

L’article L. 335-1 du code de l’environnement rend possible l’interdiction de la culture d’OGM sur le territoire des parcs nationaux et des parcs naturels régionaux, sous réserve que la charte du parc le prévoie, ce qui les encourage à adopter une telle disposition. L’incitation fait partie du pilotage du ministère de l’écologie et je me propose en effet d’encourager les parcs à prévoir d’interdire les OGM sur leur territoire, à condition toutefois de recueillir l’accord unanime des exploitants agricoles concernés. Nous devons parier sur l’évolution des mentalités et la prise de responsabilité.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je ne crois pas que l’on fasse avancer un pays en contraignant par trop ses forces vives. En revanche, nous devons inciter en menant des politiques contractuelles d’encouragement, et conditionner l’octroi d’un certain nombre de subventions à l’adoption de pratiques qualitatives. Je préfère favoriser de telles politiques plutôt que de fixer dans la loi des règles rigides qui paraîtront toujours quelque peu punitives. Avis défavorable, tout en m’engageant auprès de vous à inciter les parcs à adopter dans leurs chartes ce type de mesure qui vont dans le bon sens et que j’ai appliquées moi-même à mon territoire dès 2004.

M. Philippe Le Ray. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Ce débat intéressant révèle que, pour beaucoup, la question des OGM n’a pas évolué depuis la première loi les concernant. Ces trois lettres fortement médiatisées restent un symbole très fort et chacun s’est enfermé dans des postures alors que le dossier a profondément évolué, en particulier au niveau de la réglementation européenne qui permet à présent à des États membres de s’opposer à la culture d’organismes génétiquement modifiés, non pas de façon générale, mais très précisément, par rapport à certaines espèces. La question de l’interdiction est aujourd’hui ouverte, de façon générale ou dans les parcs, mais d’un OGM précis. C’est dans ce cadre que peut s’exercer cette interdiction.

La posture du groupe écologiste me surprend. L’affaire du barrage de Sivens nous montrait encore récemment combien ils étaient attachés à la démocratie de proximité. En l’espèce, alors qu’un dispositif démocratique prévoit que l’on puisse engager une concertation au sein d’un parc naturel, ils préfèrent que l’Assemblée nationale pose une interdiction d’une manière générale. C’est contraire aux convictions qu’ils affichent et que nous écoutons souvent avec beaucoup d’intérêt.

Je soutiens Mme la ministre pour que cet amendement ne soit pas adopté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. En effet, du temps a passé et l’article que Mme Abeille propose de modifier est celui issu de la loi relative aux OGM, adoptée lorsque Nathalie Kosciusko-Morizet était ministre. C’est une disposition que l’opposition de l’époque, devenue la majorité d’aujourd’hui, avait combattue. Si la concertation et la démocratie sont nécessaires, l’unanimité, c’est autre chose. La précision apportée à l’article L 335-1 du code de l’environnement, selon laquelle l’accord unanime des exploitants agricoles concernés était requis, tendait à ce qu’aucun parc ne puisse concrètement prévoir dans sa charte l’interdiction des OGM sur son territoire puisqu’il suffisait d’une seule personne pour bloquer l’ensemble du processus ! Je ne pouvais m’empêcher de rappeler ici l’histoire législative de cette disposition.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Mme Batho a excellemment rappelé l’histoire de ce texte. Je souhaitais simplement proposer une simplification qui prenne acte de la réalité. Ce n’est pas une posture politique mais simplement du bon sens. Je maintiens bien évidemment cet amendement.

(L’amendement no 978 n’est pas adopté.)-

Le problème des delphinariums

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 994, portant article additionnel après l’article 46 ter.

Mme Laurence Abeille. Le présent amendement vise à interdire, à terme, les delphinariums en France, sujet très sensible dont il a été beaucoup question ces derniers temps.

L’espérance de vie des cétacés en captivité est beaucoup plus brève que dans la nature. Ils sont soumis au stress permanent dans des bassins en béton, remplis d’eau chlorée, trop exigus et sans végétation. Ces bassins ne sont évidemment pas adaptés à la physiologie et au comportement naturel de ces animaux.

Sachant que les naissances en captivité ne suffisent pas à compenser la mortalité, les dauphins doivent, bien souvent, être capturés en milieu sauvage. Ces captures ont des effets terribles sur les groupes de dauphins sauvages. Ces animaux très sociaux se voient ainsi amputés de l’un des leurs.

Un symbole de cette exploitation qui va totalement à l’encontre du bien-être animal est le syndrome de l’aileron flaccide, qui se caractérise par l’aspect mou et retombant de la nageoire dorsale. Ce syndrome concerne près de 100 % des orques captives alors qu’il est quasi inexistant chez les orques sauvages.

De plus, voir des animaux sauvages effectuer des acrobaties est loin d’aider à sensibiliser le public à la protection de la biodiversité. Il ne s’agit que de divertissement aux dépens d’animaux et non de préservation de la biodiversité. Il existe actuellement quatre delphinariums en France, dont trois en métropole.

J’insiste beaucoup sur cet amendement qui rencontre une adhésion importante au sein des associations et de la population. L’existence des delphinariums va à l’encontre de l’esprit qui préside à la préservation des animaux dans les zoos. Ces derniers ont beaucoup évolué. Le temps où les spectateurs venaient regarder des animaux enfermés dans des espaces exigus est presque révolu. On est passé aujourd’hui à un stade où les animaux, dont la plupart sont en voie de disparition, disposent de lieux de vie ou d’habitats suffisamment vastes pour y être bien traités et y vivre relativement bien.

En tout état de cause, il faut empêcher l’extension des delphinariums et, à terme, les interdire en laissant le temps aux acteurs du secteur, relativement peu nombreux, de s’organiser et de se réorienter en changeant d’activité. C’est le moment de le faire et un délai de trois ans après la promulgation de la loi a été prévu à cet effet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Beaucoup de nos concitoyens ne se rendent pas compte de l’importance de la question des delphinariums. Car au-delà, il s’agit aussi de la capture des dauphins. Ce qui se pratique dans la baie de Taiji, au Japon, est insupportable comme en atteste le film The cove, dont les images sont insoutenables. Tout cela pour nous permettre, en Europe, d’exhiber des animaux extrêmement intelligents – qui vivent en groupe, dans des grands espaces – en train de réaliser des performances.

Je précise qu’en captivité, les dauphins vivent très peu longtemps, deviennent fous et ne peuvent assurer convenablement leur descendance. Nous devons nous emparer de ce problème très sensible si nous voulons vivre dans une société moderne et avancée, en limitant ces abus qui se font au détriment de ces animaux.

Je suis favorable à l’interdiction, à terme, des delphinariums. Néanmoins, je ne pense pas que cela passe par la loi. J’attends des de la part du Gouvernement des assurances quant au traitement rapide de ce problème. Il conviendrait de modifier l’arrêté du 11 juillet 2004 qui n’autorise pas la capture de dauphins dans les eaux européennes et certaines eaux internationales, mais qui n’empêche pas le Japon de le faire, dans les conditions sanguinaires que l’on sait, puis de les blanchir dans un pays tiers qui les accueille. Ensuite, la France les fait venir en dehors de toute réglementation. Cela n’est pas normal.

J’attends de M. le secrétaire d’État qu’il nous dise que ce problème va être étudié dans les jours qui viennent et comment il sera possible de modifier l’arrêté du 11 juillet 2004.

La commission a demandé le retrait de l’amendement, mais pour ma part, je me déterminerai en fonction des réponses du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Actuellement, dans les établissements zoologiques, seule la détention de spécimens nés et élevés en captivité et dûment identifiés et accompagnés de documents prouvant leur origine captive peut être autorisée. La capture de cétacés dans le milieu naturel n’est d’ores et déjà pas autorisée en vue de la présentation au public de ces animaux.

Par ailleurs, le transport et l’importation des cétacés ne sont autorisés que dans le respect des exigences de la convention de Washington et du code de l’environnement.

Concernant, l’exhibition, c’est-à-dire la présentation au public, la directive du Conseil du 29 mars 1999 relative à la détention d’animaux sauvages dans un environnement zoologique fixe des règles très exigeantes sur les conditions d’entretien de ces animaux.

Toutes ces règles sont applicables aux établissements détenant des mammifères marins. Les établissements doivent bénéficier en application de l’article L. 413-3 du code de l’environnement d’une autorisation préfectorale d’ouverture et, en leur sein, le responsable de l’entretien des animaux doit être titulaires d’un certificat de capacité délivré en application de l’article L. 413-2 du code de l’environnement.

Au titre de la protection de la nature, les établissements de présentation au public d’animaux de la faune sauvage doivent respecter des règles de fonctionnement très strictes afin de garantir des conditions de détention et d’entretien des animaux compatibles avec la biologie des animaux détenus.

Ainsi, à l’article 10 de l’arrêté du 25 mars 2004, fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, précise que les animaux doivent être entretenus dans des conditions d’élevage de haut niveau permettant de satisfaire les besoins biologiques et de conservation, la santé et une large expression des comportements naturels, en prévoyant notamment des aménagements et des équipements adaptés à la biologie de chaque espèce.

Considérant l’importance des interrogations exprimées sur l’adaptation de ce type d’activité à la biologie et aux exigences des cétacés, la ministre de l’écologie va engager un réexamen complet de la réglementation en informant les préfets de cette initiative.

En conséquence, le Gouvernement souhaite, compte tenu de ces engagements, le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Je rappelle que plusieurs pays ont déjà interdit les delphinariums : le Chili et le Costa Rica en 2005, la Suisse en 2012 et l’Inde en 2013. Au sein de l’Union européenne, certains pays n’en possèdent aucun : l’Autriche, Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Slovénie. En outre, Chypre, la Croatie et la Slovénie ont interdit la captivité des dauphins. Et il n’y a aucun delphinarium au Brésil, en raison de l’introduction de normes strictes.

