Pour un nouveau contrat social.

La contemplation des débats, des querelles, des compétitions politiques, trop souvent bien au-dessous des enjeux, navre.
Les défis méritent mieux que ce concours des impuissances à penser les ruptures.
Dévoyés par l’esprit de cupidité et d’arrivisme individuel du temps, trop de prétendants aux fonctions électives ne sont mus que par la volonté d’occuper de leurs vaines présences les fauteuils de la république, sans autre ambition que d’acquérir des titres et prébandes.
Or, il y a urgence à opérer un changement de cap équivalent à celui survenu, d’abord dans les esprits, puis dans les faits sociaux, au siècle des Lumières, changements politiques préparés par les pensées des HOBBES, ROUSSEAU, MONTESQUIEU, DIDEROT et VOLTAIRE.
La rupture, permise par les idées de ces hommes audacieux, apporta la démocratie, les droits de l’homme, le progrès des sciences et des techniques, le respect de la liberté individuelle de pensée et de mode de vie, l’abolition de la question, de l’absolutisme monarchique, de la théocratie, de l’esclavage, de la peine de mort.
Les fondamentalismes religieux combattent ces indéniables acquis que trop de clercs occidentaux, par relativisme complexé, n’osent plus défendre, comme si tout se valait : l’émancipation de la femme et la lapidation de la femme adultère, la liberté des mœurs et la mise à mort des homosexuels, le droit d’exprimer une pensée et le supplice du fouet pour les blasphémateurs, la quête d’une vérité dans le déchiffrage du grand livre du monde et la soumission à un dogme révélé.
Rejetons ce relativisme béat qu’un simple examen des faits disqualifie.
Assumons des valeurs universelles qui font triompher les droits de l’individu et la raison.
 
Pour nos amis lecteurs qui douteraient des avancées découlant des écrits, puis des révolutions du siècle des Lumières, l’étude de l’Histoire suffit à éviter d’éprouver l’envie de la revivre.
A celui qui me demanderait, ce qu’est le progrès, je répondrais, par une boutade édifiante : aller chez le dentiste et souffrir moins que nos ancêtres !
 
Observons que si les progrès dans la civilisation améliorent opportunément nos conditions de  vie, grandissent, chez nos contemporains, les inquiétudes, les insatisfactions, la conscience d’une attente anxieuse d’un avenir gros de périls, des doutes sur cette notion : le progrès.
Hier, les hommes de mieux rêvaient de « changer le monde ».
Aujourd’hui, notre souci premier est de le sauver.
 
Bien sûr, notre époque n’a pas inventé la peur de l’avenir et l’humain a toujours craint que le ciel lui tombe sur la tête.
A la différence du philosophe Hans JONAS, je n’adhère pas aux vertus de la peur.
Effrayer les populations en décrivant des calamités potentielles revient à infantiliser les foules.
Les apprentis dictateurs, les grands leaders inspirés, les guides suprêmes recoururent toujours à la peur pour captiver les peuples.
D’aucuns me rétorquerait, peut-être à juste titre, que les foules sont infantiles et que la peur rassemblera toujours les troupeaux.
Je préfère m’adresser à l’intelligence et tenter d’appréhender les menaces par la raison.
Quelles sont les menaces contemporaines ?
Quelle est l’issue de secours ?
 
L’humain cancérise la terre et fait reculer le vivant.
Sa conception du rapport aux autres espèces fait fi des données de la science qui révèle, (ce qu’ignoraient les anciens), l’unité profonde du vivant, le caractère sensible de l’animal, la fragilité de la nature, les limites de la planète, l’omnipotence de notre emprise technique.
Ces faits appellent, dans l’ordre politique, une rupture nouvelle, aussi radicale que celle des Lumières, non pas contre les Lumières, mais en dépassement de leurs acquis.
Pour l’humain du 18ème siècle, il fallait dominer la nature.
Maintenant, nous devons célébrer la vie.
 
Le nouveau contrat social doit inclure une éthique de la vulnérabilité, la considération de l’animal en sa qualité d’être sensible, l’admission d’un droit imprescriptible de toute espèce à vivre, l’affirmation claire d’un universalisme des droits en opposition aux particularismes, masques des lâchetés face aux atteintes criminelles aux droits fondamentaux de l’homme et plus souvent de la femme.
 
Si l’écologie politique n’intègre pas ce nouveau contrat social, elle n’est rien qu’une occasion de petites carrières politiciennes dérisoires.
Toute rupture rencontre des résistances.
Le 18ème siècle eut ses réactionnaires.
Nous avons, en Occident, les tenants du « tina », monstruosité conceptuelle.
 
Oui, même après les totalitarismes criminels, il se trouve des personnages pour oser déclarer « There is no alternative », (formule prêtée à Mme THATCHER), mais que tiennent tous les adorateurs du Marché et de ses lois, de sa main invisible et de son temple, l’entreprise.
En fait, ces personnages qui refusent une alternative à leur système se révèlent être de  nouveaux totalitaires grimés en « libéraux ».
 
Leur but est de perpétuer le pillage, le saccage, l’exploitation de la nature, des animaux et des hommes.
Leur système généra des progrès indéniables, mais s’est épuisé en atteignant ses limites  et nécessite une nouvelle conquête, un élargissement du cercle du droit, incluant la nature.
Outre cette réaction des milieux d’affaires, l’esprit d’émancipation et de célébration de la vie se heurte au rejet violent des tenants des billevesées monothéistes.
 Lorsque les « croyances » prétendent, non pas consoler l’individu, mais régenter la société, exterminer l’impie, extirper les pensées et mœurs contraires aux injonctions d’un dieu, il y a péril pour l’hominisation en cours et aspiration vers une régression obscurantiste.
Il y a, présentement, un choc des civilisations et le fait de nier le mal ne suffit pas à le conjurer.
Certes, le 20 août 1914, en cette seule journée, 22000 jeunes Français perdaient la vie sur les champs de bataille.
Nous n’en sommes plus à ces hécatombes de masse, mais chaque mort individuelle est une fin du monde.
Donner la mort, en dehors d’une légitime défense, sans nécessité absolue de prévenir le meurtre, à un autre humain ou à un animal avilit.
 
Le contrat social de ROUSSEAU reposait sur une adhésion présumée des parties contractantes.
Or, objection nullement décisive, l’animal et la nature ne peuvent pas contracter, faute de pouvoir consentir.
Cela n’interdit nullement de les inclure dans le nouveau pacte social.
L’enfant en bas âge, le vieillard sénile, le débile profond ne contractent pas. La société leur reconnaît, fort heureusement, des droits et une protection.
Ouvrons le cercle du contrat aux animaux et à la nature.
La loi, l’Etat, la force publique, doivent garantir les droits des vulnérables parce qu’il se trouvera toujours un pervers, un affairiste cupide, un fanatique délirant, pour ôter la vie, violer la sensibilité et les biotopes, comme ils se trouvent des délinquants pour voler, violer, escroquer, assassiner.
Le nouveau contrat social ne peut pas attendre l’unanimité, dès lors qu’il y aura toujours, dans une société, des agresseurs et des malfaiteurs pour nier les droits d’autrui.
Si l’humain n’accédait pas à ce plus haut degré de civilisation, sa maîtrise déboucherait, à  terme, sur la mort de la biocénose, c’est-à-dire du vivant.
Vaste défi que ce combat de la pulsion de vie contre la pulsion de mort !

 Gérard CHAROLLOIS

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