« Le loup, ce mal aimé qui nous ressemble »

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Tel est le titre d’un livre que Pierre JOUVENTIN, écologue et éthologue, directeur de recherches honoraire au CNRS, consacre à canis lupus.
Le loup, ancêtre de tous nos chiens, effrayait les enfants des siècles passés et symbolisait le mal, l’insoumis, le sauvage, aux temps obscurantistes de l’ignorance de son comportement.
Persécuté par les chasseurs et les agriculteurs, il avait disparu de France vers 1920.
Moins hostiles à la vie sauvage, les pays voisins conservèrent des populations lupines : 2000 loups vivent en Espagne et 1500 en Italie.
Aucune attaque d’homme par des loups n’est à déplorer en Italie, en Espagne, en Pologne, si on exclut de vieilles narrations douteuses datées de plusieurs siècles.
En novembre 1992, deux loups Italiens furent observés dans le parc du MERCANTOUR, au-dessus de NICE.
Immédiatement, les ennemis de la terre, chasseurs et éleveurs, s’agitèrent sur le mode habituel qui les caractérise : imposture et violence brutale.
Ce lobby contre-nature ne veut pas de loup, comme il ne veut aucun prédateur, aucune nature sauvage et libre.
Les montagnes sont, pour ces gens-là, des parcs à moutons soumises à un pâturage excessif détruisant la flore et empoisonnant les sources par les déjections des ovins traités aux anti-parasites.

Or, l’élevage ovin n’est maintenu que par perfusion d’argent public et 56% de la viande de mouton consommée en France provient d’importations notamment de Nouvelle-Zélande.
Que 85% des Français se réjouissent du retour du loup ne pèse pas lourd face aux gesticulations des tueurs agréés qui font tant peur aux élus locaux et aux petits préfets en mal de carrière et préférant une injustice au désordre.
Il est vrai qu’une centaine d’anti-loups peuvent saccager une mairie, molester des agents publics, souiller une préfecture et faire énormément de bruit.
Alors, un ministre de l’intérieur du nom de Castaner, élu des Hautes-Alpes, a pu éructer qu’il voulait « buter les loups », dans le style de POUTINE, probablement « jusque dans les chiottes » !
Ce même ministre lançait avec force battage médiatique une cellule de gendarmerie dite « DEMETER » (déesse des moissons), dédiée à la protection des intérêts agricoles et à la traque de l’écolo et de l’animaliste.
Bien sûr, il ne s’agissait pour ce grand macronien que d’un effet d’annonce et nul écologiste ne sera jamais inquiété puisque la violence, les manifestations clastiques ne sont jamais de notre fait mais l’apanage des protégés du ministre.
Le loup rapporte gros aux éleveurs car si les chiens errants ont toujours tué des milliers de moutons, il est commode d’imputer aux loups toutes les prédations et d’obtenir ainsi des indemnisations publiques.
Selon une étude mentionnée par Pierre JOUVENTIN, le loup provoquerait la mort de 0,01% des moutons alors que les transports de ces malheureux animaux génèrent 4% de mortalité.
Dès qu’un loup apparaît dans un département, les lobbies agro-cynégétiques s’alarment et les petits préfets soumis suivent la cohorte grégaire réunissant des commissions où siègent les ennemis de la terre et octroient des autorisations de tirs de destructions.
Si vous voyez un loup : silence !
Espèce protégée en Europe, le loup ne l’est guère en France.
Le ministère de l’écologie prend des arrêtés annuels autorisant des tirs de loups après consultation purement formelle du public.
Bien que 87% des avis émis par les citoyens soient défavorables à ces tirs, le gouvernement perdure à céder aux éléments les plus rétrogrades de la société et permet de tuer environ 120 loups sur une population évaluée à 500 individus pour tout le pays.
Une fois encore, l’affaire loup prouve la dictature d’un lobby anti-nature, ultra-minoritaire mais omnipotent en ce pays.
Dangereux le loup ?
Non, il fuit l’homme qu’il ne perçoit pas comme une proie.
Les habitants des Abbruzes riraient des peurs du loup eux qui vivent avec lui depuis toujours.
Le loup Italien pèse environ 30kg et plus on monte vers le Nord, plus la taille des loups augmente pour atteindre près de 80kg vers les zones septentrionales selon une loi biologique bien connue qui veut que les mammifères prennent du poids en fonction de l’abaissement des températures moyennes des régions de peuplements, et ce pour mieux conserver leur température interne.
Trop de sangliers et de cervidés dans nos forêts ?
Qu’aurions-nous besoin de chasseurs dangereux si nous avions des loups et des lynx pour établir les équilibres écologiques.
Quant aux éleveurs, il leur suffit, à l’instar de leurs homologues Italiens et Espagnols, de parquer les moutons durant la nuit pour prévenir les prédations.
Mais le loup révèle la veulerie des politiciens français qui bêlent à l’unisson des ennemis de la terre et n’osent pas affirmer une volonté de préserver la biodiversité.
Le sénat fossilisé, chantre d’une ruralité qui n’est qu’une arriération, demandait l’an passé que le loup perde son statut d’espèce protégée en Europe.
Sa requête fut rejetée et la convention de BERNE comme la directive 92 43 de l’Union Européenne maintiennent le régime de protection de l’espèce.
La régulation qui s’impose ici est celle d’un sénat conservateur, reflétant, par un mode de désignation archaïque de ses membres, les lobbies contre-nature.
En France, la nature souffre et se meurt mais la démocratie est aussi bien malade.
Nous voulons une nature vivante, diversifiée, non maîtrisée, pas uniquement vouée au profit et à l’exploitation, une nature qui nous enseigne que la vie est belle de ses différences.


Gérard CHAROLLOIS