Aménagement du territoire et cancérisation de la terre

Le libéralisme économique triomphe mais seule la liberté d’entreprendre, de spéculer, d’exploiter, de rentabiliser se célèbre à longueur de médias et se trouve promue par les Etats sous contrôle.
La liberté d’opinion et de manifester des convictions s’avère à géométrie très variable.
Non, les hommes ne sont pas égaux dans l’expression de la pensée ni dans le droit de manifester des convictions.
Les protecteurs de la nature, ceux qui ne se promènent pas sous les lambris de la république pour y délivrer une caution écologique et y recueillir des honneurs de pacotilles, savent ce qu’il en coûte de défendre des sites et de conspuer les « traditions ».
A SIVENS, un jeune botaniste y perdit la vie mais ce qui se sait moins est que d’autres militants furent grièvement molestés et blessés par des nervis fascisants du « ruralisme profond », avec la mansuétude des pouvoirs publics. Aucun syndicaliste agricole ne fut interpelé pour ces violences perpétrées avec des armes blanches et des bâtons.
Les défenseurs du vivant qui n’ont jamais brûlé d’édifices public, souillée une préfecture, dégradé du mobilier urbain, violenté des personnes - à la différence d’autres groupements connus pour leurs débordements - sont volontiers stigmatisés par une presse aux mains des promoteurs.
Dans le même temps, les défenseurs du vivant, de l’intérêt général, de l’avenir de la planète et de l’humanité se voient étroitement surveillés par l’Etat et inquiétés pour la moindre incartade.
Bref, un zadiste, un animaliste sont des sous-citoyens alors qu’un promoteur, un syndicaliste agricole peuvent exprimer bruyamment leurs intérêts ou leurs détresses.
Selon que vous serez du coté des intérêts économiques corporatistes ou que vous remettrez en cause la loi de l’argent, vous bénéficierez de l’indulgence, de la compréhension, de la complicité des pouvoirs installés ou d’un ostracisme vigilant.
Cela tient à un fait passant inaperçu par nombre de nos contemporains, mais à un fait grave.
Le pouvoir politique, donc le pouvoir d’Etat, se confond avec le pouvoir de l’argent dont il est une émanation.
Alors les ministres, les présidents, les décideurs proclament qu’il faut sauver la planète, le climat, la biodiversité, en remplaçant les fenêtres des demeures, en fermant le robinet en se lavant les dents, en substituant des toilettes sèches à celles consommatrices d’eau.
Ce battage permet de culpabiliser le citoyen et d’exonérer le système. En revanche, les guerres lointaines, l’agrochimie, l’industrie, les affaires, le bétonnage et bitumage doivent perdurer, alors qu’ils sont les principales sources de nuisances, d’altération de l’atmosphère, de la mort des espèces.
Vous ne trouverez pas un département, un canton, une commune où élus et chambres de commerce et d’industrie ne rêvent pas de routes nouvelles, de ronds-points, de zones artisanales, de lotissements, bien évidemment très « écologiquement responsables ».
Et puis pour l’aménageur, ce ne sont pas la petite déviation nouvelle, le modeste ouvrage qui vont compromettre la viabilité de la terre !
Bien sûr, mais partout vous trouvez des élus locaux, des promoteurs pour couler de l’asphalte et artificialiser, agissant, sans même en avoir conscience, en véritables cellules cancéreuses qui inéluctablement font disparaître les espaces libres et naturels.
Malheur à ceux qui osent expliquer que tout ceci est radicalement contraire aux généreuses proclamations solennelles affichées au plus haut niveau lorsqu’on parle de la planète et non du petit trou de campagne dont il faut surtout ne pas faire « une réserve d’indiens ».
Que la nature aille se faire protéger ailleurs. Voilà ce que pensent l’élu local et sa cohorte de petites entreprises du BTP en mal de couler de l’asphalte.
Ce petit monde ne pense pas. Il compte l’argent dans ses tiroirs caisses.
LABRUYÈRE dépeignait déjà ces marchands qui se battraient pour nous vendre la corde qui servirait à les pendre.
Qu’importe aux vaillants entrepreneurs le sort d’une forêt, d’une vallée, d’une montagne, d’un bord de mer.
Bien sûr, la maison brûle mais pour trop d’élus, pour les promoteurs, il faut se dépêcher à faire des affaires et la vertu civique, écologique et humaine peut bien attendre.
Alors, le zadiste, l’écolo, l’animaliste peuvent bien se faire matraquer, blesser ou tuer, ridiculiser dans la presse formatée , le règne de l’argent exige cette entorse au grands principes démocratiques, républicains et droits de l’homme.
Le système sert d’abord les petits intérêts privés au nom du développement, de la croissance, de l’emploi, avec les résultats que vous connaissez.
S’il est légitime que tout peuple, tout individu veut pour lui-même le développement, celui-ci n’est pas viable avec une croissance démographique infinie sur une planète finie.
Il en résulte qu’il sera difficile d’arrêter un système inhérent à la nature intrinsèque de l’animal humain mais que ce système est à terme létal.
Sans doute que l’humanité se voit condamnée à brève échéance, intoxiquée par elle-même.
Pas très grave, puisque nous savons que le système solaire est lui-même à terme condamné.
Cela pourra vous consoler d’avoir des élus et des affairistes qui bétonnent près de chez vous, sans comprendre qu’ils menacent la vie.
Il se pourrait même que bien avant la mort du système solaire, dans cinq milliards d’années, les poulpes, dont l’intelligence est surprenante, auront remplacés les hommes, animaux cupides qui préfèrent l’argent à la vie, comme me le disait mon regretté ami Théodore Monod.
 
Gérard CHAROLLOIS
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