J’ai bien entendu vos arguments, monsieur le secrétaire d’État, mais je maintiendrai cet amendement.

J’ai également déposé un amendement no 1024, amendement de repli qui pourrait être adopté dès aujourd’hui. Il tend à préciser que « l’exhibition de cétacés en captivité tient compte des impératifs biologiques des espèces et est soumise au respect de règles en matière de qualité de l’eau et de la nourriture, de végétalisation et de dimensionnement des bassins, de bien-être des animaux », et que « ces règles sont définies par décret en Conseil d’État après avis du Conseil national de protection de la nature et du Muséum d’histoire naturelle ». L’adoption de cet amendement nous permettrait d’avancer avant l’interdiction des delphinariums, vers laquelle nous nous dirigeons certainement.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je remercie Mme Abeille d’avoir déposé cet amendement, ainsi que Mme la rapporteure, qui s’est réellement engagée sur ce sujet. Nous nous étions récemment prononcés très clairement pour une fermeture des delphinariums tels qu’ils fonctionnent actuellement et ce sujet ne souffre aucune controverse. Les animaux vivent en effet moins longtemps, mettent parfois fin à leurs jours et se reproduisent moins bien qu’ailleurs. Tout cela n’est pas très sain. Ce n’est pas parce que les dauphins ou les orques ne parlent pas qu’il faut les exposer dans un tel état.

Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que Mme Ségolène Royal va réfléchir. C’est

bien, mais il serait nettement mieux de pouvoir matérialiser le travail qui sera réalisé et en mesurer les perspectives. Il est bon d’ouvrir ce débat, mais je suis un peu frustré par la réponse qui nous a été faite. Je soutiendrai donc l’amendement de Mme Abeille.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. J’ai bien entendu les arguments du Gouvernement, mais quand on est un homme ou une femme politique, au Gouvernement ou non, il est – pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État – des erreurs à ne pas faire. Je ne peux pas accepter que l’on dise que, dans les delphinariums, on respecte la biologie des dauphins. Un dauphin vit dans la mer, dans de grands espaces : dans un delphinarium de quelques mètres carrés, les dauphins deviennent fous et ils se tuent. Or, ces animaux sont parmi les plus intelligents des mammifères marins.

En outre, vous le savez, ces cétacés ne sont pas nés en France : on les importe et on les blanchit dans des pays européens qui n’ont pas la même législation que la nôtre. Ceux, peu nombreux, qui sont nés dans des delphinariums vivent très peu de temps et, comme les autres, deviennent fous. Faut-il, au nom de je ne sais quels loisirs, accepter cela ?

Je souhaiterais donc que vous alliez plus loin dans vos propositions et que vous vous engagiez, monsieur le secrétaire d’État, à ce qu’une étude sérieuse et réelle de ce problème soit réalisée avant la deuxième lecture de ce texte, car on ne peut le laisser en l’état. Je vous invite, je le répète, à aller plus loin. Mes collègues feront comme ils l’entendront, mais les réponses qui nous ont été fournies ne me paraissent pas satisfaisantes. Je voterai donc l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je serai donc encore plus précis : le Gouvernement a acté que ce débat était légitime et entend faire des propositions. J’ai en effet indiqué que la ministre souhaitait que la réglementation soit réexaminée d’ici à la seconde lecture.

Afin que nous nous inscrivions dans une démarche commune, je précise verbalement que le Gouvernement s’engage à ce qu’aucune nouvelle autorisation d’ouverture ne soit donnée d’ici à ce débat. Nous donnerons des instructions aux préfets pour que, dans l’attente, toutes les procédures soient bloquées et qu’aucune nouvelle autorisation d’ouverture ne soit donnée.

Dès lors, il me semble que les amendements peuvent être retirés.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Compte tenu de la réponse du Gouvernement, si des propositions nous permettent de travailler sur ce sujet d’ici à la deuxième lecture du texte et si le Gouvernement donne des ordres pour qu’aucun delphinarium ne soit ouvert, l’amendement me semble pouvoir être retiré.

Vous aurez cependant compris, monsieur le secrétaire d’État, que nous sommes très vigilants et que, lors d’une deuxième lecture du texte, nous ne pourrons pas laisser passer le laxisme.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Je maintiens cet amendement, ainsi que l’amendement no 1024.

(L’amendement no 994 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 1024 a déjà été défendu par Mme Abeille.

La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

(L’amendement no 1024 n’est pas adopté.)

Les récifs coralliens et les mangroves

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 1506 rectifié, portant article additionnel après l’article 51 bis.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Cet amendement du Gouvernement vise à renforcer l’action de l’État et des collectivités d’outre-mer pour la protection des mangroves et des récifs coralliens.

Conformément aux engagements pris par Mme Ségolène Royal lors de la dernière conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique, tenue en Guadeloupe en octobre 2014, et confirmés lors de la Conférence environnementale de 2014, cet article vise à renforcer l’action de l’État dans la préservation des mangroves et des récifs coralliens. Ces écosystèmes ultramarins contribuent à atténuer les effets du changement climatique et à favoriser l’adaptation des territoires littoraux aux risques de submersion marine et d’érosion côtière.

L’amendement du Gouvernement propose pour cela une démarche territorialisée, qui s’inscrira notamment, en ce qui concerne les mangroves, dans le cadre de la nouvelle stratégie d’intervention foncière du Conservatoire du littoral. Elle s’inscrira aussi dans le plan national d’action pour les milieux humides et, en ce qui concerne les récifs coralliens, dans le cadre du futur plan d’action quinquennal de l’initiative française pour les récifs coralliens, qui débutera en 2016.

Il s’agit de se donner des cibles ambitieuses pour susciter la mobilisation des acteurs en faveur de la protection des écosystèmes encore gravement menacés, notamment dans le cadre du changement global.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis très favorable, car il est nécessaire de faire quelque chose pour les mangroves et les récifs coralliens.

(L’amendement no 1506 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Je voudrais, monsieur le président, apporter une précision sur cet amendement no 1506 rectifié. En 2015, la feuille de route portait à 35 000 hectares les zones visées par la protection des mangroves. Cette surface est désormais portée à 40 000 hectares et nous ne pouvons que nous en réjouir. Je précise qu’il s’agissait de compléter le foncier existant qui serait protégé par le Conservatoire du littoral, et non de le doubler.

Les néonicotinoïdes et les abeilles

M. le président. La séance est reprise.

Nous en étions à l’amendement no 1077. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. L’objet de cet amendement est de soutenir en priorité, dans le cadre du plan Écophyto, les projets territoriaux visant à la suppression des néonicotinoïdes. Il ne s’agit pas d’une charge supplémentaire, puisque ce soutien s’inscrira dans le cadre des missions existantes de l’agence en charge de la répartition de la redevance mentionnée à l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement.

C’est un amendement très important dont nous avons débattu et qui fait l’objet d’un sous-amendement que nous allons examiner.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement et pour soutenir le sous-amendement no 1571.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’amendement de Mme Abeille a été accepté par la commission, qui connaît les problématiques liées aux néonicotinoïdes et qui constate les carnages causés chez les abeilles par ces substances, parfois utilisées de manière non conforme aux règles visant à la préservation des colonies.

Il est impératif de pouvoir avancer vers une non-utilisation des néonicotinoïdes sur notre territoire. J’ai bien lu quels objectifs étaient fixés par le ministre de l’agriculture, qui a déjà interdit certains néonicotinoïdes comme le Cruiser, à travers le nouveau plan Écophyto.

Mme Abeille l’a dit, je propose un sous-amendement en vue de trouver un équilibre entre l’interdiction immédiate de ces produits et le souci d’avancer de manière consensuelle. Ce sous-amendement, je le crois, peut convenir à Mme Abeille. Il vise à substituer, à l’alinéa 2, le mot : « notamment » au mot : « prioritairement ». Le Gouvernement serait ainsi en capacité de prendre rapidement des mesures dans ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et au sous-amendement. Il s’agit de soutenir, dans le cadre du plan Écophyto, les groupements d’intérêt économique et environnemental sur les projets territoriaux visant à la suppression des néonicotinoïdes. Cet amendement, de plus, rejoint les démarches que la France est en train de faire auprès du commissaire à la santé : je l’ai rencontré il y a une semaine pour lui demander de réévaluer rapidement et dès 2015 la toxicité des substances néonicotinoïdes dont l’usage fait l’objet d’un moratoire, au regard des risques pour la santé humaine, la santé animale et l’environnement, ainsi que des deux autres substances néonicotinoïdes qui ne devaient être réévaluées qu’en 2017. La France a demandé qu’elles le soient dès 2015, en prenant en compte toutes les études, en particulier les plus récentes concernant les effets sur les populations d’abeilles, les pollinisateurs et les oiseaux.

J’ajoute que je vais lancer prochainement, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, une stratégie nationale de valorisation et de relance des pollinisateurs sauvages et des abeilles : je souhaite évidemment que le Parlement, et notamment votre commission, en soient saisis, pour que ce plan puisse s’appliquer sur l’ensemble du territoire, et le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Je voudrais soutenir l’amendement de Mme Abeille, sous-amendé par la rapporteure. Néanmoins, je crois qu’il faudra aller plus loin.

Aujourd’hui, il s’agit de dire que le plan Écophyto incitera à ne pas utiliser les néonicotinoïdes. Cependant, il faut entendre le cri d’alarme des apiculteurs. Dans le département des Deux-Sèvres, à la sortie de l’hiver, nous constatons une mortalité des abeilles qui va de 60 à 100 % dans les ruches. Les risques concernant les néonicotinoïdes sont établis. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement no 754 rectifié qui viendra plus tard en discussion et qui vise à prendre une mesure d’interdiction, de portée générale, des cinq substances de cette famille, ce qui reviendrait à l’adoption d’un moratoire.

