La révolution biocentriste.

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Ceux qui par idéologie et ceux qui par profession de lobbying s’opposent à la reconnaissance des droits des animaux et de la nature, dénigrent le biocentrisme en le présentant comme une régression, une négation des droits de l’homme.
Pour eux, notre condamnation de l’anthropocentrisme impliquerait un retour à un passé antérieur à la révolution morale, politique, scientifique issue des œuvres des 17ème et 18ème siècles.
Globalement, l’Antiquité mettait au centre des valeurs le cosmos, au besoin peuplé de dieux multiples assurant la pérennité de l’être, par la permanence de la matière.
Les monothéismes substituèrent un dieu unique qui promettait non seulement l’immortalité de la matière, mais mieux la résurrection des corps, ce qui était plus fort, plus consolateur, plus anxiolytique.
DESCARTES et ses successeurs, sans nier initialement les dieux,  mirent l’homme à la place, au centre des valeurs.
Pour faire de l’humain une fin, un centre, l’unique mesure des intérêts, il fallait à ces pensées l’extraire du reste du vivant, le mettre sur un piédestal où il pourrait s’adorer lui-même, espèce à part, séparée radicalement des autres.
Si le cartésianisme valorisa opportunément la raison, ce n’est nullement par cet attribut que cette philosophie spécifia l’humain.
DESCARTES et ses disciples reconnaissaient une amorce de raison chez les animaux.
En revanche, ils soutinrent que l’animal ne pouvait pas souffrir, qu’il était dépourvu de sensibilité et que les cris émis par un chien maltraité n’était que le bruit de l’air dans une tuyauterie !
Cette affirmation qui nous apparaît aujourd’hui bien grotesque devait amener les philosophes « humanistes » des 19ème et 20èMe siècles à rechercher laborieusement, ailleurs, ce qui constitue une frontière absolue entre l’homme et le reste du vivant.
Puisque ce  n’est point la raison qui fait l’homme sauf à dénier la qualité d’humain aux enfants en bas-âge, aux vieillards séniles, aux faibles d’esprit privés de raison, puisque  et nul ne conteste que les animaux que chacun fréquente autour de lui possèdent la capacité de souffrir, il convenait de trouver autre chose..
Nul ne conteste plus que tout animal doté d’un système nerveux éprouve le principe du plaisir déplaisir.
Alors, le négationniste des droits de l’animal proclame, tout aussi stupidement que ses devanciers, que c’est le libre arbitre qui fait l’homme.
Quelle superbe illusion que ce libre arbitre !
Les connaissances neurologiques, psychiatriques, génétiques, endocrinologiques contemporaines ébranlent gravement cette noble certitude sur le caractère du libre arbitre humain.
Bien sûr, cette fiction est indispensable au bon fonctionnement d’une société et notamment à la répression des crimes et délits, car comment punir un homme pour ce qu’il a fait si l’on devait considérer qu’il est déterminé par sa biologie et son acquis ?
Néanmoins, laissons, humblement, à l’avenir et aux avancées des connaissances la mission de préciser la part de libre arbitre et de déterminisme des individus.
Quelle que soit cette part, rien ne permet d’affirmer, comme le font les philosophes anthropocentristes contemporains, que l’animal non-humain soit dépourvu de tout libre arbitre.
Toutes les fois que l’homme a cherché un « propre de l’homme », il dût se démentir en découvrant chez d’autres espèces des formes de ce fameux « propre ».
Une espèce possède toujours des caractères et des aptitudes qui la distinguent des autres.
Un homme contemplant un quelconque autre animal perçoit ce qui le sépare de l’espèce observée, mais celle-ci possède également des caractères la séparant des autres espèces.
Outre des similitudes biologiques, telles un encéphale dans une boîte crânienne, une moelle épinière dans une colonne vertébrale, des bases composant des brins d’ADN, les espèces possèdent en commun ce que niaient les premiers cartésiens, à savoir, la capacité de souffrir.
Or, c’est cette capacité qui fait l’unité profonde du vivant.
N’oublions jamais que la chance, hasard et nécessité, fit apparaître sur la terre non l’humain, mais la vie.
C’est elle qui vaut.
Evidemment, l’homme participe de la vie et en cela mérite le respect de sa sensibilité, de son droit à vivre selon les impératifs de ses besoins.
Le biocentrisme ne retire rien aux droits de l’homme, bien au contraire.
En subvertissant les communautarismes meurtriers, il assure le triomphe des droits de l’homme.
Mais, le biocentrisme étend à la nature entière ce droit à ne pas être soumis à la violence, à l’exploitation, à l’anéantissement.
La perspective ne vise pas à abaisser l’humain mais à rehausser le règne du vivant.
Le biocentrisme n’est pas une régression mais une avancée, une élévation de la conscience, une extension du champ de la responsabilité.
Cette pensée révolutionnaire débouche sur des politiques concrètes, car une doctrine s’apprécie à l’aune de ses effets :
Puisque l’animal mérite respect en considération  de sa sensibilité, il convient d’abolir tout acte de cruauté et de maltraitance à son encontre..
Puisque les espèces  ont un droit à vivre sur la terre, un partage de l’espace incluant leurs besoins vitaux s’impose.
L’homme doit renoncer à tout exploiter, dominer, conquérir pour son seul profit au détriment de la nature.
Jusqu’ici, les plus généreux des humains se souciaient  de laisser des territoires aux « peuples primitifs ».
Il faut aller au-delà de cette compassion anthropocentrique et étendre aux espèces de faune et de flore ce droit à conserver des territoires vitaux.


Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
MOUVEMENT D’ECOLOGIE ETHIQUE ET RADICALE