La république des chasseurs est aussi celle des coquins

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Un ancien chef de l’état, pro-chasse, vient d’être condamné en premier ressort, pour la deuxième (peut-être pas la seconde) fois en correctionnelle pour des délits commis dans le cadre de ses activités politiques.
Son ancien premier ministre, pro-chasse, l’a été lui aussi.
La classe politique à droite exprime sa solidarité avec son ex-champion déchu.
Au grand dam des grands élus, la justice n’est plus servile et ose atteindre la classe oligarchique au lieu de se contenter de mater les gueux, sa mission traditionnelle.
Un pamphlétaire pétainiste, très pro-chasse, fulmine contre la république des juges et contre la Cour européenne des droits de l’homme, « peuplée de personnages femelles qui condamnent le racisme, saine doctrine virile à l’instar d’une belle chasse à courre et d’une glorieuse corrida ».
Pour ces oligarques du monde des affaires, de la finance, des délits et crimes en cols bien blancs, les juges (rouges) sont des renégats de classe qu’il convient de dénoncer à la vindicte du petit peuple, sur le thème « non à la république des juges » et vive la république des coquins !

Le parti dit les républicains, parti de la lutte des classes inversée, parti chasse, pesticide, béton et traditions, n’aime guère qu’on inquiète ses agents en politique, les valeureux capitaines d’industrie, les preneurs de risques qui entreprennent, investissent, exploitent.
Les élus, choisis par 20% de la population, s’imaginent appartenir à une caste privilégiée, au-dessus des autres humains, maîtres de tout faire en totale impunité.
Et pourtant !
Que vaut l’onction du suffrage dans notre démocratie abîmée ?
Les présidents de la république successifs ne recueillent jamais, au premier tour de leur élection, que 20% de soutien de la part des citoyens, en tenant compte de l’abstention et ils ne sont élus, au second tour, que par rejet de leur adversaire.
Quant aux élus locaux, ils ne représentent jamais que 15%, au mieux, des citoyens, eu égard au taux massif d’abstention.
Voilà ce qu’est cette féodalité arrogante qui dénonce volontiers les « lenteurs de la justice » mais dont les avocats s’évertuent à retarder les procédures pénales en multipliant les recours dilatoires pour que leurs puissants clients échappent aux condamnations de leurs méfaits.
La droite sénatoriale n’aime pas du tout le délit de « prise illégale d’intérêts », infraction contenue dans l’article 432 – 12 du Code pénal qui prévoit que l’élu qui participe à une décision publique en faveur d’une entreprise dans laquelle il a un intérêt commet le délit de prise illégale d’intérêt.
Ainsi, un maire avait attribué un marché public à l’un de ses amis et la chambre criminelle de la cour de cassation a approuvé sa condamnation pour délit de prise illégale d’intérêts.
Ce fait scandalise le parti les républicains du sénat qui vient de modifier, le 29 septembre, le texte en donnant une définition plus restrictive de la notion d’intérêt.
Mieux, on observe une touchante complaisance de tous les élus, de tous les partis, pour leurs malheureux collègues épinglés par la justice, ceux qui n’ont pas eu la chance d’échapper à la lumière qui découvre leurs turpitudes.
Parce que tout pouvoir corrompt, Montesquieu préconisait déjà la stricte séparation des pouvoirs pour que ceux-ci se limitent et s’équilibrent.
De nos jours, le pouvoir exécutif, grandement législatif, pèse trop sur les autres.
L’équilibre est rompu.
L’institution judiciaire devrait exercer cet autre pouvoir.
La presse, pour le peu qu’elle échappe aux ploutocrates gloutons des médias, joue également ce rôle de contrôle lorsqu’elle sait s’affranchir des lobbies et des forces financières.
Les anciens gouvernants trébuchent aux marches des palais de justice.
Quand viendra le tour des suivants ?
Que penser, juridiquement parlant, de ces « gestionnaires » de collectivités territoriales qui arrosent le lobby chasse par des deniers publics et qui participent aux manifestations de leur clientèle électorale ?
Vite, ouvrez une enquête préalable pour délits de prises illégales d’intérêts !
Ne vaut-il pas mieux les incarcérer avant qu’après le passage au paradis Elyséen ?


Gérard CHAROLLOIS