Je crois qu’il faut reconnaître que la France a été très active et a fait acte de précurseur au plan européen en interdisant le Cruiser OSR, mais il faut aujourd’hui aller plus loin compte tenu des risques. C’est possible. S’agissant des organismes génétiquement modifiés, sans attendre les résultats des évaluations européennes, la France avait proclamé un moratoire et activé la clause de sauvegarde. Je crois que nous devons faire de même aujourd’hui sur la question des néonicotinoïdes.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Nous examinons un « amendement Abeille » qui est bien nommé… (Sourires.)

Je voudrais revenir sur les propos de Mme Gaillard, qui semblent indiquer que la commission a des certitudes. Moi, j’ai de nombreuses interrogations et je crois qu’il en subsiste beaucoup au sujet de ce qui se passe dans le monde de l’apiculture. Prenons par exemple le rapport de notre collègue Martial Saddier. D’autres études ont été faites et on sait avec certitude que le problème est multifactoriel.

M. Gérard Bapt. Il faut arrêter avec ce discours !

M. Antoine Herth. Le rôle des néonicotinoïdes est évident, mais ce n’est pas le seul problème que rencontrent les apiculteurs. Nous évoquerons tout à l’heure celui du frelon asiatique. D’autres problèmes sont liés au varroa. Surtout, le manque de ressources alimentaires empêche les abeilles de recharger les ruches avant la période hivernale. Il ne faut pas se leurrer : ce n’est pas à travers une mesure ciblée que nous allons régler définitivement le problème.

J’aimerais aussi que, chaque fois qu’on aborde cette question, soient faites des études d’impact économiques,…

M. Gérard Bapt. Elles sont faites !

M. Antoine Herth. …parce que les exploitants agricoles sont ensuite obligés de s’adapter en modifiant leurs techniques de production. Ce n’est jamais dit, ce n’est jamais pris en compte : je voudrais que ce soit partie intégrante du débat.

(Le sous-amendement no 1571 est adopté.)


La pollution lumineuse

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1536.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est un amendement de clarification.

(L’amendement no 1536, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1026 et 1027, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour les soutenir.

Mme Laurence Abeille. Ces deux amendements portent sur la question de la pollution lumineuse, qui a un impact connu sur la biodiversité. Elle affecte 28 % des espèces de vertébrés, 64 % des espèces d’invertébrés, qui vivent partiellement ou totalement la nuit. Les points lumineux se multiplient de façon exponentielle depuis des années, sans que soit pris en compte l’impact de ce phénomène sur la biodiversité.

De plus, cela va aussi à l’encontre de nos politiques de transition énergétique et de la sobriété de notre consommation.

Cet amendement vise donc à tenir compte de l’impact de l’alternance diurne-nocturne sur la biodiversité en proposant de moduler la DGF pour les collectivités qui s’engageraient dans un plan d’extinction de l’éclairage public.

Je rappelle également que, dans une étude parue en 2008, le Muséum d’histoire naturelle indiquait que près de 20 % de la surface globale du globe peut être considérée comme atteinte par la pollution lumineuse et que les écologues ont largement sous-estimé l’impact de ce paramètre sur les écosystèmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis favorable.

Nous savons, en effet, combien l’éclairage nocturne est préjudiciable à la biodiversité. Il est donc impératif de prendre des mesures. La commission a validé ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis également favorable à l’adoption de ces deux amendements, même si nous devrons les retravailler dans le cadre de la navette.

En effet, imposer systématiquement et unilatéralement aux maires une extinction des points lumineux du domaine public cinq heures par nuit ne me semble pas de bonne politique. Il convient de leur laisser la responsabilité de leurs choix en fonction de la situation géographique car les contraintes d’éclairage et de sécurité diffèrent.

Ces amendements sont un peu rigides, mais ils ont le mérite d’exister car ils rétablissent l’esprit d’une disposition qui avait été votée à l’Assemblée nationale dans la loi de transition énergétique et qui avait été supprimée au Sénat.

Le Gouvernement considère donc qu’il s’agit d’amendements d’appel, il est favorable à leur adoption, mais il conviendra de finaliser leur rédaction, notamment avec l’Association des maires de France.

(Les amendements nos 1026 et 1027 sont successivement adoptés.)

Le chalutage en eaux profondes

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 998.

Mme Laurence Abeille. Nous abordons là un sujet dont les écologistes et les associations de défense de l’environnement parlent beaucoup en ce moment : le chalutage en eaux profondes.

Le présent amendement vise à interdire cette pratique, dont nous savons tous qu’il s’agit d’une méthode de pêche particulièrement dévastatrice pour la biodiversité marine.

Il y a quelques jours, un débat a été organisé à l’Assemblée nationale sur le sujet, qui a fait le plein de la salle Victor-Hugo. On note en outre une très forte mobilisation populaire sur le sujet. Je me permettrai d’en rappeler brièvement les enjeux.

Les eaux profondes abritent des espèces dont les caractéristiques biologiques les rendent particulièrement vulnérables à la pêche : croissance lente – certains poissons pouvant vivre cent ans –, reproduction très fragile, avec une maturité sexuelle tardive et un faible taux de fécondité.

Plusieurs dizaines de publications scientifiques internationales ont démontré les impacts négatifs de la pêche en eaux profondes, notamment du chalutage, sur la biodiversité. Ces publications soulignent également la faible résilience des stocks de poissons d’eau profonde. Surtout, l’absence de cartographie fine des zones sous-marines oblige les pêcheurs à travailler sans références. Les stocks de nombreuses espèces n’ont ainsi jamais été évalués.

Le 2 juillet dernier, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, a rendu publiques les données qu’il possède sur les effets sur la biodiversité de la pêche en eaux profondes. Ces données prouvent qu’il existe un impact fort sur des espèces menacées d’extinction.

Elles montrent aussi qu’il s’agit d’une activité économique mineure. Les captures d’espèces vivant en eaux profondes représentent environ 1,5 % de l’ensemble des captures de pêche de l’Union européenne. En 2012, douze chalutiers français pêchaient plus de 10 % du temps par plus de 600 mètres de fond et seulement dix pêchaient plus de 10 % du temps par plus de 800 mètres de profondeur.

Aussi convient-il d’interdire cette pratique, qui provoque un massacre en termes de biodiversité pour un gain économique très faible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avant de donner l’avis de la commission, je veux indiquer que je partage l’avis de Mme Abeille : le chalutage en eaux profondes est un véritable fléau pour la biodiversité, en particulier pour ces espèces de poissons dont la durée de vie est extrêmement longue et qui sont en général pêchés à un moment où ils n’ont pas encore pu se reproduire. Cette pratique provoque de ce fait une stérilisation des fonds marins. Sur le fond, à titre personnel, je suis donc d’accord avec l’amendement.

Toutefois, une interdiction brutale ne me semble pas la meilleure solution aujourd’hui ; il conviendrait de prévoir des alternatives. Il en existe, et j’aimerais que le Gouvernement nous renseigne sur ce point – c’est la même chose que pour les néonicotinoïdes. L’Europe avait prévu en la matière des mesures, mais celles-ci ont capoté en raison de l’opposition de la France, qui a refusé de se plier aux objectifs retenus. Mme la ministre a pourtant déclaré, le 20 octobre 2014 : « Il faut arrêter le chalutage en eaux profondes, c’est clair ». Il serait indispensable de disposer d’une vision à court et moyen termes sur la question.

En outre, nous n’avons pas besoin de pêcher des poissons comme la lingue ou l’empereur – ce dernier ayant été totalement éliminé par le chalutage en eaux profondes – pour obtenir des protéines animales propres à la consommation. Il existe bien d’autres sources d’approvisionnement : inutile de proposer ces espèces sur les étals de nos poissonneries ! Ce n’est pas un argument valable.

En revanche, il conviendrait de prévoir un plan pour les pêcheurs actuellement employés par les grandes entreprises qui affrètent les chalutiers concernés.

Autre problème : la définition des eaux profondes. Où commencent-elles ? À 200 mètres, 400 mètres, 600 mètres ou 1 600 mètres ?

Il importe d’avoir des assurances de la part du Gouvernement pour pouvoir travailler sur le sujet.

Pour ce qui me concerne, je suis donc favorable à cet amendement, mais la commission lui a donné un avis défavorable.

M. le président. Sur l’amendement no 998, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la commission.

Je rappelle que je suis mobilisée contre le chalutage en eaux profondes, qui provoque beaucoup de dégâts non seulement sur les espèces, mais aussi sur les habitats. Ce type de pêche met gravement en cause la biodiversité et les équilibres marins. D’ailleurs, j’ai, à la demande des organisations non gouvernementales, rendu pour la première fois publiques les données de l’IFREMER, qui étaient auparavant occultes.

Mme Laurence Abeille. C’est vrai.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je pense en effet que, si l’on veut bien agir, il convient de commencer par échanger les informations disponibles, améliorer ses connaissances et essayer de comprendre.

En outre, dans la mesure où une telle réglementation est de la compétence de l’Union européenne, j’exerce une pression très forte sur les instances européennes. Si la France interdisait unilatéralement ce type de pêche, cela ne s’appliquerait qu’aux bateaux français, ce qui mettrait en péril la survie de notre filière pêche. En outre, cela risquerait de nuire aux démarches que nous avons engagées au niveau européen pour renforcer la protection des systèmes marins et obtenir une réglementation à l’échelon européen pour toutes les filières de pêche.

Une proposition de règlement européen sera prochainement soumise au Parlement européen. Ce texte prévoit pour la première fois un « gel de l’empreinte écologique ». Cela permettrait de stopper dans un premier temps la dégradation des écosystèmes en faisant en sorte qu’aucune zone nouvelle de chalutage en eaux profondes ne soit autorisée.

