Monisme ou dualisme du vivant.

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Les consciences éveillées sont appelées à manifester, hier, contre la corrida, le 21 septembre prochain, contre la chasse, à pétitionner auprès du parlement européen contre la vivisection, des penseurs écrivent des ouvrages philosophiques traitant du rapport de l’humain avec l’animal, des scientifiques s’interrogent sur les parentés biologiques du vivant et, dans le même temps, en contre-point, l’élevage industriel torture des milliards d’animaux marchandisés, les molécules chimiques sont testées sur les animaux, les politiciens inconsistants de ce pays se couchent devant quelques centaines d’arriérés perpétuant de pseudo-traditions cruelles et débiles.
C’est que notre époque connaît enfin une fracture idéologique entre les tenants du dualisme et l’émergence d’une pensée moniste du vivant.
Que veulent dire ces concepts qu’il convient ici d’éclairer dans notre acception.
Pour les vieilles pensées monothéistes, l’espèce humaine était séparée irréductiblement du reste du vivant : (ils disaient la création).
L’homme, sorti tout costumé de la cuisse d’un quelconque JUPITER s’était vu remettre, en libre disposition la vile masse des autres animaux, êtres méprisables, dépourvus d’âmes et de raison, êtres sans droit mais non sans occasions de profit et d’assouvissement du sadisme ordinaire.
L’humain reçut, dans les trois monothéismes, l’injonction de « croître et multiplier » et de soumettre tout ce qui court, vole, rampe, nage et que le père barbu, dispensateur de châtiments, de jugements derniers et de gratifications éternelles pour ses martyrs, avait livré à son bon plaisir.
Car, pour le maître des maîtres, tout plaisir est une faute, excepté celui obtenu au détriment du vivant exclu du cercle de la divinité.
Or, depuis quatre siècles, péniblement, patiemment, avec des avancées et trop de reculs, une pensée nouvelle fondée non plus sur la vérité d’un livre révélé, mais sur le grand livre du monde émerge.
Les mécanismes cosmiques, les similitudes anatomiques et physiologiques entre les espèces, puis l’éthologie et la biologie moléculaire, le déchiffrage des gènes et la paléontologie révèlent à l’homme l’unité profonde du vivant.
L’événement premier ne fut point l’émergence soudaine d’une espèce mais l’apparition du phénomène VIE, sa diversification, son évolution.
Cela ne signifie nullement qu’il n’y ait pas un « propre » de chaque espèce  donc un « propre de l’homme ».
Les capacités cognitives humaines sont à l’évidence supérieures, mais cela ne signifie rien de plus que la constatation du fait que le faucon pèlerin vole plus vite, que la baleine plonge plus profondément et que l’ouïe ou l’odorat de tel autre sont plus performants.
La découverte d’une unité du vivant dans la diversité des formes, (fait purement objectif), appelle une éthique nouvelle : celle du biocentrisme.
Cette éthique ne retire rien à l’homme mais  ajoute une vertu d’empathie, un accès au principe du respect de tout être vivant.
L’humain est spécifique, mais non d’essence différente.
Puisse-t-il comprendre enfin qu’il doit, pour lui-même en tant qu’individu et en tant qu’espèce, récuser l’esprit de sacrifice, de souffrance rédemptrice, de condamnation du plaisir, et cultiver une aspiration à un hédonisme altruiste pour tout ce qui vit !
Dans cette évolution des consciences, parallèle et corrélatif de celui des sciences, il y eut, dans l’histoire, des moments féconds : la Renaissance, le siècle des Lumières, les années 1960 qui font sentir leur tropisme libertaire et hédoniste jusqu’à nos jours.
Puis, il y eut aussi des balbutiements, des retours régressifs, des restaurations d’ordres antérieurs.
Il semblerait que la dernière décennie marque une de ces phases régressives.
Un petit relent de « pétainisme » pollue les esprits.
Ce n’est pas grave puisque ce ne sera que temporaire.
La marche des idées connaît, depuis ces quatre derniers siècles, ces phases successives faites de ruptures oportunes et  de faiblesses passagères.
Soyons résolus à faire prévaloir les pensées qui libèrent contre les tenants de « l’ordre moral injuste et névrosant », contre les traditionalistes qui refusent la grande réconciliation de l’homme et de la nature.
Une réconciliation aux antipodes d’un « retour à la terre » à l’ancienne.
Une réconciliation  fruit d’une conquête novatrice par l’amour du vivant et l’intégration dans le champ politique et éthique de l’unité de la biosphère.

Gérard  CHAROLLOIS