OGM, gaz de schiste et croissance.

Vous lirez, sous des plumes niaises ou, plus souvent, malveillantes, cette critique de l’écologisme : « nostalgiques d’un âge d’or révolu, ennemis de la société et de la raison, petits bras et grandes gueules, les écologistes refusent le progrès, cultivent la peur, prônent un néo-obscurantisme hostile aux Lumières ».

Notre contempteur, indigné que l’on puisse contester les pesticides, les OGM, les gaz de schiste, la croissance démographique et celle corrélative du béton et du bitume, des ronds-points et des super-marchés, des zones industrielles et des lotissements, des autoroutes et des aéroports, « hauts-lieux du bonheur et de l’épanouissement humain », caricaturera une éthique qui le dépasse.

Comment ne pas être confondu par une telle indigence intellectuelle de la part de ces commentateurs, zélés adorateurs des firmes agrochimiques et de tous les lobbies de l’industrie et des affaires.

Certes, il existe, sans doute, des écologistes réactionnaires s’imaginant un passé idyllique et frileux devant les connaissances, la science, le déchiffrage du grand livre du monde, des écologistes crédules et superstitieux, à l’esprit antiscientifique et magique, mais l’écologie n’a nullement le monopole des survivances du Moyen-âge.

Ces billevesées ont cours dans bien des milieux et tous les humains ne marchent pas à la même vitesse.

 

Réduire la pensée écologiste à une crise de la raison relève d’une affligeante mauvaise foi.

Ainsi que je l’expose régulièrement, le problème n’est jamais celui d’une connaissance et d’une maîtrise, mais uniquement de l’usage qu’en  font les hommes.

Si le travail de la génomique permet de faire reculer la souffrance et la mort, il porte un vrai progrès que l’on doit saluer.

Si, en revanche, une firme, non parce qu’elle est une firme, mais parce qu’elle est dépourvue de scrupule pour s’enrichir, modifie le génome d’une plante pour en accroître la tolérance à un herbicide ou pour lui permettre de sécréter un insecticide, l’innovation devient condamnable.

Pourquoi ?

Parce qu’il faut, non seulement pour les poètes qui ont si souvent raison, mais au nom d’une éthique fondamentale, des bleuets et des coquelicots dans les champs de blé, des papillons sur les luzernes, des oiseaux dans les haies et des loups dans les forêts.

La science, le progrès, la croissance qualitative pour la vie n’ont rien d’incompatible avec une réconciliation hommes nature.

Guérir une maladie par la connaissance de ses mécanismes et par la maîtrise d’une thérapeutique, fruit d’une recherche, représente un bien absolu.

Artificialiser l’espace au point d’en éliminer toutes les formes de vies non rentables est un crime contre le vivant.

 

Vive le savoir qui libère des peurs et des tourments !

Non, à l’usage de la raison et de la science pour tuer, polluer, exploiter, appauvrir, enlaidir, accroître la souffrance des êtres vivants !

La biologie moléculaire, la paléontologie, l’astrophysique, loin d’agresser la vie en révèlent l’unité et la vulnérabilité, démontrant des faits justifiant l’amour du vivant et le combat contre l’aseptisation de la planète, la destruction des espèces.

L’écologie n’est pas un obscurantisme irrationnel, une peur farfelue, une fuite dans des approches dignes de sectes d’illuminés.

L’écologie appréhende, par la raison, des phénomènes sociaux, biologiques, éthologiques, sanitaires.

L’humain peut satisfaire, très légitimement, ses aspirations au confort, à l’aisance, à la jouissance de la vie, tout en nourrissant  un amour respectueux de la biodiversité.

Bien évidemment, une croissance qualitative est incompatible avec une croissance démographique infinie, nécessairement consommatrice d’espaces et de ressources.

Un choix de société s’impose entre une course à l’abîme vers une croissance quantitative illimitée dans un monde fini et une pacification des relations de l’homme avec les autres formes de vies.

Nous ne refusons pas les OGM, les gaz de schistes et autres « délices » proposés par les «aménageurs », par refus du progrès, mais parce que nous sommes favorables à un vrai progrès, celui passant  par l’arrêt du grand massacre de la nature.

Car, ne nous laissons pas abuser : les tenants de la croissance quantitative ne connaissent pas de bornes à leur boulimie. Ils bétonneraient la terre entière au nom de « l’emploi », du « désenclavement », de l’urbanisation et de « l’immense avantage qui consiste pour tout Français à visiter la muraille de Chine et pour tout Chinois d’arpenter les rues de Paris ». 

Pour les agents du marché, refuser le grand aéroport de Nantes, c’est ignorer le bénéfice « des échanges mondiaux et priver la jeunesse de grands voyages qui la forment », en compromettant la viabilité de la terre.

Les agents du Marché nient les agressions qu’une humanité, sans doute déjà trop nombreuse, inflige à la biosphère.

 

Le passé : un âge d’or ?

En février 1916, chaque jour, mouraient quinze mille jeunes Français et autant de jeunes Allemands dans une effroyable guerre civile Européenne.

Il y a un siècle et jusqu’aux conquêtes récentes de la médecine,  des filles et garçons de vingt ans disparaissaient emportés par la phtisie, la typhoïde, la diphtérie.

Autrefois, les hommes tremblaient devant les forces obscures du ciel et de la terre, souffraient des guerres, des épidémies, des famines, de l’arbitraire des puissants.

Non, le passé n’a jamais été un âge d’or.

Mais ce fait indéniable interdirait-il de dénoncer les tares et agressions de notre temps ?

On le croirait à lire les élucubrations de nos détracteurs qui ne veulent pas entendre que les hommes d’aujourd’hui vivent dans des mégapoles dénaturées, sans connaître les étoiles parce qu’ils ont tué la nuit,  sans goûter aux chants des oiseaux, à la pureté des ruisseaux, sans bénéficier de campagnes viables non encore empoisonnées par une agrochimie biocide.

Pour les agents du Marché, vous êtes sommés d’être, soit des nostalgiques, passéistes et ignorants de la cruauté des temps anciens, soit des résignés aux méfaits de notre époque.

 

Dénoncer les méfaits du présent n’implique nullement le regret de la disparition de ceux du passé.

Ni nostalgie, ni résignation, œuvrons à l’avènement d’un rapport nouveau au vivant.

Le progrès permit de vaincre bien des maux sanitaires et politiques. Nous le devons à des hommes de mieux qui, en leur temps, contre les conformistes, luttèrent contre ceux qui trouvaient que tout devait continuer indéfiniment.

Les écologistes ne sont pas les ennemis des hommes des Lumières.

Ils en sont les continuateurs et dénoncent les tares du présent comme ces glorieux prédécesseurs affrontèrent les conservateurs de leur temps.

Le Mal ne réside ni dans l’être, ni dans l’avoir, mais dans le faire.

Or, l’homme moderne fait mal à la vie.

Il lui fait de plus en plus mal, puisqu’il  accroît les moyens de sa nuisance, sans élever sa compassion dans la même proportion.

 

Gérard CHAROLLOIS

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