C’est une première étape, très importante, et il faut poursuivre sur cette voie. À cet égard, l’échange que nous avons à l’instant est lui aussi important, parce qu’il montre que la représentation nationale – comme moi-même, d’ailleurs –, attend une évolution et une réglementation claire, qui s’impose à tous les navires, pas seulement aux navires français.

Compte tenu des engagements pris, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Je m’associe aux propos que vient de tenir Mme la ministre.

Tout d’abord, la pêche française ne subvient qu’à 20 % des besoins de notre pays. Il faut quand même tenir compte de ce fait.
Ensuite, puisque vous comptez dans vos rangs, chers collègues du groupe SRC, un spécialiste en la personne de Gwendal Rouillard – d’autant plus concerné que c’est un élu de Lorient –, parlons des professionnels. Ceux-ci disposent aujourd’hui d’outils pour procéder à une pêche sélective et, en raison des quotas mis en place, ils ne pêchent pas n’importe quoi.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Alors, ça…

M. Philippe Le Ray. Les professionnels d’aujourd’hui sont des gens responsables, et je ne peux pas accepter que notre pays soit privé de cet atout par une interdiction unilatérale, qui exposerait d’ailleurs le port de Lorient à de graves difficultés, puisque la pêche en eaux profondes représente une part essentielle de son activité de pêche.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. C’est un débat très intéressant que celui qu’a ouvert le groupe écologiste.

Il faut être très précis quand on parle de la pêche en eaux profondes, et je tiens vraiment à saluer le président de la commission du développement durable et à le remercier pour les initiatives qu’il a prises, notamment l’organisation, il y a un an, d’un passionnant débat sur le sujet. Moi qui suis un parlementaire de l’est de la France, j’ai découvert quelque chose d’assez terrifiant : avec la pêche en eaux profondes, toutes les espèces qui vivent au fond des océans sont comme raclées.

Ensuite, soyons très clairs. Ce n’est pas là un problème européen, madame la ministre. Tout le monde le sait : c’est uniquement un problème français. La pêche en eaux profondes est un problème français, et c’est même le problème d’une seule entreprise, Scapêche, filiale d’Intermarché. Cela représente exactement quatre ou cinq bateaux, pas plus.

Mme Barbara Pompili. En effet !

M. Bertrand Pancher. Alors, quand on prétend que cela va foutre en l’air toute la filière pêche en France, cela fait hurler de rire tout le monde, du moins tous les spécialistes !

Je dois reconnaître que Scapêche et Intermarché ont compris le problème. En 2013, pendant les fêtes de fin d’année, j’avais mené une campagne médiatique avec l’association Bloom, pour que les grandes surfaces retirent de leurs rayons les poissons pêchés en eaux profondes. Un certain nombre d’entre elles l’ont effectivement fait. Je vais même vous livrer une anecdote : dans les jours qui ont suivi, des représentants d’Intermarché m’ont dit que, oui, ils reconnaissaient qu’il y avait un problème. En termes de communication, ils s’en étaient pris plein la figure, et ce n’était pas fini, donc ils relevaient leurs filets. Cet engagement de Scapêche et d’Intermarché est d’un très grand intérêt. Intermarché a même annoncé son intention d’arrêter la pêche en eaux profondes !

Nous avons donc constaté le problème. Nous pouvons peut-être, dans un premier temps, faire confiance aux acteurs, et vérifier qu’ils le règlent.

Quant à l’Union européenne sur laquelle vous dites, madame la ministre, vouloir peser… On le sait, tous les gouvernements, toutes les majorités – y compris la vôtre, il y a quelque temps – font de belles déclarations ici, mais ensuite, à Bruxelles, le discours change radicalement, et on soutient la pêche en eaux profondes ! Il y a là un vrai problème.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je ne suis, pour ma part, pas de l’est de la France, et je n’ai que la Seine qui borde ma circonscription. La question de la pêche ne s’y pose donc que très peu, hors le cas de la pêche pratiquée pour le plaisir.

Néanmoins, ce sujet est important. Il concerne de nombreux élus de mon groupe, qui ont souhaité que je vienne aujourd’hui rappeler que la position de la France sur ce sujet est constante depuis plusieurs années. Il s’agit de donner du corps au concept de pêche durable, ce qui passe par un encadrement, lequel n’a jamais été envisagé par les différents responsables comme synonyme d’interdiction de cette pêche en eaux profondes. Cela a été rappelé, lorsqu’il a pris ses fonctions, par Frédéric Cuvillier, qui a toujours défendu les idées de pêche durable et de croissance bleue.

Cela a également été rappelé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault lors de la clôture de la conférence environnementale au mois de septembre 2013. Pour la première fois, la France a soutenu la mise en œuvre d’une politique communautaire de la pêche durable. Jean-Marc Ayrault a également rappelé alors que la France est favorable à l’encadrement de la pêche de grand fond. C’est pourquoi je pense que le Gouvernement et les parlementaires doivent continuer à travailler pour qu’un encadrement strict soit maintenu, voire amélioré, mais sans qu’un principe d’interdiction soit édicté – notre pays n’y est pas favorable.

Je ne rappellerai pas ici les mesures d’encadrement déjà en vigueur – M. Pancher vient de le faire. Chaque bateau doit être titulaire d’une licence spéciale et suivi individuellement par satellite, embarquer des observateurs et limiter son activité aux fonds sédimentaires afin de préserver les coraux – je ne détaillerai pas plus, compte tenu du temps qui m’est imparti. Même les entreprises qui viennent d’être citées ont désormais à cœur de dialoguer avec les ONG qui œuvrent dans ce domaine – c’est un mode de fonctionnement parfois inédit pour elles.

L’amendement que nous examinons doit donc nous inciter à continuer de nous interroger sur les effets réels de cette pêche en eaux profondes et à travailler sur ces concepts de pêche durable et de croissance bleue. Cependant, une interdiction aurait aujourd’hui des effets absolument dramatiques, en premier lieu sur les milliers de Lorientais concernés par cette activité. Ne prenons donc pas, au détour de la discussion d’un amendement, une position contraire à celle défendue par le gouvernement français depuis 2010.

M. le président. Quatre membres du groupe écologiste demandent la parole. Je ne la donnerai cependant qu’à deux d’entre eux. Pouvez-vous, chers collègues, vous mettre d’accord entre vous ?…

La parole est donc à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je veux simplement rebondir sur l’intervention du président Le Roux. On ne peut pas prétendre à la fois qu’il existe un mouvement général dans le sens d’un abandon de la pêche en eaux profondes et que l’adoption de cet amendement représenterait une catastrophe économique pour les entreprises concernées. On ne peut pas dire blanc et noir dans la même intervention, cher collègue !

Quel est l’esprit de l’amendement qu’a défendu ma collègue Mme Abeille au nom du groupe écologiste ? Nous renvoyons au pouvoir réglementaire le soin de définir, par un décret en Conseil d’État, l’application de l’interdiction proposée. Si nous adoptons cet amendement, le Gouvernement déterminera ensuite quelle date d’entrée en vigueur lui paraît pertinente. Nous ne souhaitons pas que cette interdiction s’abatte comme un couperet et nous laissons une marge de manœuvre de nature à permettre d’engager le dialogue avec les entreprises concernées en vue de faciliter une transition. Cela devrait aussi permettre à la France d’adopter une position très claire.

Mme la rapporteure, qui a indiqué qu’elle était, à titre personnel, favorable à cet amendement, l’a bien compris.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Insistons une nouvelle fois sur le sens de cet amendement. Notre point de vue n’est pas que juridique, il est aussi écologique.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une raréfaction des ressources, pas simplement des ressources minières mais aussi des ressources halieutiques. Or tous les observateurs, tous les spécialistes expliquent que la pêche en eaux profondes est l’un des facteurs de la raréfaction des ressources halieutiques des océans.

Par ailleurs, nous venons de constater certains effets du réchauffement climatique dans l’archipel de Vanuatu il n’y a pas si longtemps que cela, mais il en est d’autres, comme l’acidification des océans. Or celle-ci conduit aussi à la disparition d’un certain nombre de ressources halieutiques.

Accepter l’idée que l’on pourrait favoriser la pêche en eaux profondes ou, du moins, poursuivre cette activité est donc une aberration. En outre, cela ne correspond pas du tout, permettez-moi de le dire, à l’esprit de la loi sur la prétendue transition écologique, qui doit faire de la France le pays de l’excellence en la matière. C’est aussi un très mauvais signe envoyé à la veille de la COP 21. Comment peut-on accepter de continuer d’autoriser cette forme de prédation sur une ressource absolument essentielle, alors même que nous sommes engagés dans une politique dite de transition énergétique et de transition écologique ? Il faut donc adopter sans hésiter l’amendement de notre collègue Mme Abeille.

Dernière chose, arrêtez, s’il vous plaît, de montrer du doigt les écologistes comme ceux qui voudraient protéger d’abord la planète, les animaux et l’environnement, et détruire l’économie. Les activités de pêche ne se résument pas à la pêche en eaux profondes, et des opérations de reconversion sont possibles. Et on peut engager la discussion et la négociation avec les marins-pêcheurs et l’industrie de la pêche sur un autre mode que celui du renoncement systématique.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. J’ai exprimé tout à l’heure l’avis de la commission et j’ai ajouté un certain nombre de considérations.

Je rappellerai maintenant – peut-être ai-je mal compris ce qui vient d’être dit – que la pêche en eaux profondes n’a jamais été une pêche durable puisqu’elle prélève la quasi-totalité des poissons qui vivent dans les profondeurs et qui n’ont pas eu le temps de se reproduire. C’est ainsi que plus de vingt-six espèces ont déjà disparu, et les plus grands spécialistes nous disent que ce phénomène peut s’aggraver. Je rappelle aussi que l’objet de ce projet de loi est de préserver et de reconquérir la biodiversité. Et voici qu’un certain nombre de personnes entendent me démontrer ici que la pêche en eaux profondes est une pêche durable ! Je trouve cela un peu surprenant.

