Éthique et « droit de vivre dans la dignité »

Dans la perspective de la révision prochaine de la loi bioéthique et des débats citoyens préalables, je poursuis, avec vous amis lecteurs, l’examen des problèmes relevant de ce texte, à savoir, ici, la fin de vie.
Partons du fondement moral du biocentrisme tel que je le définis :
- Respect du vivant et reconnaissance à tout être vivant de son intérêt à vivre ; Célébration de la liberté de l’être comme conçue dans l’acceptation de ce qui le détermine dans la limite de toute nuisance à autrui.
La concrétisation de ces deux postulats m’ont conduit à reconnaître l’imprescriptible liberté de mode de vie de chacun face à ses orientations sexuelles s’agissant de la procréation, étant rappelé que la lutte contre la surpopulation passe par des incitations culturelles et financières à ne pas proliférer et non par des restrictions de liberté individuelle.
Autre aspect régi par les lois bioéthiques, la question de la mort.
Or, l’humain n’a jamais accepté, très légitimement d’ailleurs, sa finitude, ce que révèlent les mythes prometteurs de « vies éternelles » par-delà la mort.
Depuis le 19ème siècle, la médecine gagne bien des batailles contre la maladie et si l’on ne meurt plus de phtisie, de typhoïde et de moins en moins de leucémie infantile, la médecine contemporaine finit toujours par perdre la guerre, puisque tout individu est encore condamné à mourir.
Cette frustration n’est pas étrangère à la persistance du charlatanisme qui lui non plus ne gagne pas la guerre mais qui couvre de rêve et de mystère la noirceur de la finitude.
La raison éclaire mais angoisse. La croyance repose et console partiellement du moins de cette angoisse.
Gourous, guérisseurs, marabouts, thaumaturges proclamés prospèrent sur ce besoin trop humain d’étayage face à l’angoisse existentielle.
Pour ÉPICURE, en une charmante pirouette intellectuelle, l’humain ne devait nullement craindre la mort au motif que « tant que vous êtes vivants, la mort n’est pas là et que lorsqu’elle est là vous n’êtes plus. Donc, elle ne vous concerne jamais ».
Cette gymnastique de philosophe n’a sans doute jamais rassuré, pas même ÉPICURE et ses disciples.
A défaut de ne pas mourir, le contemporain ne veut pas vivre sa mort et pas davantage assister à celle de ses proches. Il faut « mourir dans la dignité », c’est-à-dire selon un protocole supprimant l’angoisse de devoir quitter ceux que l’on aime, ses biens et soi-même.
Que dit notre droit actuel issu de la loi LEONETTI codifiée à l’article L1110 – 5 du code de la santé publique (CSP) ?
Lorsque le pronostic vital est engagé à court terme et que les souffrances demeurent réfractaires à tout traitement, le patient a droit à une sédation profonde et continue.
Deux conditions sont ainsi requises pour la mise en place de cette sédation valant abolition de la conscience, donc de l’angoisse de la mort : un pronostic vital engagé à court terme et une souffrance réfractaire aux traitements.
Le législateur ne parle pas de « douleur », notion physique, mais de souffrance, incluant, outre la douleur, le stress existentiel.
Ne nous dissimulons pas que cette sédation profonde et continue mise en place dans les centres de soins palliatifs par administration de Midazolan (hypnovel), avec adjonction de morphine, abrège l’agonie du patient par haute toxicité cardiaque et rénale.
Une étude révèle que dans les pays où l’euthanasie déclarée est autorisée, la moitié de ceux-ci demeurent qualifiés de sédations (Belgique).
Il est plus confortable de dire que l’on soulage et que l’on endort que d’avouer à l’entourage d’un malade que l’on provoque sa mort en supprimant quelques jours d’agonie.
En France, doit-on aller plus loin ?
Faut-il parler d’euthanasie au lieu de « sédation profonde et continue » qui n’en est qu’un euphémisme ?
Faut-il inscrire dans la loi prochaine en la nommant ce qui est déjà une mort provoquée dans le but de soulager le patient, lui épargner les tourments physiologiques et moraux de sa fin ?
Je formulerai ici une appréciation personnelle.
Au nom de la liberté individuelle, chacun devrait pouvoir opter entre vivre ou mourir, le suicide étant la seule forme acceptable de mourir, en bonne cohérence biocentriste. J’ai tellement connu de gens qui sont morts sans l’avoir voulu que cette évidence doit être rappelée et je me défie des tastes-mort qui en font un loisir ou une profession.
Si je pense qu’on peut légaliser l’assistance au suicide de l’humain fatigué de souffrir et malade de la vie, inversement, il faut aussi aggraver les sanctions pénales frappant les soignants qui donneraient intentionnellement la mort à qui ne la réclame pas.
Nul n’a à se faire juge de la valeur de la vie d’autrui.
Oui, il y a des pervers, y compris dans les soignants, qui aiment provoquer une « douce délivrance » à ceux qui leur sont confiés et ce afin d’abréger une vie qu’ils estiment ne plus mériter d’être vécue.
Il convient de s’en remettre, non à l’avis du médecin sur ce point, mais à la seule volonté de l’individu en garantissant l’expression libre et éclairée de sa volonté.
En attendant, après ces biens succinctes observations, amis lecteurs, jouissez de la vie et célébrez-la chaque jour puisque le cosmos n’a rien conçu de mieux et faites qu’autour de vous ceux que vous aimez partagent cette célébration et je ne terminerai pas cette chronique funèbre sans vous souhaiter de devenir des rats taupiers !
Oui, des rats taupiers !
Explications de ce souhait burlesque.
Les rongeurs présentent, d’une part, une forte prolificité, d’autre part, une vie courte, de l’ordre de deux ans.
Une espèce fait exception et attira l’attention des biologistes : le rat taupier bénéficiant d’une longévité de l’ordre de trente ans. Proportionnellement, pour un humain, ce temps de vie serait pluriséculaire. A la différence des autres rongeurs, notre héroïque rat taupier ne développe pas de cancers. Il meurt tout simplement lorsqu’il a épuisé son stock de cellules régénératives, lorsque la pile biologique est épuisée.
Il ne possède plus de cellules souches et il semblerait que le processus soit identique chez les quelques humains qui dépassèrent le siècle, le record homologué étant de 122 ans.
Il semblerait aussi que pour ajouter des années à la vie, il faille ajouter de la vie aux années et être heureux.
Alors, allez-y, soyez heureux !

Gérard CHAROLLOIS

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