Liberté d’expression et délires paranoïaques

L’humain cultive volontiers la crédulité et, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, l’élévation du niveau des connaissances ne prémunit pas contre l’adhésion irrationnelle à des mythes, des illusions, des bobards et des escroqueries.
Une étude révèle même que la crédulité affecte davantage les diplômés, du moins jusqu’à un certain niveau et les jeunes que les gens dits du peuple immunisés par leur « gros bon sens ».
Théories du complots, idées saugrenues, croyances sans aucun fondement dans la réalité prospèrent sur ce fond de crédulité qui atteint parfois d’abyssales profondeurs.
Le chef de l’Etat affiche une volonté de sanctionner par la loi la diffusion de « fausses nouvelles », en particulier en périodes électorales.
Que voilà une fausse bonne idée !
Tout d’abord, observons que notre droit positif condamne déjà l’injure et la diffamation dirigées contre des personnes identifiables. Les articles 29 à 32 de la célèbre loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse édictent des délits qui occupent déjà certaines juridictions dont la 17ème chambre du tribunal de grande instance de PARIS.
D’aucuns pourraient penser que la « fausse nouvelle » visée par le président de la république va bien au-delà de la diffamation et qu’il conviendrait de la sanctionner en tant que telle.
Or, l’article 27 de la loi susvisée le prévoit déjà. Celui qui propage sciemment une fausse nouvelle pouvant troubler la paix publique encourt une amende de l’ordre de 45000 Euros. Pour être constituée, l’infraction suppose la fausseté de la nouvelle, le risque de trouble à la paix publique et la mauvaise foi du propagateur de la mauvaise information.
Faut-il aller plus loin ?
Je suis un bien mauvais client pour les gourous, les charlatans, les escrocs, les thaumaturges qui abusent de la crédulité et de la souffrance humaine pour faire de l’argent en soutenant des aberrations ou qui manipulent les foules en truquant les faits.
Mais un équilibre doit être conservé entre, d’une part la protection des naïfs et des électeurs (souvent naïfs) et, d’autre part la liberté d’expression, valeur fondamentale.
Car la limite est vite franchie par un pouvoir qui pourrait s’arroger le monopole de la vérité et qui qualifierait volontiers toute critique, toute réfutation, toute alternative d’impostures et de « fausses nouvelles ».
Dire, par exemple, que la politique suivie actuellement profite aux 2% de très riches et préjudicie au peuple deviendrait-il une « fausse nouvelle » ?
Faut-il pénaliser les opinions, les choix de modes de vies et les aspirations oniriques de ceux qui ont besoin d’illusions, de consolations, de placebos du corps ou de l’esprit ?
Il y a déjà trop de lois édictant des vérités historiques, politiques, morales et la liberté d’expression est en péril.
Il faut réfuter la « fausse nouvelle » par l’épreuve des faits, s’adresser à l’intelligence humaine et non à l’instinct ou la pulsion et toujours éclairer autrui et non le censurer.
Il faut débattre pour ne pas se battre, argumenter pour ne pas sanctionner, instruire pour ne pas abrutir et apprendre à apprendre pour que les humains se prémunissent eux-mêmes contre les bobards, les charlataneries, les escroqueries.
Messieurs les législateurs, légiférer moins pour légiférer mieux.
Laissons à Don QUICHOTTE ses rêves car il en a besoin et pour notre part, constatons que le réel a lieu.
Si un thaumaturge soulage momentanément, si une idéologie généreuse transcende une vie, si une passion sublime la médiocrité des jours, si une illusion épargne une déprime, si un mythe chasse l’angoisse, ne refusons pas à l’humain de quêter un apaisement.
Parfois, le droit de rêver est le dernier qu’il nous reste et avouons que dans nos vies personnelles, il est délicieux de rêver et douloureux lorsqu’on se réveille et que l’on découvre le réel tellement éloigné de ce que l’on avait imaginé, tellement différent d’un bonheur qui, tel un horizon, se dérobe.


Gérard CHAROLLOIS

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