Néanmoins, je l’ai dit tout à l’heure, l’interdiction pure et simple ne me paraît pas forcément la meilleure solution. Il faut discuter avec les pêcheurs. Il faut pouvoir aborder ce problème de manière cohérente et efficace, avec de vrais arguments – et il y en a.

Par ailleurs, j’ai rappelé tout à l’heure que la France avait empêché l’Europe de prendre, en 2013, des décisions qui auraient été particulièrement bienvenues, puisque, sans mettre un terme à la pêche en eaux profondes, elles l’auraient soumise à une réglementation, et cela aurait été beaucoup mieux. Nous n’en serions certainement pas, aujourd’hui, à devoir nous prononcer sur un amendement de cette nature.

La commission est défavorable à une interdiction brutale, qui serait néfaste, mais, à titre personnel, ayant entendu ce que j’ai entendu, eh bien, je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 998.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants

29

Nombre de suffrages exprimés

28

Majorité absolue

15

Pour l’adoption

12

contre

16

(L’amendement no 998 n’est pas adopté.)

L’incitation à la destruction des espèces protégées

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 996.

Mme Laurence Abeille. L’amendement vise à introduire dans notre droit un délit d’incitation à la destruction d’espèces protégées. Il a été rejeté en commission pour plusieurs raisons : s’il appartient bien au législateur de fixer le quantum de la peine, l’article L. 415-3 du code de l’environnement prévoit déjà la sanction à laquelle renvoie l’amendement, à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ; le concept d’incitation à la destruction d’espèce serait difficilement qualifiable par le juge. Mais ces appels à la destruction sont fréquents, s’agissant notamment du loup ou de l’ours, la presse s’en fait régulièrement l’écho. De telles déclarations publiques et autres articles de presse vantant la destruction d’espèces officiellement protégées sont malheureusement réguliers, légitimant ainsi des actes délictuels sans qu’il ne soit possible, la plupart du temps, de les corréler à l’acte commis. Le braconnage d’espèces protégées est malheureusement une réalité indéniable.

On constate aussi très régulièrement des mises en vente sur internet de ces espèces, ce qui peut inciter les particuliers à commettre des infractions portant atteinte à leur conservation. Inciter à détruire, à mutiler des espèces protégées ou à exercer une activité de trafic doit donc être interdit dans le but de les protéger. Notons au passage qu’à la différence de ce qui est prévu par la loi sur la presse, il s’agit d’une incitation qui peut être publique ou privée. Le code de l’environnement le prévoit d’ailleurs déjà s’agissant des véhicules circulant dans les espaces naturels afin de prévenir les atteintes à ces espaces.

Cette proposition est soutenue par de nombreuses associations. Je sais que la protection de certaines espèces peut poser problème à l’exercice de diverses activités et que les tensions sont vives à cet égard, jusqu’à parfois l’appel à leur destruction. Il est donc important de bien d’introduire dans la loi le délit d’incitation à la destruction d’espèces protégées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement, malgré l’interprétation tout à fait louable que l’on peut en faire, a été rejeté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. L’amendement est en réalité satisfait, car le code pénal prévoit déjà que tout complice est passible des mêmes peines que l’auteur de l’infraction. Ainsi, selon l’article 121-7, le complice du délit d’atteinte aux espèces protégées serait « la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation » ou « qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donner des instructions pour la commettre » est passible des mêmes peines que l’auteur de l’infraction.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Abeille ?

Mme Laurence Abeille. Oui, monsieur le président. Je serais très intéressée de savoir combien de personnes ont été poursuivies au titre de l’incrimination que Mme la ministre vient de rappeler.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Les cas sont très fréquents : pensez aux incitations à la consommation de drogue dans le cadre du trafic de drogue, aux incitations au vol ou à tout autre délit. Tous ceux qui incitent à de tels actes sont passibles des mêmes peines que l’auteur principal. Par conséquent, la création du délit d’atteinte aux espèces protégées fera entrer le complice dans ce type d’incrimination. De surcroît, des amendements du Gouvernement aggravent la répression, notamment à travers le renforcement des pouvoirs de police et par la traque sur internet. Une personne, par exemple, qui mettra une annonce en ligne incitant à l’atteinte à une ou à plusieurs espèces protégées sera passible des mêmes peines que celle qui va se livrer au commerce desdites espèces.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. J’interviens contre l’amendement car, et je rejoins Mme la ministre sur ce point, le code pénal est déjà tout à fait complet en la matière et même beaucoup plus précis. Les termes employés, c’est-à-dire « le fait d’inciter ou d’encourager », sont tout de même très vagues. Une organisation agricole qui expliquerait que le loup met en danger tel ou tel troupeau dans une région pourrait ainsi être incriminée pour avoir encouragé les atteintes à une espèce protégée.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Nous ne contestons pas l’argumentation de Mme la ministre. Le code pénal est en effet déjà assez clair sur cette question. Mais Mme Abeille et moi-même voudrions savoir si la disposition est appliquée : madame la ministre, pouvez-vous nous communiquer le nombre de poursuites engagées contre celles et ceux qui en appellent à la destruction, à la mise à mort, des espèces protégées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je vais le demander au garde des sceaux et je vous communiquerai l’information le plus rapidement possible.

M. Sergio Coronado. Parfait !

(L’amendement no 996 n’est pas adopté.)

Le problème des « nuisibles »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 773 et 1173, visant à supprimer l’article 60.

La parole est à M. Jean-Claude Buisine, pour soutenir l’amendement no 773.

M. Jean-Claude Buisine. Cet amendement vise à supprimer l’article. En effet, l’objet de la modification du code de l’environnement par ordonnance est inacceptable. Sous prétexte de modifier le vocabulaire en vigueur, il ne s’agit ni plus ni moins que de mettre en péril le principe même de la destruction et de la régulation des espèces de mammifères et d’oiseaux qui sont classées comme nuisibles eu égard aux intérêts économiques, à la santé, à la sécurité publique et aux équilibres écologiques.

De plus, les termes d’« espèce susceptible d’occasionner des dégâts » ne correspondent pas à la réalité des choses. Ce changement de vocabulaire vise en fait à réduire ou à abolir toutes régulations des espèces prédatrices et déprédatrices. Le dispositif actuellement en vigueur a pourtant été réformé récemment par un décret du 23 mars 2012 et validé par le Conseil d’État dans un arrêt du 30 juillet 2014. La question des modalités de destruction des animaux nuisibles relève par ailleurs du pouvoir réglementaire. Il ne peut donc pas être donné au Gouvernement la possibilité de préciser les dispositions relatives à ces espèces par ordonnance.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 1173.

M. Stéphane Saint-André. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous l’avez bien noté, cet article procède essentiellement à une substitution de termes, mais les dispositifs sont maintenus. Les articles du code de l’environnement et du code général des collectivités territoriales ne sont pas supprimés. Les opérations de destruction seront toujours possibles lorsqu’elles sont nécessaires, dans les conditions précises prévues par ces articles. La destruction de spécimens de certaines espèces doit rester possible, mais dans des conditions respectant les espèces. L’appréciation des conséquences de leur comportement ou de leur nombre sur l’environnement doit être circonstanciée et se faire au cas par cas. Le qualificatif de « nuisible » est inapproprié car aucune espèce n’est néfaste par nature. Toutes les espèces ont leur place dans notre système ; il est important de le reconnaître.

Par exemple, j’ai eu connaissance de destructions d’animaux prétendument nuisibles dans le département des Deux-Sèvres. Ni les services de l’État ni le conseil général n’ont été capables de nous renseigner sur l’état de la population de ces animaux. Dans quelques années, certaines espèces auront disparu. Il faut donc être très vigilant sur ce point. La commission a repoussé ces amendements identiques.

(Les amendements identiques nos 773 et 1173, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 60 est adopté.)

Chasse des mammifères pendant la période de reproduction

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 776 et 1376.

La parole est à M. Gilbert Sauvan, pour soutenir l’amendement no 776.

M. Gilbert Sauvan. L’article 68 quater envisage clairement une extension aux mammifères des principes de la directive « Oiseaux » pour les espèces qui ne seraient pas soumises à plan de chasse ou qui n’entreraient pas dans la catégorie des nuisibles.

L’espèce et le mode de chasse implicitement visés sont le blaireau et la vénerie sous terre, avec ses périodes de chasse : la période générale, du 15 septembre au 15 janvier, et sa période complémentaire, à partir du 15 mai. Ces périodes ont été choisies en fonction de la biologie de l’espèce. Elles ont été validées par les arrêts du Conseil d’État du 20 octobre et du 30 juillet 1997. L’extension envisagée n’a donc pas lieu d’être.

En outre, cette disposition aura probablement des conséquences sur la chasse d’autres espèces telles que le lièvre, qui n’est pas systématiquement soumis à plan de chasse ou classé nuisible. C’est pourquoi l’amendement no 776 vise à supprimer l’article 68 quater.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement identique no 1376.

M. Stéphane Saint-André. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le nouvel article 68 quater prend en compte l’impact direct sur la biodiversité qu’a le fait de chasser les mammifères pendant la période de reproduction ou de dépendance. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’animaux à stratégie de reproduction peu dense ou avec une longue période de gestation.

