Humanisme et antispécisme.

Parmi les philosophes contemporains s’interrogeant sur la relation au vivant, un singulier débat oppose les humanistes, conscients des devoirs de l’homme envers les autres animaux, et les antispécistes, assimilant le mépris de l’animal non-humain au racisme.
Or, une telle opposition résultant d’une confusion entre humanisme et anthropocentrisme me semble sans fondement éthique et constitue l’écume d’une pensée plus profonde.
En Occident, donc en globosphère désormais, les monothéismes posèrent en principe que le dieu créa « l’homme à son image ». L’homme, pas l’animal. En fait, c’est l’homme qui s’inventa des dieux à l’image  de sa douleur de ne pas être : éternel, tout-puissant, totalement bon.
Dans les mythes, la terre, le ciel, les eaux, les animaux et les plantes n’étaient jamais qu’un décor offert à l’homme par la divinité pour qu’il en jouisse à sa guise, en croissant et multipliant et en soumettant à son bon vouloir tout ce qui vit.
Malgré la laïcisation apparente de la société, ce clivage irréductible marque encore trop d’esprits de notre temps, d’où la chasse, la corrida, la vivisection, l’élevage industriel concentrationnaire, les abattages sacrificiels et autres manifestations contemporaines de la négation du caractère sensible de l’animal et de l’unité fondamentale du vivant.
Avec les 17ème et 18ème siècles, l’Europe opéra sa mutation politique, se libérant de l’emprise de l’église et de ses dogmes.
Cependant, les prétendus apôtres de la raison étaient bien loin de se libérer des préjugés multiséculaires du théocentrisme et donc de l’anthropocentrisme.
DESCARTES qui invitait à douter de tout sauf de son dieu, de son roi et de sa nourrice (ce qui laisse peu de place pour la raison) considérait l’animal comme une machine dépourvue de sensibilité, conception bien propre à satisfaire ceux qui, par traditions ou par intérêts, réifiaient les animaux.
Il est vrai que les découvreurs des siècles passés ignoraient la paléontologie, la génétique, l’astrophysique, l’éthologie, sciences qui révèlent l’unité objective du vivant.
Est-ce à dire qu’il faille récuser l’humanisme pour proclamer un antispécisme ?
Je ne le pense pas.
Les philosophes, amis des animaux mais spécistes, entendent affirmer un « propre de l’homme ».
Je  réconcilierais volontiers les deux positions en leur concédant qu’il existe un « propre de l’homme », dès lors qu’existe un « propre de chaque espèce ».
Il y a une spécificité humaine au même titre qu’un dauphin n’est pas un éléphant.
L’homme est un animal politique, capable d’abstractions conceptuelles, en l’état et en l’état seulement, sans équivalent dans le règne du vivant planétaire.
Tout ce que les gens de mieux ont conquis en terme de « Droits de l’homme », de garanties sociales doit être célébré, conforté, sans cesse amélioré.
L’objectif est d’élargir le cercle de l’empathie et de fonder un droit à ne pas être maltraité sur la seule capacité de souffrir.
En cela le spécisme qui nie ce droit au nom d’une rupture radicale entre l’homme et le reste du vivant représente un obscurantisme criminel.
Aspirant à accroître les droits sociaux et la liberté de mode de vie de chacun, je salue, en libertaire, l’humanisme et ses conquêtes.
Appelant au respect de toute vie au nom d’une unité n’exigeant pas une identité du vivant, je suis antispéciste.
Or, présentement, la montée des communautarismes hargneux tout autant que grotesques, les fanatismes religieux réactivés, le pourrissement éthique sécrété par le capitalisme éloignent l’humain de ces valeurs tant humanistes qu’antispécistes, lui préparant de cruelles mésaventures dont les expériences passées devraient l’immuniser.
Loin d’une ouverture du cercle de l’empathie, nous assistons partout à la montée des identités meurtrières et du triomphe de sornettes dont la stupidité fait douter du génie humain.
Par les armes là-bas, par les invectives et les gestes symboliques ici, la tribu des adorateurs de ZEUS affronte celle des adeptes de POSEIDON. (entendez, les communautés contemporaines).
Humanisme et antispécisme sont les voies d’une hominisation dont nul ne  peut dire si elle interviendra avant que l’homme ne détruise la vie.
Une seule appartenance, une seule identité valent : celles au règne du vivant.

Gérard CHAROLLOIS

Commentaires  
# corbin 07-01-2014 18:25
Je suis de tout cœur avec vous, Monsieur Charollois.
Je voudrais ajouter que plus la condition humaine s'améliore, plus celle des animaux se détériore. C'est inversement proportionnel. Jamais l'animal n'a été aussi maltraité et surexploité qu'aujourd'hui. Cela a pris une ampleur phénoménale... A donner le vertige. Jusqu'où cela ira-t-il ?
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