« Les animaux aussi ont des droits ».

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Tel est le titre d’un récent ouvrage écrit par trois éminents penseurs, Boris CYRULNIK, Elisabeth de FONTENAY et Peter SINGER.
Ils sont nombreux les livres contemporains traitant du rapport douloureux de l’animal humain avec les autres espèces.
Ici et là, dans une généreuse cacophonie de mouvements dispersés, des militants de la cause animale manifestent contre la vivisection, la chasse à courre, la fourrure, les abattages rituels, les tortures de taureaux dans les arènes.
Les enquêtes d’opinion réalisées par les instituts de sondage confirment une évolution en profondeur des mentalités générant des majorités favorables à l’abolition de la chasse, mort loisir, de la corrida, mort spectacle et concrétisant  l’émergence d’une approche nouvelle du fait animal.
Bien sûr, ce mouvement d’opinion est plus marqué dans les autres pays qu’en France, pour des raisons sociologiques.
La France fut aux siècles passés un pays d’éleveurs et de chasseurs, refoulant toute compassion envers le bétail et le « gibier ».
Aujourd’hui, restent cinq cent mille exploitants agricoles et moins d’un million de chasseurs dont la mensongère propagande dissimule l’ampleur de la diminution d’effectifs.
Mais, par tradition, les politiciens flattent ces strates sociologiques dans le sens de leurs arriérations.
Aussi, nonobstant les aspirations des citoyens, les lois et règlements servent encore les intérêts des tueurs, des piégeurs, des exploitants de ces hideux camps de concentrations pour porcs, veaux et volailles où des êtres sensibles sont entassés par milliers, leur vie durant dans des conditions parfaitement contraires à leurs exigences éthologiques.
Cet élevage dit « industriel » illustre ce qu’est le capitalisme : un système moral, politique, économique avilissant tout  pour la célébration du culte du profit.
Malgré la prise de conscience de l’opinion, malgré les ouvrages philosophiques, les colloques et travaux scientifiques prouvant l’unité du vivant, l’époque, par le productivisme, soumet  des milliards d’animaux à des conditions de vie inédites dans l’horreur.
Loin de progresser, la société mercantile impose sournoisement des régressions éthiques dont la nature, l’animal et l’homme lui-même sont les victimes.
Pour faire de l’argent, des scélérats torturent des animaux en les soumettant à des stress constants et des contentions cruelles.
La propagande des lobbies de la mort empêche ce pays d’avancer aussi vite que les autres dans la prise de conscience. Leur combat n’est que de retardement.
Aux USA, paradis du capitalisme, de l’entreprise privée, du commerce triomphant, la liberté d’expression de la pensée permet aux défenseurs des animaux de diffuser leurs idées et de dire la vérité sur les crimes de l’élevage de masse.
Il en résulte un mouvement en profondeur tel que la consommation de viande baisse en ce pays.
Ici, la censure, la connivence des pouvoirs publics avec les lobbies freinent cette mutation de la société.
Que l’Europe propose une amélioration ponctuelle et bien insuffisante des conditions d’élevage et les successifs gouvernements Français tenteront de ralentir l’application de ces normes améliorant le sort des bêtes mais rendant moins rentable leur exploitation.
Alors, les animaux ont-ils des droits ?
Ils ont, à l’évidence, celui de vivre selon les impératifs biologiques de leurs espèces, le droit absolu de ne pas être maltraités, de conserver des espaces vitaux.
Ces affirmations devraient aller de soi, constituer des prescriptions morales admises par tous et de tous temps.
D’où vient la négation de ces droits de tout être vivant ?
Des trois monothéismes qui façonnèrent l’Occident en plaçant l’homme en dehors de cette unité du vivant, en l’isolant sur un piédestal irréductiblement séparé de tous les autres êtres.
Il fallait, pour ces pensées, réduire les animaux au rang des choses, des objets, des  fournisseurs de viande et de force de travail en niant leur caractère sensible, leur conscience d’eux-mêmes, conscience désormais prouvée par la science contemporaine.
On ne se défait pas si aisément de plusieurs siècles d’obscurantismes, de mépris, de préjugés dispensant de réfléchir sur des pratiques présentées comme ancestrales.
Pour les conformistes formatés, l’animal peut être « gibier », marchandise, objet d’expérimentation puisqu’il en a toujours été ainsi.
L’habitude est un paravent de bien des crimes.
Dans le rural profond, l’égorgement du cochon revêt une allure festive et ceux qui s’adonnent à ces pratiques n’éprouvent aucune émotion devant les cris d’un animal pas moins conscient de lui-même qu’un chien.
Cette anesthésie de la conscience résulte du poids des habitudes.
Pour l’égorgeur de porc cela n’a rien d’émouvant puisqu’il le vit faire de tous temps par d’autres.
La semaine qui s’achève offre encore un sinistre exemple de ce mépris :
Le préfet de la région PACA autorise la destruction de cinquante outardes canepetières aux abords de l’aéroport de Marseille-provence au motif que ces oiseaux menacent la sécurité des avions.
Or, l’outarde canepetière est une espèce gravement menacée de disparition.
Amis des animaux, de la nature et de l’homme,préservez l’atmosphère terrestre, les sites et les outardes.
Comment ?
En vous abstenant de prendre l’avion et d’aller voir au bout du monde des gens qui sont sommés par la publicité mercantile de venir chez vous.
Cessez d’être dupes.
Les voyages n’enrichissent pas votre culture mais l’industrie du tourisme.

Gérard CHAROLLOIS