Vous avez parlé de la chasse au blaireau. Vous savez que celle-ci ne répond à aucune nécessité, puisque le blaireau ne se mange pas et qu’on ne fait aucun usage de sa peau. En outre, cette chasse se pratique en général pendant la période de reproduction. Elle est très cruelle : on envoie des chiens dans les terriers des blaireaux, qu’ils abritent ou non une femelle en gestation ou avec ses petits ; au bout de quelques heures de stress, les blaireaux sortent et sont écartelés et éventrés par les chiens. L’impact sur la biodiversité est réel, puisque ce sont souvent les mères et les femelles aptes à se reproduire qui sont visées, et cela – j’ose à peine le dire – pour je ne sais quel objectif. Nous souhaitons donc que ce type de chasse soit interdit pendant la période de gestation et pendant celle où les petits sont allaités. C’est pourquoi la commission a repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. Il relève toutefois un problème juridique, une telle disposition n’existant pas pour les mammifères à l’échelle de l’Union européenne.

(Les amendements identiques nos 776 et 1376 ne sont pas adoptés.)

(L’article 68 quater est adopté.)

Suppression de la chasse le dimanche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1002.

Mme Laurence Abeille. C’est un amendement emblématique que je vous propose ici. Nombre de nos concitoyens aspirent aujourd’hui à profiter de la nature et de la biodiversité. Protéger cette nature et cette biodiversité, les prendre en compte et les respecter fait désormais partie de l’éducation à l’environnement comme de notre quotidien. Or les promenades en forêt ou dans la campagne ne sont pas possibles les jours où l’on chasse. Et sauf réglementation particulière, on continue à chasser tous les jours de la semaine en France : il n’existe aucune interdiction de principe tel ou tel jour.

On nous dit que le travail est engagé sur le terrain avec les associations et les chasseurs. Mais cette concertation semble s’éterniser : aucune mesure n’est prise, alors même que le partage de la nature et une meilleure connaissance de ces milieux doivent pouvoir s’opérer en toute sécurité et en toute tranquillité, aussi bien pour les ruraux que pour les urbains. C’est pourquoi nous proposons d’interdire la chasse le dimanche. Cela répond nous semble-t-il à une aspiration populaire, celle de pouvoir profiter de la nature sans risquer de se faire tirer dessus, les accidents de chasse restant fréquents.

J’ai déposé cet amendement pour susciter le débat, et j’espère qu’il recueillera un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ne souhaitant pas rouvrir le débat sur les jours de chasse, la commission a repoussé cet amendement. Il est vrai que, dans certains départements, la chasse n’est pas autorisée sept jours sur sept, mais nous pensons que les territoires doivent pouvoir en décider eux-mêmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je ne suis pas du tout d’accord avec cet amendement. Élu d’un grand département de chasse, celui de la Meuse, je n’ai jamais été témoin de la moindre difficulté entre les chasseurs et les randonneurs – c’est rarissime. Dans tous les cas, les chasseurs mettent en place des protocoles pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de chasse là où l’on se promène le dimanche, et il y a une vraie information. Prenons garde à ne pas stigmatiser les chasseurs. À cet égard, les débats sur ce projet de loi nous ramènent parfois des années en arrière, avant le Grenelle de l’environnement, en opposant chasseurs et protecteurs de la nature. Reconnaissons que le sujet est traité en harmonie dans la quasi-totalité des cas. N’oublions pas que le dimanche est souvent le seul jour de la semaine où les chasseurs peuvent se réunir, notamment en milieu rural. L’adoption de cet amendement mettrait les campagnes en émoi pour peu de chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Que ma collègue veuille bien m’excuser, mais nous avons là l’exemple même de l’amendement idéologique. C’est mon cinquième mandat, et c’est toujours le même débat qui resurgit.

M. Sergio Coronado. En fait d’idéologie, vous vous y connaissez !

M. Thierry Mariani. Comme mon collègue, je pensais que ce débat était d’une autre époque. Si je comprends bien, il faut désormais interdire non seulement le travail, mais aussi la chasse le dimanche !

Je dis simplement que, sur le terrain, les choses se passent très bien. J’ai été, pendant vingt ans, député d’un département du sud de la France où la fédération de chasse et les associations de protection de la nature travaillaient ensemble. Les dates d’ouverture étaient fixées pratiquement en commun, et ce genre de problème ne s’est jamais posé. Décider arbitrairement, depuis l’Assemblée nationale, d’interdire la chasse un jour donné dans toute la France, ce serait vraiment se montrer éloigné de la réalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Sauvan.

M. Gilbert Sauvan. On ne peut accepter ce genre d’amendement. Contrairement à ce que l’on semble insinuer, les chasseurs ne sont pas tous des viandards ! Les chasseurs ont un droit, en particulier sur leur propriété. Le droit de chasse est lié à la propriété et, aujourd’hui, la plupart des chasseurs ont ce droit. Il faut absolument respecter le droit de chasse.

Au sein de leurs organisations, fédérations et sociétés de chasse, les chasseurs posent eux-mêmes des limites quant à la durée de la chasse, sans que l’on ait besoin de décider pour eux au niveau national. De même que chaque territoire est différent, les chasses ne prennent pas la même forme en tout point de la France. En outre, et les chasseurs sont responsables. C’est pourquoi nous ne pouvons pas adopter un amendement tendant à restreindre de façon générale les droits de l’ensemble des chasseurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Pour ma part, en tant que chasseuse de champignons – et alors que, je le précise d’emblée à nos collègues, je n’étais pas encore élue – j’ai connu, un dimanche matin, tôt, des problèmes avec les chasseurs. Certains, en effet, tirent parfois à tort et à travers.

Mme Catherine Quéré. Comment peut-on dire une chose pareille ?

M. Thierry Mariani. Il faut aller à la messe, c’est moins dangereux ! (Sourires.)

Mme Danielle Auroi. Monsieur Mariani, vos réflexions sont toujours aussi déplacées.

Mme la présidente. Poursuivez, madame Auroi.

M. Thierry Mariani. Vous n’avez aucun sens de l’humour !

Mme la présidente. Monsieur Mariani, s’il vous plaît !

Mme Danielle Auroi. M. Mariani souhaite faire de l’humour dans son coin, c’est son droit.

En tant que présidente de la commission des affaires européennes, je rappelle que, dans la plupart des États européens, il existe un jour sans chasse.

Mme Catherine Quéré. En France aussi !

Mme Danielle Auroi. Ce n’est pas pour cela qu’il n’y a pas de chasseurs en Allemagne, en Grande-Bretagne ou dans la plupart des pays européens. En fin de compte, une telle mesure est source de tranquillité. Après tout, les chasseurs disposent de tous les autres jours de la semaine, y compris le samedi. Ce n’est donc pas une si mauvaise idée.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il n’y a pas de volonté de stigmatisation de la part des signataires de l’amendement, quand bien même certains de nos collègues – il est vrai qu’ils s’y connaissent – le jugent idéologique. En réalité, il est le fruit d’un simple constat : le nombre d’accidents de chasse est en augmentation. Il n’est donc pas raisonnable de prétendre que tout se passe admirablement bien et dans une très grande harmonie. Je ne citerai que quelques chiffres : les accidents ont connu, au cours de la saison 2013-2014, une hausse de 25 % par rapport à la saison précédente, soit une augmentation de 37 % au cours des deux dernières années. Ce n’est pas rien, d’autant que plus de 15 % des victimes ne sont pas des chasseurs. Il ne s’agit donc pas de stigmatiser les chasseurs ni de les désigner comme des viandards à l’opinion publique mais, simplement, de constater que les relations entre usagers de la nature, que nous sommes tous, sont parfois difficiles et compliquées, et peuvent parfois conduire à des accidents graves.

La mesure proposée s’apparente à la circulation alternée : il est des moments où il faut distinguer le public et les usagers. Or, comme l’a rappelé notre collègue Auroi, nous sommes le seul pays où l’on peut chasser sept jours sur sept. Dans beaucoup de pays d’Europe où la chasse est autorisée, elle ne peut être pratiquée le samedi et le dimanche.

Nous proposons une régulation tout à fait raisonnable afin de faciliter les relations entre les différents usagers, chasseurs d’un côté, non-chasseurs de l’autre, ces derniers étant majoritaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je partage totalement les propos de mes collègues Pancher et Mariani. La chasse est une activité populaire, et beaucoup de ceux qui la pratiquent travaillent toute la semaine. Le dimanche est donc pour les chasseurs un jour de prédilection. En outre, ces derniers sont responsables et respectueux de l’environnement. Ils sont par ailleurs organisés en fédérations : il relève de la concertation locale, et certainement pas de la loi, de décider d’un jour sans chasse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Je trouve tout à fait normale l’idée de partage mais, en tout état de cause, on n’a pas le droit de chasser tous les jours. Chez moi, il n’y a de battues que le mercredi et le dimanche matin ; les autres jours et l’après-midi appartiennent aux promeneurs. Il n’est donc pas exact de dire que l’on chasse tous les jours en France.

Mme Laurence Abeille. Mais si !

M. Sergio Coronado. C’est autorisé !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Sans m’appesantir sur le sujet, je voudrais juste apporter quelques petites précisions juridiques. Premièrement, la chasse n’a lieu que de septembre à janvier ou mars, et non pas toute l’année.

M. Thierry Mariani. Exact !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il est important de le rappeler à ceux qui ne sont pas chasseurs car, à entendre vos échanges, on a l’impression que l’on chasse tout au long de l’année, y compris pendant les vacances d’été. Ce n’est pas le cas.

Deuxième précision importante : la chasse est déjà interdite le dimanche dans les forêts domaniales d’Île-de-France.

Troisièmement, le cahier des charges de location des chasses de l’Office national des forêts prévoit la possibilité d’une interdiction des chasses le vendredi, le samedi et le dimanche pour protéger les promeneurs du week-end.

Enfin, dans les territoires, les préfets peuvent décider de fermer la chasse certains jours, pas nécessairement le dimanche mais également en semaine : dans le cas où, par exemple, est organisée une randonnée départementale, le préfet peut très bien décider d’un jour de fermeture.

