La corrida et les censeurs.

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Le samedi 31 mai, plusieurs milliers de manifestants, répondant à l’appel du COMITE RADICALEMENT ANTICORRIDA, se réunirent à ALES pour témoigner du sursaut des consciences face à la torture érigée en spectacle.
Je fus empêché de participer à cette protestation morale suite à des problèmes de santé d’un membre proche de ma famille.
Le même jour, quatre cents nationalistes, pollueurs et exploiteurs, anti-fiscalistes, dits « bonnets rouges » défilaient à BREST et à NANTES et la presse relatait l’échec de leur mobilisation, sans mentionner les milliers de manifestants contre le spectacle de mort.
D’aucuns imaginent qu’ici et maintenant la presse est loyale, libre, impartiale.
Les faits démentent constamment cette idée reçue tout autant que rassurante.
La presse, à la remarquable exception de quelques organes tels que CHARLIE HEBDO, véhicule les mêmes informations, radotent les mêmes dogmes, dispense le même opium du peuple, le sport spectacle, drogue douce, remplaçant la religion, drogue dure.
Il faut admirer l’efficacité de la drogue qui produit de superbes transes collectives au cours desquelles de braves gens braillent ardemment « on a gagné », alors qu’ils n’ont rien gagné du tout.
Le contrôle des médias sur les cerveaux disponibles n’opère toutefois pas au premier degré mais de manière subtile.
Prenons quelques exemples :
En mai et juin 2005, la quasi-unanimité des journaux et les commentateurs de la presse audio-visuelle s’engagèrent en faveur du « Oui », au référendum portant sur le projet de constitution Européenne, projet néanmoins rejeté par une majorité de votants, le 29 juin.
En cette affaire, l’observateur pourrait conclure hâtivement que la presse ne fait pas l’opinion.
De même, plus proche de nous, lors des  divers scrutins politiques, les médias dénoncent le parti qualifié par eux « d’extrême-droite », sans que cela ne nuise à ce parti réprouvé par les journalistes, les intellectuels, les artistes et presque tout ce qui s’exprime dans les canaux publics et privés de l’information.
Nous pourrions dégager du rappel de ces faits que le pouvoir médiatique n’existe pas et s’en réjouir.
En fait, ce pouvoir est considérable, mais opère à un autre niveau.
Le « bon public » ne se détermine pas selon les injonctions morales d’une élite de moins en moins respectée, mais est conditionné par le vacarme de fond.
Ainsi, la presse annonce, avant un scrutin, que « l’abstention est redoutée et devrait être importante ».
Tous les articles, tous les débats, tous les bulletins d’informations commentent, au besoin en les critiquant, les moindres faits et gestes du parti honni, dont le nom est sans cesse martelé.
Qu’importe le mal que l’informateur pourra dire sur ce parti, son leader, ses propositions. Ce qui est déterminant est qu’il en parle de manière obsessionnelle et qu’en revanche tous les autres « gentils », se trouvent relégué dans l’angle mort   des phares médiatiques.
La presse ne décrit pas une société. Elle la façonne par les valeurs,les thèmes,les préoccupations qu’elle met en lumière, provoquant, parfois sans le rechercher, un mouvement grégaire.
Il y a là un effet performatif, quand le dire génère le fait.
Aussi, lecteurs politiciens, faites parler de vous.
Quand bien même ce serait en mal, vous en tirerez un bénéfice de notoriété, alors que le silence vaut un linceul.
La cause animale en tout cela ?
C’est le sujet tabou par excellence.
Ceux qui remettent en question l’anthropocentrisme n’offrent aucune occasion de dénigrement aux chiens de garde de la pensée traditionaliste.
Alors, ne pouvant dénoncer, les médias formatés censurent toute manifestation contre la corrida, contre la chasse, contre les élevages en batteries et pour une véritable protection du vivant.
Le grand défi éthique de notre temps, le rapport de l’humain au vivant, dérange trop d’intérêts, heurte trop d’idéologies ancestrales établies, trouble trop de consciences anesthésiées, échappe trop aux caricatures faciles pour que la presse débile le mentionne.
Voilà comment les censeurs veillent  sur le sommeil de nos contemporains qui ne doivent surtout pas savoir qu’à ALES des milliers de gens se sont levés pour abattre la torture d’un être sensible.

Gérard CHAROLLOIS