Mieux que le lâcher de gibier : le lancer de gibier !

par  Jean-Paul Richier ...

Luis Casiano, photographe naturaliste, relate sur Internet une pratique incroyable : Ball-trap : quand des oiseaux vivants servent de chair à canon.

On pourrait croire à un  hoax d’un goût douteux, mais il suffit pour être édifié de taper sur Google « codornices lanzadas a máquina » (cailles lancées à la machine).
Car ce n’est pas au fin fond de la mystérieuse Asie ou de la sombre Afrique qu’a lieu cette invraisemblable pratique, mais en Espagne.
La Fédération Espagnole Royale de Chasse (¡ Viva El Rey !) en fixe le règlement et organise même un championnat annuel.

Voir la  vidéo :

La caille est violemment expulsée d’un tube par la force centrifuge, à l’aide d’un dispositif mécanique analogue à celui du ball-trap, imposant un mouvement giratoire brutal au tube

Ces animaux pouvant difficilement être considérés comme « sauvages », que dit la loi ? Ou plutôt que disent les lois des Communautés Autonomes où sévit cette joyeuse pratique, puisqu’en matière animale, le principe de subsidiarité s’applique en Espagne. On sait ainsi que toutes les Communautés excluent explicitement de leurs lois de protection animale les pratiques taurines (sauf les Canaries et la Catalogne). Sur ce modèle, la loi de 1992 des Baléares exclut du champ de sa protection le tir de la caille propulsée. D’autres Communautés (Estrémadure, Andalousie…) sont moins précises, et excluent peut-être de leur lois de protection animale cette pratique, en la rattachant au terme « tiro de pichón » (tir de pigeonneau).
Le tir aux pigeons vivants a été une discipline qui a atteint son apogée en France au tournant du XIXème siècle. Ceci grâce au Cercle du Bois de Boulogne, dont un des membres fut Pierre de Coubertin. Ce dernier permit que le tir aux pigeons fasse partie des J.O. de 1900, organisés dans le cadre de l’Exposition Universelle de Paris (merci Baron).
Mais cette discipline a à peu près disparu.
Sauf en Espagne (« palomas lanzadas a brazo » : pigeons lancés au bras), dont on peut voir une vidéo ici.
Et donc, pour les cailles, ces vaillants chasseurs utilisent un mécanisme de lancer pour remplacer le bras. Dame, avoir le coude posé de longues heures sur le comptoir ou la table du bistrot, ça génère des microtraumatismes, faut se ménager.
En France on a les « lâchers de gibiers », en Espagne ils ont les « lancers de gibier ».
Cette pratique a un mérite. Elle est emblématique de ce qu’est la chasse de loisir, dépouillée de ses rationalisations contemporaines sur la « communion avec la nature » ou la « nécessaire régulation » : les animaux sont élevés, de façon probablement intensive, dans le seul but de servir de cibles mobiles aux flingueurs à jour de cotisation.
Les loisirs et les fêtes basés sur les sévices sur animaux sont quand même une curieuse caractéristique de la tradition culturelle espagnole (qui heureusement est en train de changer à grands pas).
Faudra un jour qu’un anthropologue se penche sur la question.

J-P R.


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