Mme Catherine Quéré. Absolument !

Mme Ségolène Royal, ministre. À titre d’illustration, cela a été le cas le mardi dans le Jura, la Haute-Vienne et l’Ardèche, le mercredi et le vendredi en Haute-Saône, les mardis, jeudis et vendredis dans le Jura.

Notons que ce droit du préfet s’applique en fonction des conditions locales. Il me paraît plus intelligent de laisser les partenaires locaux décider de ce qu’il convient de faire pour résoudre d’éventuels conflits d’usage et de cohabitation et inciter les usagers à se respecter. Jusqu’à présent, nous avons essayé de bâtir un texte équilibré, susceptibles de prendre en compte les aspirations et les convictions des uns et des autres. En l’occurrence, le dispositif juridique en vigueur permet parfaitement d’aplanir les conflits d’usage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Mariani et Mme Maina Sage. Très bien !

(L’amendement no 1002 n’est pas adopté.)

La chasse à la glu

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 777, 1377 et 1450.

La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement no 777.

Mme Catherine Quéré. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour soutenir l’amendement no 1377.

M. Stéphane Saint-André. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Sauvan, pour soutenir l’amendement no 1450.

M. Gilbert Sauvan. Cet amendement vise à maintenir le modèle actuel de chasse à la glu. Cette chasse traditionnelle, sélective et contrôlée, reconnue par le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne depuis 1988, met en œuvre des savoir-faire séculaires qui sont, le long du pourtour méditerranéen, vecteurs d’interactions écosystémiques. Cette pratique, en parfaite adéquation avec la directive « oiseaux » 2009-147-CE, est inspirée par une volonté de gestion durable puisqu’elle articule le suivi des populations de turdidés et la participation des pratiquants à des études scientifiques.

Les adhérents des associations impliquées dans le maintien de cette chasse s’investissent ainsi dans plusieurs programmes. L’Association de défense des chasses traditionnelles de la grive travaille avec l’Observatoire européen cynégétique et scientifique citoyen, sous la direction de l’Institut méditerranéen du patrimoine cynégétique et faunistique. L’Association d’imitation du chant des oiseaux travaille sur l’étude relative à l’âge-ratio des grives musiciennes et mauvis, et collabore, à cette fin, avec le laboratoire ornithologique d’Arosio et l’Institut européen pour la gestion des oiseaux sauvages.

Par ailleurs, l’entretien des postes et des cabanes participe à la sauvegarde de l’environnement et du patrimoine dans une région où les incendies de forêt sont récurrents et ont de sévères conséquences sur les espaces boisés méditerranéens. Le débroussaillage et le nettoyage des abords et des chemins contribuent à l’entretien nécessaire des espaces boisés des collines provençales.

Enfin, il n’y a pas de mise à mort de l’animal. Les grives et les merles prélevés au moyen de gluaux servent d’appelants. Lorsque ces turdidés sont retrouvés collés sur les baguettes enduites de glu, ils sont décollés, nettoyés et, le cas échéant, soignés. Au terme de la saison de la chasse, les appelants sont relâchés, dans le respect de l’animal et des flux des espèces chassées.

M. Bertrand Pancher. Ce n’est pas tenable !

M. Gilbert Sauvan. Les prélèvements font l’objet de quotas et sont très faibles.

De fait, la suppression de la chasse à la glu aurait une finalité inverse à l’objectif affiché par ce texte, étant donné qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une chasse durable et se dote de plusieurs outils permettant le maintien de la biodiversité dans les territoires concernés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a repoussé ces amendements. Même si notre collègue a fait l’apologie de la chasse à la glu, il ne faut pas se leurrer : ce n’est pas une chasse particulièrement douce ; elle est au contraire plutôt cruelle. Par ailleurs, elle présente un gros défaut : contrairement à ce qui a été affirmé, elle n’est pas sélective.

M. Sauvan a insisté sur l’aspect traditionnel de cette forme de chasse. Mais il est des traditions extrêmement cruelles ; nous en connaissons de nombreux exemples, dont l’espèce humaine est elle-même parfois victime. Personne n’est favorable au maintien de telles traditions. Un tel argument ne peut donc nous convaincre de revenir sur la décision de la commission.

Il existe d’ailleurs, madame la ministre, d’autres pièges à caractère non sélectif qu’il faudra sans doute interdire un jour, car leur usage est contraire au maintien et à la préservation de la biodiversité. Car tel est bien l’objectif de ce projet de loi, je le rappelle : la reconquête de la biodiversité. Et pour y parvenir, il faut prendre des décisions qui peuvent paraître anodines mais qui, en réalité, ne le sont pas. Je lisais il y a quelques jours l’article d’un chercheur affirmant que la plus grande part des disparitions d’espèces observées au cours des dernières années étaient dus à des prélèvements inconsidérés ayant perturbé leur reproduction. Tout cela doit être envisagé de façon globale. Il n’y aucune raison de laisser perdurer la chasse à la glu, qui n’est pas sélective. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Bertrand Pancher. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la ministre, j’ai été l’élu d’un département, le Vaucluse, où l’on dénombre 2 000 chasseurs à la glu. Je ne vais pas reprendre la démonstration de notre collègue Sauvan, que je partage, même si nous ne siégeons pas sur les mêmes bancs. Comme il l’a dit lui-même, il s’agit d’un mode de chasse traditionnel qui n’a pas pour but de tuer. Quand ils sont capturés accidentellement, les oiseaux protégés sont immédiatement libérés. C’est donc bien une chasse sélective, de surcroît reconnue par le Conseil d’État.

Et vous envoyez ce message à cinq jours des cantonales ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela me fait penser à l’interdiction des crèches. Quel rapport avec la chasse à la glu, me demanderez-vous ? Aucun, si ce n’est qu’une fois de plus, on demande à des gens attachés à leurs traditions de modifier leurs habitudes. Je ne suis pas concerné, étant donné ma nouvelle circonscription, mais une fois de plus, on force les gens à abandonner des savoirs transmis de père en fils pendant des générations, et ce alors que la nocivité de la chasse à la glu n’est absolument pas prouvée.

Comme on l’a dit, des fédérations de chasse réglementent leur domaine d’activité. Je me souviens des actions menées par la fédération de chasse du Vaucluse. Ces instances sont extrêmement attachées à la protection du patrimoine cynégétique. Aussi je pense que ce genre de mesures sont perçues par une partie des Français comme une provocation, une atteinte à leurs traditions et, même une atteinte à leur identité. De fait, pour certains, la chasse est le dernier loisir, qui plus est gratuit. Les dispositions que nous nous apprêtons à adopter vont heurter beaucoup de gens.

(Les amendements identiques nos 777, 1377 et 1450 ne sont pas adoptés.)

(L’article 68 quinquies est adopté.)


Les animaux dans les cirques

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 999, portant article additionnel après l’article 68 quinquies.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à interdire à terme les cirques avec animaux sauvages. L’interdiction ne sera pas d’effet immédiat : il est prévu une phase de transition durant laquelle les responsables des cirques détenant des animaux pourront poursuivre les représentations.

Les animaux sauvages détenus en captivité et utilisés dans les cirques présentent presque systématiquement des déviances comportementales et connaissent un taux de mortalité élevé. La cause est à rechercher dans leurs conditions de captivité, qui sont bien sûr totalement inadaptées à leurs besoins physiologiques naturels.

L’exhibition d’animaux sauvages dans les cirques n’a commencé que près d’un siècle après la création de ce type de spectacles. Les animaux ne font pas partie intégrante du cirque, ils n’en sont pas indissociables. Affirmer le contraire reviendrait à dénigrer les autres savoir-faire du cirque, comme ceux des trapézistes, des clowns, des funambules et autres acrobates. Une interdiction des animaux sauvages dans les cirques ne remettrait aucunement en cause la tradition circassienne.

Plusieurs pays européens ont interdit aux cirques de détenir des animaux capturés dans la nature, notamment la Belgique, l’Estonie, la Hongrie, la Norvège et la Pologne. D’autres ont interdit la détention d’animaux de plusieurs espèces sauvages ; l’Autriche, Malte, la République Tchèque, la Slovaquie, la Suède… Certains ont même déjà interdit toute présence d’animaux sauvages dans les cirques, à l’instar de la Bulgarie, la Croatie, la Finlande et la Grèce.

Je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet, mais vous aurez compris que dans le but de protéger la biodiversité, nous souhaitons que les animaux sauvages puissent rester dans leur environnement naturel ou, dans certains cas, dans les zoos, où ils sont bien traités.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ce sujet est intéressant, et je partage votre point de vue sur le fond. Vous aviez cependant reconnu vous-même en commission que cet amendement était peut-être un peu excessif.

Certes, il faut faire en sorte que les spectacles de cirque avec des animaux sauvages disparaissent progressivement, car ce sont surtout les artistes, hommes et femmes, qui confèrent à cette tradition tout son intérêt et satisfont le public.

Mme Laurence Abeille. C’est pour cela que nous prévoyons un délai de trois ans !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Une telle mesure aurait toutefois un effet néfaste auquel vous n’avez peut-être pas pensé : un décret stipule qu’un animal détenu par un cirque doit travailler ; les propriétaires sont ainsi amenés à se débarrasser d’une façon pas toujours très élégante des vieux animaux qui ne peuvent plus travailler.

Il faudrait donc peut-être poursuivre la réflexion initiée par le groupe de travail sur la protection animale, qui s’était déjà saisi de ce problème, afin de trouver d’ici à la deuxième lecture un moyen de s’engager dans le déclin de ces pratiques, qui ne sont pas de notre temps. La commission a donc repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. J’ai pleinement conscience que des progrès doivent être réalisés en matière de bien-être animal ; c’est évident, en particulier dans les petits cirques, qui vivotent, mais qui ont de fait de moins en moins d’animaux compte tenu de leur coût d’entretien.

