Plaisir de tuer et peine de mort.

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« L’abolition du plaisir de tuer n’est-il pas explicitement inclus dans l’abolition de la peine de mort ? »

Cette question nous a été posée, sur notre site, par un ami lecteur.
Pour les tenants de la négativité, l’instinct de mort, la cruauté, la violence primaire, la haine bornée constituent l’humain tout autant que la capacité d’empathie, la bonté, la soif de justice.
Pour ces résignés nihilistes : tout est vain.
A quoi bon enseigner, éduquer, débattre, défricher les esprits, éclairer les consciences, parler à l’intelligence des hommes, puisque le mal absolu ne saurait être extirpé et que l’abjection, l’insondable méchanceté seront toujours à l’œuvre.
L’homme sera irrémédiablement un gardien de camps, un génocideur, un guerrier, un chasseur, un amateur de sang et de supplices.
Or, s’il existe indéniablement des assassins, tous les hommes n’émargent pas au tableau de déshonneur du crime conformiste.
Nombre d’individus ont sû, dans le passé, (ce passé qui répond de l’avenir), refuser les injustices, les massacres, les tortures et le grand banquet de la mort esthétisée.
Il ne faut pas céder au nihilisme et à un déterminisme collectif irrémédiable.
Puisque l’ombre et la lumière s’affrontent, puisque des forces positives appellent à la compassion et au respect d’autrui, ce serait déserter que de se résigner.
Avec Théodore MONOD, je pense que le processus d’hominisation n’est pas parachevé et que l’humain accompli, non encore advenu, cessera d’être infernal tant aux membres de son espèce qu’à tout ce qui vit.
L’abolition de la peine de mort élève  la société au-dessus du rang de l’assassin.
Car tuer, fut-ce un criminel, reste un acte négateur pour celui qui le subit mais aussi pour une société qui s’y abaisse.
La peine de mort met la justice à la hauteur morale de l’assassin.
Dès lors, outre les débats purement techniques sur l’absence de caractère dissuasif de ce châtiment, son abolition s’imposait pour inscrire le respect de la vie avant toute autre considération.
Certes, les exécutions ne manquaient pas de public lorsqu’elles se déroulaient en présence de badauds réjouis dont l’indécence amena, avant la guerre, l’abandon de cette publicité et la relégation du meurtre légal au petit matin, dans la cour des prisons.
Il fallait abolir la peine de mort, non seulement pour épargner à un criminel cette torture morale, mais aussi, mais surtout, pour amener la société à un plus haut degré d’adoucissement des mœurs.
Il n’y a rien de pire que de banaliser l’acte de tuer.
La guillotine est une ombre sur la lumineuse Révolution Française et les pendaisons qui résultèrent du procès de NUREMBERG altèrent les principes généreux proclamés et  aussitôt démentis.
En Europe, l’homme ne tue plus légalement l’homme.
C’est un grand bien.
Mais, il tue encore par jeu des animaux, êtres sensibles, et ce jusqu’au jour où la majorité des contemporains pourra modifier la réglementation en la matière.
En 1832, Victor HUGO publia un livre contre la peine de mort »Le dernier jour d’un condamné ». Il s’en suivit 150 ans de combats pour briser la guillotine en ce pays.
Combien d’années seront nécessaires pour que la mort loisir, la mort spectacle, la mort ludique soient bannies ?
En contemplation des données sociologiques, nous subissons les dernières décennies de ces agressions contre la sensibilité des bêtes et la dignité des humains.
Un interlocuteur, tenant du nihilisme, me rétorquerait : « Votre condamnation de la mort donnée masque un refus de la mort en son principe ».
Notre objecteur a raison mais sa raison ne va pas loin.
Si l’acceptation de la mort, (qui n’est pas un impératif moral), devait conduire à justifier l’acte de tuer, il faudrait considérer les grands meurtriers de l’Histoire, les faiseurs de guerre, les pourvoyeurs de champs de batailles comme de généreux philanthropes qui permirent à des millions de jeunes gens de mourir les armes à la main, dans la gloire du combat et la force de l’âge, leur épargnant ainsi de devoir mourir un jour bêtement d’une maladie et d’affronter la vieillessse, cette mort par morceaux.
L’acceptation de la mort n’est qu’un paravent pour les cruautés, pour  la rage de tuer.
D’ailleurs rien n’impose cette acceptation et, dans le passé, les hommes s’inventèrent des religions et des vies éternelles dans des arrières-mondes, pour échapper à la perspective du néant vertigineux.
Ce refus par le mythe apparaît parfaitement légitime, bien qu’illusoire.  Les actuelles tentatives de certains biologistes de découvrir le « grand secret », celui du vieillissement cellulaire participent de cette pulsion de vie.
Ces militants de la vie nous sont infiniment plus précieux et sympathiques que ceux qui jouissent de tuer.
L’instinct de mort : voilà l’ennemi.
Abolissons chasse et corrida comme nous avons aboli la peine de mort et pour la même raison éthique, celle qui inscrit au frontispice des valeurs, le respect du vivant.

Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
MOUVEMENT D’ECOLOGIE ETHIQUE ET RADICALE
POUR LE RESPECT DES  ÊTRES VIVANTS ET DES EQUILIBRES NATURELS.