Le club des indécrottables sanguinaires.

Imprimer

 

par David Joly - Vice-président de la CVN.

Permettez-moi, chers amis, de vous relater un fait divers rapporté par la presse locale de mon Nord natal (L’Observateur du Cambrésis du 08/06/12). L'action prend place à Raillencourt-Sainte-Olle, petite bourgade proche de Cambrai.

Le coupable de service est le renard. Non pas le traditionnel renard porteur de la rage ou de l'echinococcose mais le renard mangeur de poules.

L'article débute par le témoignage d'une habitante de cette commune qui affirme avoir été victime de trois « attaques » de renard durant les deux dernières années, perdant ainsi ses quinze poules qui se trouvaient dans sa cour.

Ce témoignage me fait revenir en enfance car me vient à l'esprit le souvenir de mon grand-père qui lui aussi possédait une quinzaine de poules. Poules bienheureuses qui avaient accès à un bosquet de 500 m² où elles pouvaient se promener, gratter la terre, picorer ça et là, se percher sur les arbustes. Disposant d'un poulailler où elles trouvaient des cases emplies de confortable paille et un perchoir à trois niveaux sur lequel elles passaient la nuit. Bien sûr leur destin n'était malheureusement pas différent de celui de toutes les poules de ce bas monde, mais je me console en me disant qu'elles ont eu une vie toute autre de celle de leurs millions de congénères qui ne voient jamais rien d'autre que les barreaux des batteries d'élevage concentrationnaire d'où elles ne sortiront jamais.

Bien que n'ayant pas fait de longues études, commençant à travailler à l'âge de quatorze ans, mon grand-père n'était pas moins empli d'un certain bon sens, bon sens qu'avait à l'époque tout propriétaire de poules. N'ayant jamais eu vent de la présence d'un renard, d'une fouine ou d'une belette, il prenait malgré tout une précaution basique : les poules ayant le réflexe de rentrer dans le poulailler au coucher du soleil, il lui suffisait de baisser le panneau de la trappe du poulailler et aucune intrusion n'était permise durant la nuit. Trappe qu'il rouvrait le lendemain matin.

En 1982, penser à une telle précaution relevait de la simple jugeote. En 2012,  faut-il que le propriétaire de poules sorte nécessairement de Sciences Po ou Polytechnique pour que l'idée d'une telle mesure de sagesse effleure son esprit ? Apparemment oui car même après deux visites de renard, les neurones ne semblent pas plus titillées que cela.

Plus trivialement, il est surtout inconcevable pour un propriétaire d'animaux d'élevage d'engager quelques euros afin de confectionner un abri impénétrable pour des entités qu'il considère comme de la marchandise tout juste bonne à produire des œufs et à fournir sa chair. D'autant qu'il devrait se rabaisser à se mettre à leur service en ouvrant et fermant l'abri le matin et le soir. Quelle humiliation !

Donc à civilisation primaire, réponse primaire : le recours au garde-chasse qui, en bon soldat de la cynégécratie, parle immédiatement d'invasion. Nous sommes ici à deux doigts de conseiller aux parents de bien surveiller le retour de l'école de leurs bambins. Les hordes de renards ne sont pas loin et comme chacun sait, une petite tête blonde au menu n'est pas pour leur déplaire.

Bien sûr personne n'a évoqué les nombreux champs entourant cette commune, champs où sont déversés chaque année des hectolitres de pesticides, entraînant la disparition de bon nombre de rongeurs qui étaient jusque-là la source première de nourriture des renards qui désormais se rabattent sur certains animaux d'élevage laissés sans surveillance aucune.

Le mot de la fin revient au garde-chasse qui se lamente de ne pouvoir agir à sa guise   : « Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons, il y a des réglementations à respecter. Sans ça, tout irait plus vite. »

Voilà une dernière parole qui résume parfaitement l'état d'esprit du monde de la chasse, de ses pratiquants de base jusqu'à ses instances fédérales : il existe un Code civil, un Code pénal, un Code de l'environnement... qui fixent des règles que tout un chacun est tenu de respecter et qui perturbent l'assouvissement des pulsions du monde cynégétique qui ne reconnaît qu'une seule loi : celle du fusil.

Un monde cynégétique qui s'assoit sur les lois pour ce qui est du respect de la propriété privée, de la liberté de conscience, de la liberté d'aller et venir, capable de tentatives d'agressions physiques (pour ne pas dire lynchage) de ministre ou député en fonction qui ont le simple tort d'appartenir à la famille politique d'un Gouvernement refusant exceptionnellement de dérouler le traditionnel tapis rouge du droit au saccage de la nature.

Bref, un monde qui a en horreur les principes de respect, d'empathie et de démocratie.

En cela il rejoint la nébuleuse tauromachique avec qui il assure, en ce vingt-et-unième siècle, la grande flétrissure de notre pays.

 

David Joly

Vice-président CVN