La priorité est de renforcer la réglementation, d’en garantir une meilleure application en multipliant les contrôles. Le vote de cet amendement aurait plutôt pour conséquence la mort économique de nombreux cirques, ce qui n’est pas le but recherché, même s’il faut bien évidemment aller vers l’extinction de ce type d’exhibitions. Dans certains cirques, toutefois, la mise en valeur des animaux est assez remarquable ; je pense notamment aux chevaux du célèbre théâtre équestre Zingaro.

Mme Laurence Abeille et M. Sergio Coronado. Le cheval n’est pas un animal sauvage !

M. Sergio Coronado. Les chevaux sont des animaux d’élevage !

Mme Ségolène Royal, ministre. À quel moment peut-on considérer qu’un animal détenu par un cirque est apprivoisé, et non plus sauvage ? L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Bien entendu, il y a cirque et cirque. J’ai des amis au cirque Bouglione, où je vais régulièrement assister à des spectacles. Cette compagnie ne tourne plus en province depuis longtemps : les animaux restent à Paris et sont particulièrement bien traités. Voilà quelques années, un éléphant est sorti de l’enceinte pour aller s’alimenter chez le fleuriste du coin. Quand on connaît bien la profession, on ne peut que constater à quel point les dresseurs sont attachés à leurs animaux, qui sont très bien nourris.

Dans certains petits cirques qui vivotent, comme le disait Mme la ministre voilà quelques instants, il peut y avoir des problèmes, mais comme partout ailleurs. Allez-vous également interdire l’élevage de lapins au motif qu’ils ne peuvent pas bouger dans les élevages industriels ? Allez-vous interdire les élevages de porcs pour des raisons identiques ?

M. Sergio Coronado. Ce n’est pas le sujet !

Mme Laurence Abeille. Cela n’a rien à voir !

M. Bertrand Pancher. Chez une infime minorité d’agriculteurs, il peut également y avoir des problèmes. Il faut étudier cette question avec pragmatisme. Il conviendrait sans doute de renforcer la réglementation pour certaines catégories de cirques, notamment les plus petits et ceux qui circulent beaucoup. Prenons garde toutefois de ne pas stigmatiser cette belle profession artistique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. J’aimerais apporter quelques précisions. L’interdiction porte non pas sur les chevaux, lesquels sont des animaux domestiques, mais sur les animaux sauvages prélevés dans leur milieu naturel et amenés sur notre territoire pour participer à des spectacles sans pouvoir jouir de bonnes conditions de vie.

Mme Ségolène Royal, ministre. Les chevaux de Camargue sont bien des animaux sauvages !

Mme Laurence Abeille. Vous citiez en exemple le cirque Bouglione, monsieur Pancher, mais l’éléphant qui est sorti pour manger les fleurs du fleuriste du coin avait probablement de bonnes raisons de s’échapper, et n’était sans doute pas si heureux que vous le dites…

La question porte bien sur le prélèvement d’animaux sauvages pour des spectacles. Cette tradition a été importante dans notre pays mais tend à décroître. Je prévois dans mon amendement un délai de trois ans, qui laisserait le temps aux professionnels de se retourner. D’ailleurs, les spectacles sont de moins en moins nombreux à inclure des animaux sauvages, et les jeunes artistes des écoles de cirque proposent des numéros formidables qui n’ont rien à voir avec cette pratique ancienne.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est vrai !

Mme Laurence Abeille. Nous souhaiterions faire cesser celle-ci dans un délai raisonnable afin de mettre un terme aux prélèvements d’animaux sauvages tout en maintenant la tradition du cirque.

(L’amendement no 999 n’est pas adopté.)

La chasse de nuit

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1003, portant article additionnel après l’article 68 quinquies.

Mme Laurence Abeille. Avec cet amendement, je reviens à la chasse, sujet sur lequel je ne nourris aucune obsession ou vision idéologique, et que je n’aborde qu’avec le souci de protection de la biodiversité.

Le présent amendement vise à interdire sans exception la chasse de nuit qui, à l’instar de la chasse à la glu évoquée tout à l’heure, n’est absolument pas sélective. Les conditions de visibilité sont tout de même moins bonnes la nuit qu’en plein jour, et les chasseurs ont plus de difficulté à distinguer précisément ce qu’ils visent.

L’interdiction de la chasse de nuit était inscrite depuis 1844 dans le code rural français. Le tir de nuit sur les oiseaux à partir d’une hutte a été autorisé par la loi à partir de 2000, et depuis 2003 l’Alsace autorise les tirs nocturnes de sangliers.

Une telle pratique est dénoncée par la plupart des scientifiques, car elle perturbe énormément le cycle biologique des oiseaux, en particulier leur alimentation et leur repos. Elle rend impossible le stationnement et le ravitaillement indispensables lors de la migration. Rappelons également qu’aux termes de l’article 8 de la directive Oiseaux, « les États membres interdisent le recours à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entraîner localement la disparition d’une espèce ».

La chasse de nuit étant bel et bien non sélective, elle a un impact sur la préservation des espèces protégées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement a été débattu au même titre que celui qui portait sur les jours de chasse. Nous n’avons pas souhaité ranimer le débat qui avait eu lieu voilà quelques années dans notre assemblée et auquel j’avais participé pendant des nuits entières. Nous avons tenté de trouver un équilibre.

Certes, la chasse de nuit n’est pas très sélective, mais le projet de loi relatif à la biodiversité ne doit pas être l’occasion de se focaliser contre les chasseurs. La chasse est une pratique autorisée, et les chasseurs ont d’ailleurs intérêt à respecter la réglementation, car à défaut les générations futures ne voudront plus en entendre parler.

Il conviendrait donc davantage d’adresser un message aux personnes tentées par la chasse de nuit, même si elles disposent d’une autorisation, en soulignant que ces conditions ne permettent pas de déterminer sur quelle espèce d’oiseaux ou d’animaux ils tirent.

La commission a donc repoussé cet amendement avec le souci de ne pas ranimer ces débats. Le texte prévoit déjà des mesures importantes, et l’interdiction de la chasse à la glu et de la chasse des mammifères pendant les stades de reproduction et de dépendance paraissent suffisantes en matière de protection de la biodiversité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis défavorable : la chasse au gibier d’eau de nuit est autorisée dans vingt-sept départements. C’est une pratique traditionnelle, très encadrée et qui fait l’objet d’un suivi des prélèvements réalisés. Elle n’a pas lieu d’être interdite.

Je respecte toutes les opinions, mais il faut se préserver d’une approche idéologique et répressive de loisirs ruraux qui n’importunent personne et ne dégagent aucun gaz à effet de serre. Un certain nombre de pratiques méritent d’être respectées. Notre attention doit se porter sur les activités qui portent réellement atteinte à la biodiversité.

M. Sergio Coronado. Comme la pêche en eau profonde !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je n’ai rien à ajouter aux propos de Mme la ministre, auxquels je souscris pleinement.

Ainsi que cela a été dit à propos d’autres articles de ce texte, les fédérations de chasse ont une action de réglementation, de contrôle, de limitation dans les départements qui ont été mentionnés. Là où la chasse de nuit est ouverte elle est strictement encadrée et limitée. Rouvrir ce débat aujourd’hui n’est pas opportun au regard des enjeux du projet de loi. Je ne voterai donc pas cet amendement.

(L’amendement no 1003 n’est pas adopté.)

Chasse : Les lâchés

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1021.

Mme Laurence Abeille. Les chasseurs sont confrontés depuis plusieurs années à une raréfaction du petit gibier de plaine sur de nombreux territoires. Pour compenser ce phénomène, ils effectuent de nombreux relâchés.

Or, en l’absence de recensement et de contrôle réglementaire, aucune estimation précise n’est établie quant aux quantités d’animaux d’élevage appartenant à ces espèces de petit gibier qui sont relâchés dans le milieu naturel. L’impact de ces introductions massives d’animaux d’élevage, tant sur les spécimens sauvages – pollution génétique – de l’espèce considérée que sur les biotopes, sur le plan sanitaire ou sur les populations de prédateurs, n’est de fait pas ou mal connu, ce qui est particulièrement problématique.

Cet amendement propose donc de modifier l’article L. 424-11 du code de l’environnement pour que le dispositif de recensement et de contrôle des prélèvements et relâchés de grand gibier et de lapins soit également applicable à toutes les autres espèces de petit gibier. Il s’agit vraiment d’un amendement de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Mêmes arguments et même avis que pour le précédent.

Mme Laurence Abeille. Il est pourtant tout à fait différent !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1021.

Mme Laurence Abeille. Les chasseurs sont confrontés depuis plusieurs années à une raréfaction du petit gibier de plaine sur de nombreux territoires. Pour compenser ce phénomène, ils effectuent de nombreux relâchés.

Or, en l’absence de recensement et de contrôle réglementaire, aucune estimation précise n’est établie quant aux quantités d’animaux d’élevage appartenant à ces espèces de petit gibier qui sont relâchés dans le milieu naturel. L’impact de ces introductions massives d’animaux d’élevage, tant sur les spécimens sauvages – pollution génétique – de l’espèce considérée que sur les biotopes, sur le plan sanitaire ou sur les populations de prédateurs, n’est de fait pas ou mal connu, ce qui est particulièrement problématique.

Cet amendement propose donc de modifier l’article L. 424-11 du code de l’environnement pour que le dispositif de recensement et de contrôle des prélèvements et relâchés de grand gibier et de lapins soit également applicable à toutes les autres espèces de petit gibier. Il s’agit vraiment d’un amendement de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Mêmes arguments et même avis que pour le précédent.

Mme Laurence Abeille. Il est pourtant tout à fait différent !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.


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