Retour sur Philippe Martin, ministre de l'écologie.

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Les mouvements de protection de la nature s’interrogent toujours sur la cohérence du nouveau ministre de l’Écologie.

par Jean-Paul RICHIER.

 


La récente décision du Conseil d’État annulant l’interdiction de cultiver le maïs transgénique MON810 de Monsanto, suivi de l’annonce par François Hollande du maintien du moratoire, remet à l’ordre du jour la question des OGM. Et elle rappelle la nomination il y a un mois au ministère de l’Écologie de Philippe Martin, qui s’est depuis 2004 illustré par ses actions contre les OGM.

 Philippe Martin, avant d’être donc bombardé ministre de l’Écologie début juillet, était président du Conseil Général du Gers depuis 1998, et député de la 1ère circonscription du Gers depuis 2002. Auparavant, cet homme d’appareil n’avait exercé d’activité que dans le cadre d’équipes municipales, parlementaires, ministérielles ou préfectorales.

 Philippe Martin était membre du groupe Chasse de l’Assemblée nationale depuis la XIe législature.

Question : était-ce dans le souci écologique d’aider les seuls vrais amoureux de la nature (les chasseurs, comme chacun sait) à réguler la faune sauvage, ou était-ce pour complaire à l’électorat cynégétique ? En effet, le Gers est un des départements où la densité de chasseurs est la plus élevée de France (8% de la population du département, contre 2% de moyenne française).

 Philippe Martin est un défenseur acharné du foie gras. Lors de la loi d’orientation agricole de 2005, il fit partie des députés qui déposèrent des amendements visant à inscrire dans le code rural le foie gras comme patrimoine culturel et gastronomique protégé en France (ce qui fut fait, la France ne craignant pas le ridicule).

Et en juillet 2012, la Californie ayant voté une loi interdisant la vente de foie gras, Philippe Martin appelait au boycott des vins californiens jusqu’au retrait de cette loi. A le lire, s’il avait pu, il aurait envoyé un nouveau La Fayette pour libérer la Californie des animalistes. Philippe Martin ne craint pas le ridicule.

Question : était-ce dans le souci écologique de sauvegarder la race des canards mulards, ou était-ce pour complaire au lobby des éleveurs de palmipèdes à foie gras ? On sait en effet que le Gers est parmi les premiers départements producteurs de foie gras.

 Philippe Martin est un partisan de la corrida, et était membre du groupe Tauromachie de l’Assemblée nationale sous les deux précédentes législatures. Et il vient d'assurer personnellement de sa fidélité l'un des lobbyistes taurins les plus agités de France, si l'on en croit celui-ci.

Question : est-ce dans le souci écologique de sauvegarder la race des taureaux braves, ou était-ce pour complaire au lobby taurin ? On sait en effet que le Gers est un des onze départements taurins, avec l’une des sept arènes françaises de première catégorie à Vic-Fézensac.

 Ces questions, dont les réponses sont évidentes, peuvent amener les mauvais esprits à s’en poser d’autres. A propos des combats écologiques qui ont valu à M Martin sa réputation, à savoir les OGM et le gaz de schiste.

 Philippe Martin s’est opposé, en tant que président du CG du Gers, à la culture en plein champ d’OGM (à partir de juin 2004, lorsque les  positions se sont radicalisées avec les arrachages de plants), puis à leur importation (à partir de 2010).

Question : était-ce dans le souci écologique de préserver la biodiversité et de ne pas laisser la production agricole aux mains des grands semenciers, ou était-ce pour plaire aux producteurs gersois de céréales et d’oléagineux ? En effet, le Gers est un département les plus ruraux de France, constitué pour près de 3/4  de terres agricoles, et les élections de 2001 à la Chambre d’agriculture du Gers avaient donné 60 % aux anti-OGM (la Coordination Rurale -d’ailleurs née dans le Gers-, la Confédération Paysanne, et le Modef) contre 40% aux pro-OGM (la FDSEA). Résultats comparables lors des élections de 2007 (58% vs 42%).

 Philippe Martin s’est opposé, en tant que député, au gaz de schiste. Il a mené avec un autre député, du mars 2011 à juin 2011, une mission parlementaire sur les gaz et huile de schiste, et conclut en défaveur de leur exploitation (contrairement à son co-rapporteur, François-Michel Gonnot, député de l’Oise, département alors non concerné par les GDS).

Question : était-ce dans le souci écologique de prévenir les risques globaux liés à la fracturation hydraulique, ou s’agissait-il d’un syndrome NIMBY sur le mode électoraliste ? En effet, le Gers était l’un des départements visés par les permis d’exploitation pouvant déboucher sur l’extraction de gaz de schiste : permis de Beaumont-de-Lomagne (déposé en décembre 2010 par la compagnie américaine BNK Petroleum, et rejeté en septembre 2012), permis d’Eauze, déposé en novembre 2010 par la compagnie australienne Gas2Grid, ou permis de Mirande, déposé en mars 2011 par la même Gas2Grid.

 

Bien sûr, je n’ai pas de réponse à ces deux dernières questions, je me contente de les soulever au vu des positions de Philippe Martin sur la corrida, le foie gras, et surtout la chasse le loisir, activité délétère qui se cache sous un masque écologique.

Bien sûr, on peut s’en tenir à une appréciation conséquentialiste, et juger que ce qui compte sont les actions et pas les intentions.

Bien sûr, on peut, comme le souligne Fabrice Nicolino  (qui nous fait part, de façon purement intuitive, de son sentiment favorable sur Philippe Martin) partager avec quelqu’un des points de vue importants tout en ne partageant pas d’autres points de vue.

Mais dans un domaine aussi général, aussi complexe, aussi tourné vers le long terme que l’écologie, où les avis doivent s’appuyer sur une analyse de la crise globale, il y aurait lieu d’être inquiet si le ministre en charge était un politicien affichant des positions de circonstances.

Notons que les propositions de Philippe Martin dans le rapport sur l’irrigation qu’il a rendu (en tant que député) en juin dernier, si elles ont été nettement critiquées par des organisations écologistes comme FNE, ont suscité l’approbation d’organisations agricoles comme la FNSEA et la Coordination Rurale. Faut-il souligner que ces deux syndicats avaient rassemblé plus des 3/4 des voix aux dernières élections de la Chambre d’agriculture du Gers ?

 JPR.