La belette et le conseil d’état

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Je demande à Monsieur le Ministre de la « transition écologique » Nicolas HULOT de mettre un terme au scandale règlementaire que constitue la persistance de la notion d’espèce nuisible.
Certes, le mot qui sentait par trop son arriéré a disparu du droit depuis cinq ans, mais le concept demeure présent avec son lot d’aberration, de persécutions, d’agressions contre la faune en violation des faits.
Ma radicalité revendiquée me permet de dire que le chasseur est un fauteur de troubles des équilibres naturels, une nuisance, un problème sans pareil, un individu destructeur dans la nature, un négationniste des droits de l’animal.
La nature a besoin d’être protégée et non « gérée » à la mode cynégétique, c’est-à-dire artificialisée, privée de ses prédateurs naturels, de ses équilibres écologiques.
L’administration classe « espèces à problèmes » celles que le chasseur veut détruire en dehors des périodes d’ouverture de la chasse et par des procédés complémentaires de ceux usités dans le loisir de mort et en particulier par piégeage, passe-temps cruel et malsain d’une poignée de tueurs agréés par les préfectures à cette fin peu glorieuse.
Loin de poser des problèmes, fouines, martres, putois, renards, belettes et consorts participent aux équilibres écologiques par leurs prédations et leur consommation de cadavres de petits animaux dans la nature.
Des études ont même révélé, dans un esprit très utilitariste et spéculatif, que ces carnivores étaient de précieux auxiliaires de l’agriculture.
Mais, devient « nuisible » l’animal que le chasseur veut persécuter après la fermeture de la chasse et par le piège.
Les associations de protection de la nature contestent, chaque année, les arrêtés de classement et le Conseil d’Etat fluctue en estimant qu’ici telle espèce a été stigmatisée par erreur et que là il n’y a rien à redire au classement.
Bien sûr, des groupements de chasseurs suscitent des témoignages de pauvres gens victimes des déprédations des animaux qu’ils souhaitent voir classer nuisibles.
Des esprits rétrogrades s’évertuent de traquer les derniers mustélidés dont les effectifs s’amenuisent, car la seule gestion qui intéresse ces personnages est celle du nombre de piégeurs.
Or, pour conserver des vocations, il faut maintenir les pratiques, donc il faut du classement.
Ces jours-ci, répondant aux recours de chasseurs, le Conseil d’Etat vient d’enjoindre au préfet du PAS-DE-CALAIS de coucher la minuscule belette sur la liste des « nuisibles » et au préfet de VENDÉE de réserver le même sort au putois.
Voilà qui ridiculisera le conseil d’Etat lorsque, dans quelques années, les observateurs prendront connaissance de ces décisions, fruits de l’ignorance.
Je pense qu’il conviendrait d’introduire au concours de l’ENA une épreuve de science, plus utile qu’une simple gymnastique de note de synthèse.
Car il est frappant de constater la méconnaissance profonde des données biologique par les juristes.
Nuisible, la belette !
Ce micro-mammifère pèse 80 grammes, peut se glisser dans un trou guère plus large qu’une pièce de monnaie. Elle consomme des proies à sa taille : souris, campagnols, musaraignes. Mais surtout, victime d’autres prédateurs dont le chat, empoisonnée par la consommation de rongeurs eux-mêmes préalablement empoisonnés, écrasée sur les routes, la belette disparaît.
Seule l’ignorance peut laisser croire à la nocivité redoutable de ce tout petit animal qui ne boit pas le sang de ses proies comme l’imaginent les obscurantistes et peut-être certains messieurs du conseil d’état !
Le putois, en revanche, est plus puissant mais lui aussi se fait bien rare et sera confondu avec le vison d’Europe, espèce en voie de disparation et totalement protégée.
Et puis, comment concevoir qu’une espèce soit nuisible ?
Toutes les espèces ont un droit à vivre sur la terre et la seule espèce nuisible serait celle qui anéantirait le vivant.
Simplifions la réglementation relative à la protection de la nature en posant, en principe, que toute espèce est préservée et qu’il n’y a plus lieu à persécuter les pies, corneilles, geais et belettes, renards .
Disons clairement qu’en Europe, aujourd’hui, tuer pour se distraire constitue une faute morale et que la chasse en notre temps n’a plus rien de commun avec celle des peuples primitifs qui traquaient les autres animaux uniquement pour se nourrir et non pour s’amuser et faire de cette mort une activité récréationnelle.
Derrière les impostures de la notion d’espèces à problème ne se rencontre que la perversité de ceux qui jouissent des prérogatives de tuer.
Aucune considération objective n’étaye les classements et il y a prétexte comme lorsque les chasseurs tentent de faire classer « nuisible » le pigeon ramier migrateur sur les cols ardéchois où l’espèce qui ne fait que passer n’occasionne pas le moindre dégât, dans l’unique dessein de pouvoir tuer en mars, en violation du droit européen.
La grande imposture réside dans cette propagande grossièrement mensongère d’un lobby chasse qui parle de « gestion » mais dont l’unique obsession est de tuer le plus possible avec le moins de restriction possible.
Désormais, les lois d'ici et d’ailleurs admettent que « l’animal est un être sensible ».
L’animal : très bien. Mais pas l’animal sauvage qui peut être fusillé, piégé, persécuté au nid ou au terrier, en migration, de jour et de nuit, pendant presque toute l'année en ce pays car d’ouvertures anticipées en clôtures différées, de classement en « gibier » en classement en « nuisible », l’animal libre ne connaît pas de trêve.
Qu’est-ce qui peut justifier qu’un blaireau soit torturé avant mise à mort alors que le même traitement infligé à un animal de compagnie enverrait le tortionnaire sadique devant le juge correctionnel ?
Un renard, un sanglier, une fouine souffriraient-ils moins qu’un chien ou un chat ?
La loi cède devant la perversion d’individus dont la mort est la culture et qui jouissent de faire saigner dans les champs les animaux sauvages et dans les arènes des taureaux suppliciés.
Alors, Monsieur le Ministre, agissez pour réconcilier le droit et le fait, la logique et le cœur, la volonté démocratique du pays et le respect du vivant en supprimant le concept d’espèce à problème.
Mais si le monarque électif dont le goût pour la cruauté envers l’animal semble avéré ne vous en laisse pas le loisir, partez pour ne pas couvrir de votre notoriété les crimes contre le vivant.
Le monarque n’avait-il pas investi une torera au titre de ses petits soldats de plomb et n’a-t-il pas nommé ministre une militante pro-corrida et pro-chasse !
Je rappelle que selon un sondage IFOP commandité par la CONVENTION VIE ET NATURE, 87% des Français souhaitent que l’animal sauvage soit protégé contre les actes de maltraitance.
Combien de Français ont-ils honte de leur classe politique élue par volonté de la finance, par campagnes de magazines, par ruses et par jeux de scrutins anachroniques ?
La cause de l’arbre, de l’animal et de l’homme est une cause commune.

Gérard CHAROLLOIS