Permis de chasse français : le petit frère de la Constitution américaine

Imprimer

 


Par David Joly - Vice-président de la Convention Vie et Nature


Rappelez-vous : le 14 novembre dernier, les médias du monde entier s’émouvaient suite à une nouvelle fusillade perpétrée au sein d’un lycée de Santa Clarita, au nord de Los Angeles, coûtant la vie à deux lycéens, ainsi qu’à son auteur qui avait fini par retourner l’arme contre lui.

Ce genre de dramatique fait divers, les États-Unis en vivent plusieurs fois par an, et ce depuis des décennies. À chaque fois, l’émotion suscitée fait remonter à la surface la remise en cause du deuxième amendement de la Constitution américaine permettant à tout citoyen de détenir une arme. Mais le lobby de la gâchette, par l’entremise de la NRA (National Rifle Association), veille au grain afin d’éviter que le juteux marché dont il tire ses profits ne soit à aucun moment entravé par toute considération autre que financière.

Chez nous, il est fréquent de voir ici et là nombre de politiques et de citoyens se rassurer, invoquant le fait que la détention d’armes en France est ultra-réglementée, ce qui permet d’éviter ce type d’épisodes mortifères. La réalité est-elle vraiment ainsi ?

La détention légale d’une arme à feu en France est sûrement plus entravée qu’aux États-Unis, mais à peine plus difficile.

Mettons de côté les professions où cette détention est rendue nécessaire mais néanmoins encadrée (police, gendarmerie, douanes, etc). Quel domaine nous reste-t-il ? Principalement la chasse.

Il existe alors deux conditions à remplir afin d’obtenir le Graal du monde cynégétique : le fusil qui va permettre de blesser, mutiler, torturer, tuer des êtres sensibles six mois par an.

La première, c’est de faire allégeance financière à la fédération nationale de chasse en réglant annuellement le prix du permis de tuer. Acte depuis peu pris en charge à 50 % par l’ensemble des citoyens français, ce grâce au président thanatophile à la tête de notre pays et, à l’image de ses prédécesseurs, valet entièrement dévoué à la cynégécratie.

La seconde, c’est de passer avec succès une épreuve organisée par les instances cynégétiques, composée de questions (souvent à choix multiples) d’un niveau de difficulté moins élevé que celui de devinettes telles que « quelle est la couleur du cheval blanc d’Henri IV ? » ou « est-ce que le feu ça brûle ou ça mouille ? »

Notons au passage que certains candidats s’avèrent parfaitement aptes à échouer au dit test.

Il apparaît donc clairement que la détention d’un fusil de chasse n’est donc pas plus difficile que la détention d’une bicyclette.

Ces armes très facilement accessibles sont censées ne jamais être utilisées contre un citoyen lambda dans le cadre public ou privé. Et pourtant c’est ce qui se passe à longueur d’année.

La dernière illustration remonte au 3 janvier dernier à Dreux (Eure-et-Loir) où le directeur général des services de la ville a été blessé par balle par un homme armé d’un fusil de chasse, ce afin de régler un différend d’ordre personnel. (Accéder à l'article).

Épluchez les journaux de ces derniers mois, entrez les mots clés sur n’importe quel moteur de recherche, et ce cas de figure, vous allez le retrouver des dizaines de fois, où l’épilogue du fait divers s’avère bien souvent tragique.

Certains argueront alors que si les auteurs de tels méfaits n’avaient pas utilisé un fusil, ils en seraient arrivés aux mêmes actes à l’aide d’une autre arme. Ne doutons pas que des amateurs de la gâchette ont tout autant une passion pour l’arme blanche qui fait couler le sang. Là encore, il suffit de se rendre sur Youtube pour y voir avec effroi des pratiquants de la mort-loisir mettre en ligne des vidéos où ils sont fiers d’achever un sanglier au couteau. Sans parler des nostalgiques de l’aristocratie qui effectuent les mêmes prouesses sur des cerfs lors de parties de chasse à courre.

L’argument est donc vrai pour une bonne partie de ces individus à l’état de délabrement psychologique plus qu’inquiétant. Pour beaucoup d’autres, le fusil reste néanmoins la garantie de garder cette distance avec la victime dans le passage à l’acte, qui serait annihilé ou tout du moins réfréné s’il devait y avoir contact avec la victime désignée.

Que les femmes et hommes politiques qui soutiennent la chasse se le disent : ils soutiennent par la même occasion l’homicide par arme à feu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le monde de la chasse a recours aux services du même lobbyiste que le monde des armes en France, cet homme qui s’autoproclame sans morale : Thierry Coste.

DJ.