Plaidoirie pour les blaireaux

Lettre adressée au préfet de sa région par Nadia Vilchenon, sympathisante de notre mouvement, en réponse  aux consultations publiques concernant la vénerie sous terre des blaireaux. Nous sommes heureux d'en publier le contenu ...

Monsieur ou Madame le préfet,
    Dans  votre projet d'arrêté ouvert à la consultation du public, vous autorisez l’exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire prévue du 15 mai au (...) inclus. Pourtant, les recommandations du Conseil de l’Europe sont formelles : « Le creusage des terriers, à structure souvent très complexe et ancienne, a non seulement des effets néfastes pour les blaireaux, mais aussi pour diverses espèces cohabitantes, et doit être interdit. »   Cette pratique de la « vénerie sous terre » est particulièrement barbare et cruelle et elle n’est pas sans conséquence pour d’autres espèces sauvages car elle laisse ces terriers, abris de nombreux individus d'espèces co-résidentes, fortement dégradés. Ces pratiques archaïques, d'un autre temps violent, guerrier et chasseur, blessent et lèsent aussi  d'autres hôtes des terriers, dont des individus d'espèces protégées par des arrêtés ministériels ou des directives européennes, comme le Chat forestier (/Felis silvestris/) ou des chiroptères. Par ailleurs elle inflige de profondes souffrances aux animaux et désensibilisent les humains, leur donnant le goût des appropriations brutales et barbares, stimulant des tendances sadiques non sublimées mais se donnant libre cours, avec des effets potentiellement ravageurs pour d'autres relations, la limite et le respect de l'autre restant mal intégrés et le sens de la loi perverti. Comme exemple, lorsque la vénerie est pratiquée à partir du 15 mai alors que les jeunes blaireaux de l’année ne sont pas entièrement sevrés et qu'ils dépendent encore des adultes et qu'aux termes de l’article L. 424-10 du Code de l’environnement, « il est interdit de détruire (…) les portées ou petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée ». C'est condamner ces petits êtres sensibles et conscients à un terrible destin, une longue agonie et c'est particulièrement inhumain. D'autant plus que, globalement, la dynamique des populations de blaireaux est extrêmement faible avec en  moyenne de 2,3 jeunes par an. Cette espèce n’est jamais abondante avec une mortalité juvénile très importante allant jusqu'à 50% la 1ère année. De plus une mortalité importante est provoquée par la fragmentation des habitats par les voies ferrées ou les routes dont le trafic routier souvent dense est potentiellement mortel pour les animaux mal préparés par l'évolution à cette émergence soudaine et dangereuse pour eux.

