Grands arbres et très petits hommes.

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« Ô, quel farouche bruit font dans le crépuscule les chênes qu’on abat pour le bûcher d’HERCULE ».

Victor HUGO.

Le gouvernement, pour améliorer la sécurité routière, inciterait, selon la presse, les collectivités locales à abattre les arbres ombrageant les routes.

Ce massacre perdure depuis des décennies.

Or, nul ne vit jamais un arbre quitter la terre qui le nourrit pour venir méchamment percuter un paisible automobiliste.

Certes, des chauffards criminels, maniaques de la vitesse, perdent parfois le contrôle de leurs engins et achèvent leur course folle contre un tronc salvateur.

A défaut de l’arbre, le chauffard, perdant ce contrôle, finira son embardée en écrasant un piéton, un cycliste, un autre automobiliste ou un innocent animal.

Supprimer les arbres bordant les routes aggrave l’insécurité routière en offrant aux assassins motorisés une fausse sécurité au détriment des autres vivants dont le malheur est de les rencontrer.

Les arbres ne bénéficient pas, en ce pays, d’un quelconque statut de protection, même s’ils sont vénérables, chargés de siècles, merveilleux symboles de la nature et de la pérennité.

La déplorable « classe politique » édicta des lois en faveur des monuments historiques mais aucune norme en faveur des géants végétaux, chefs-d’œuvres qui exigent ce qu’ignore le plus notre époque : le temps.


Combien de maires malfaisants font abattre systématiquement les vieux arbres des places, au prétexte habituel qu’ils sont malades, en dupant les citoyens, par des replantations qu’ils détruiront quelques années plus tard, bien avant que les jeunes végétaux n’atteignent leur maturité.

C’est qu’un arbre, vous savez, ça possède des branches et des feuilles et que cela fait désordre dans l’univers de béton et de verre des cités modernes hostiles à toute vie sauvage.

D’ailleurs, moineaux et martinets, naguère hôte des vieilles façades pourvues de cavités propices à leur nidification, disparaissent eux aussi des villes et aucun architecte, aucun maître d’œuvre, aucune municipalité, ne se préoccupent de ces oiseaux, lors de l’édification des bâtiments.

Un élu préférera toujours un rond-point, une zone industrielle, un centre commercial, pompes à argent public, au maintien de la nature dans l’espace urbain.

L’arbre doit disparaître comme l’oiseau dans un univers artificialisé, aseptisé, un univers biocide.

Or, il serait vain de protéger les oiseaux sans sauvegarder les arbres.

L’immense majorité de nos concitoyens souhaite conserver ces dispensateurs d’ombre, de fraîcheur, de paix dans leur environnement et partout monte la même récrimination des habitants contre les élus ennemis des arbres.

Une étude psycho-sociologique mériterait d’être consacrée au rapport décalé de l’homme politique avec le vivant.

Bien souvent, en retard sur la société, l’homme politique méprise profondément la nature et les animaux.


Ces jours-ci encore, lors de l’adoption par l’assemblée nationale de la réforme du code civil par insertion de la mention « l’animal est un être vivant sensible », il s’est trouvé quelques esprits fossilisés, au parti de l’argent, pour s’inquiéter de l’incidence de cet énoncé pour les « éleveurs et les chasseurs à courre ».

Cela tient aux particularités psychologiques des personnalités accédant aux fonctions électives, personnalités « tueuses » qui ont dû « éliminer » leurs concurrents au sein même de leurs formations respectives.

En dehors des périodes héroïques, celles où l’engagement expose aux grands périls, la politique attire des individus bien peu à la hauteur.

Voilà pourquoi trop d’élus reflètent une mentalité archaïque, hostiles à l’arbre et à l’animal.


Pour abattre sans remord les grands arbres, il faut de bien petits hommes ou du moins des hommes bas.

Sauver l’arbre, l’animal et l’homme passe par une politique de hauteur éthique, l’inverse de ce que pratique la caste.


Gérard CHAROLLOIS