Une société schizophrénique.

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L’optimiste saluera la prise de conscience écologique de nos contemporains, la présence de rubriques environnementalistes dans la plupart des médias, la mobilisation des milieux scientifiques pour alerter sur les perturbations climatiques, la mort des océans, l’empoisonnement des sols.

Il constatera le grand nombre de colloques, de conférences internationales, de conventions inter-étatiques traitant du devenir de la planète et du sort des milieux naturels, de la biodiversité.

Il se félicitera de voir que l’animal est reconnu en sa qualité d’être sensible par les plus hermétiques des politiciens, y compris Français, ce qui est le signe d’une évolution des mentalités.

Il se réjouira d’apprendre que l’immense majorité de nos concitoyens aiment leurs chiens et leurs chats, ne craignant pas de dépenser beaucoup d’argent pour leur confort et leurs soins vétérinaires.

Il jubilera tout à fait en apprenant qu’il meurt plus de chasseurs qu’il n'en naît et que ce loisir cruel, anti-écologique et ouvertement guerrier en ses rituels, régresse inexorablement malgré les efforts de propagande du lobby chasse.

Alors, si notre optimiste avait raison, homo sapiens sapiens deviendrait-il enfin sage, responsable de sa maîtrise et respectueux de lui-même et des autres formes de vies ?

Cesserait-il d’être cette brute débile qui torture la vie et souille tout autour de lui ?

Cependant, illustrant la sagesse qui veut qu’un pessimiste ne soit jamais qu’un optimiste devenu réaliste, il faut bien constater que la dévastation de la biodiversité va beaucoup plus vite que la prise de conscience des humains.

Les profits colossaux des entreprises privées, la croissance quantitative, l’exploitation des ressources, l’artificialisation de l’espace terrestre, les usines à viande où soixante milliards d’animaux sont sacrifiés, chaque année, sur l’autel du rendement perdurent et même s’aggravent.

Malheur, aux « extrémistes », « intégristes », qui osent s’opposer aux grands travaux inutiles !

Malheur, à ceux qui dénoncent l’enfer des animaux, face à la chasse, à la corrida, aux élevages concentrationnaires, aux abattages sacrificiels commandés par des religions, mythes stupides et criminogènes !

Oui, l’humain contemporain adore son chat, son chien, dans un élan anthropomorphique sympathique, mais ne s’émeut guère des tirs de loups, des piégeages de renards, des foules de bétails trucidés en masse dans des conditions qu’il entend bien ignorer pour le repos de sa conscience à géométrie très variable.

Ainsi, la société est dissociée, discordante, incohérente, morcelée selon un syndrome schizophrénique qui frappe tout autant les politiques.

Un jour, ils tentent, à l’instar du premier ministre actuel, de corrompre quelques députés ou sénateurs VERTS, histoire de mettre un peu de couleur dans un gouvernement affaibli, en leur offrant un fauteuil ministériel dans lequel ils seraient priés de dormir paisiblement, en oubliant la moindre conviction écologiste et en psalmodiant cette antienne nullement écologiste : « la transition énergétique crée des emplois ». Le lendemain, le premier ministre déclare, à la tribune de la FNSEA, à ST-ETIENNE, le 27 mars dernier, que « l’exploitant agricole est le meilleur écologiste de France » !

Or, les intervenants à ce congrès exhalaient leur exécration des écologistes empêcheurs d’empoisonner et de détruire la nature.

L’agriculture conventionnelle, gavée aux subventions légitimes et aux pesticides, parfaitement criminels, représente une nuisance.

La question est celle-ci :

La prise de conscience de l’unité du vivant, réconfort de notre optimiste, ira-t-elle plus vite que la destruction finale imposée par le libéralisme économique et l’approche traditionaliste de la nature et de l’animal ?

Selon la réponse à cette question, homo sapiens sapiens pourra poursuivre sa maîtrise, sous réserve de mutation de comportement.

A défaut, l’homme se révélant une impasse pour l’aventure de la vie sur terre, il restera aux céphalopodes à reprendre la longue marche de l’évolution en leur souhaitant de mieux faire.

Après tout, ils ont encore cinq milliards d’années pour réussir, avant que notre vaisseau spatial finisse en fusion, absorbé par son étoile mourante sous la forme d’une naine blanche et que tout cela s’achève en particules cosmiques.


Gérard CHAROLLOIS