     Ainsi, les opérations de vénerie peuvent représenter la persécution de trop et affecter considérablement les effectifs des populations fragiles des blaireaux, pouvant même  entraîner une disparition locale de l'espèce, ce qui représente un véritable éco-crime. Mais votre arrêté est bien sûr légal et c'est notre droit qui va de travers en ce qui concerne la justice envers les animaux. Alors, vous pouvez en toute tranquillité, sauf peut être celle de votre conscience car les génocides animaux à grandes échelle commencent à nous réveiller collectivement,  vous pouvez donc utiliser les incohérences de notre droit qui n'hésite pas à tomber dans une contradiction flagrante pour l’exercice légitimement insoutenable de la vénerie du blaireau, passant l'intérêt du lobby cynégétique avant les principes moraux, la raison et la justice. A l'ère de la sixième extinction des espèces d'origine anthropique, reste encore dominant et tyrannique le commandement des maîtres autoproclamés possesseurs d'une nature surexploitée de manière mortifère au son des béatitudes du chasseur : "Heureux les violents, ils auront du pouvoir", "Heureux les cruels, ils auront de quoi jouir", "Heureux les assoiffés de sang, ils seront  rassasiés".
Pourtant et à bien y réfléchir, pourquoi cet acharnement absurde contre le blaireau, animal sympathique et utile de nos forêts dont les populations  sont fragiles et qui souffre de la dégradation ou disparition des haies, lisières et prairies qui représentent un habitat toujours plus attaqué par une agriculture mécanisée et bourrée d'intrants, destructrice d'écosystèmes et mettant la santé de la vie, celle des milieux naturels, des animaux sauvages et la santé publique en danger. Peut être qu'au fond c'est seulement l'ignorance, la peur et le refus de l'autre qui poussent au crime mais le blaireau a sa place pour que la symphonie du vivant puisse faire entendre ses harmoniques et louer les mystères de la vie, ses richesses et sa diversité. Alors, il faudrait plutôt déterrer nos schémas mentaux dépassés pour que vivent de nouvelles représentations de nos droits et devoirs vis à vis des animaux vertébrés, ces êtres sentients hautement évolués, proches compagnons d'évolution avec qui nous avons pu vivre nos conquêtes jusqu'à cet anthropocène triomphant et arrogant  mais qui se fissure de partout, appelant une nécessaire adaptation, et déjà, en profondeur, celle d'institutions trop anthropocentrées qui témoignent là de sérieuses insuffisances et limites.
      Alors pour des arrêtés défendant réellement l'intérêt général contre celui d'un lobby qui refuse d'évoluer, il faudrait déjà prendre en compte la complexité et les interdépendances dans la toile du vivant auquel le fil de notre destin humain est attaché et que nous déchirons de manière inconsidérée au point que  les équilibres biologiques deviennent un réel challenge, un défi à relever d'urgence, avant de tomber dans l'irréparable. Vos arrêtés successifs pro-chasse laissent en plan les réels enjeux du XXIè siècle et indiquent clairement  que nous risquons de nous enterrer dans vos déterrages au risque de ne pas arriver à relever le défi de la vie et finalement de perdre la partie.  Concernant par exemple le cas du blaireau et  des foyers de tuberculose bovine qui peuvent apparaître dans la faune sauvage, il rappelle l'impact de nos pratiques d'élevage sur la santé de la biodiversité, élevage en rapport avec un carnisme par ailleurs très problématique du fait de ses impacts multiples, éthiques, écologiques, sanitaires et géopolitiques. L’épizootie donc est liée à la filière bovine et l’espèce blaireau n’est pas, à ce jour, un réservoir sauvage de l’infection à éradiquer de manière contre-productive, favorisant l'extension de la maladie plutôt que d'y remédier efficacement par la vaccination. Pour information et soutenant fortement cette thése,  une étude britannique publiée le 26 septembre 2016 par la /Queen Mary University of London/ dans la revue /Stochastic Environmental Research and Risk Assesment/, rappelle que les abattages de blaireaux sont non justifiés, contre productifs et les auteurs préconisent une vaccination ciblée. Et après les massacres absurdes des renards pour soi disant protéger contre la rage qu'ils ont en réalité propagé ces enragés, les blaireaux font toujours les frais de l'ignorance et de méthodes cruelles autant qu'inefficaces. Comme quoi les mythes et les préjugés ont  la vie dure ce qui amènent trop souvent la raison et la science à buter sur les traditions les plus ancrées et des restes d'obscurantisme.
       Aujourd'hui, nous sommes malades de notre domination violente et sans partage d'une nature instrumentalisée et des animaux meurent en masse sous nos coups brutaux, déprédateurs, irrationnels et malsains. Ces rapports d'appropriation tyrannique, ces massacres aberrants, cette inhumanité se retournent finalement contre notre humanité qui se ment à elle-même à partir de dénis, clivages et projections qui finalement rapetissent l'humain enfermé sur lui-même, l'appauvrissent et l'amputent de la possibilité de relations plus matures, plus justes,  sensibles, authentiques et surtout plus responsables avec le vivant et les animaux non humains. Et cet humain  pas fini et toujours menacé par l'inhumain en lui qu'il n'a pas su reconnaître et dépasser en le sublimant et en le neutralisant, trouvera toujours des blaireaux à persécuter et à tuer. Et encore et toujours, on assistera à ces débordements de milices armées qui vont s'en prendre à ceux qui dérangent car ils sont autres et jugés indésirables, les sortant violemment de chez eux pour les exterminer sans pitié,  simplement parce qu'ils sont là et qu'il faut des victimes émissaires pour soutenir l'ordre du monde tels qu'ils le conçoivent d'un point de vue exclusif et barbare et selon le droit abusif qu'ils se donnent comme saigneurs et maître , dans l'oubli de l'autre, du partage nécessaire et de la justice.

     Alors pour mieux respirer dans un monde où la biodiversité va mal et où la violence règne sans partage, d'un seul coeur, sur un air de /Marseillaise/ républicaine, nous autres indignés et animés d'une réelle volonté d'agir contre les abus destructeurs, nous avançons pour contourner le mur que vous dressez devant nous, et nous chantons cet hymne pour la victoire des humains et des animaux unis dans le droit,  pour une France revitalisée, moins dénaturée, dégradée ou détruite  et surtout plus humaine et plus juste :

Allez'enfants de Terre-Patrie,
les jours de honte vont continuer !
Contre nous de la tyrannie,
les standards sanglants sont prisés,
les standards sanglants sont prisés.

Entendez vous dans nos campagnes,
mugir ces féroces fadas ?
Ils viennent jusqu'au fond des bois
déterrer l'blaireau mais seul Néant gagne.

Aux armes de l'Esprit !
NON aux persécutions,
Marchons, marchons,
qu'un plomb impur épargne nos sillons !

Bidochons

Et il faut que ça change, bidochards et têtes de l'Art tous ensemble pour la Vie et contre les cultures de mort qui déshumanisent et ferment l'avenir. Car nous sommes déjà en train de perdre cette guerre absurde contre le vivant, tous perdants, humains et animaux ensemble. Alors il faut déclarer l'état d'urgence et  retrouver rapidement des chemins de Vie, de miséricorde, de justice et de paix. Et pour cela, il faudrait déjà arrêter ces arrêtés qui n'en finissent pas de tomber dans des répétitions mortifères alors même que tous les signaux sont au rouge et nous disent qu'il faut changer nos mentalités et nos pratiques.

Je vous prie de croire, Monsieur le Préfet, en l'expression de ma citoyenneté vigilante.

Mme le Dr Nadia Vilchenon

Psychiatre d'exercice libéral à Amiens (80090)

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