Petite leçon de démocratie

 


Par David JOLY - Vice -Président de la CVN


"Ils sont venus nous chercher, ce matin tôt. On dormait encore. Ils se sont mis à nous crier dessus dans cette langue que personne ne comprend en nous poussant dans un camion. […] Le camion a fini par s’arrêter devant un bâtiment froid et puant, où on est tous entassés maintenant. […] Moi, je sais bien comment ça va se finir, je ne suis pas naïf. Mais qu’est-ce que je peux faire ? À  part attendre qu’il vienne me chercher, lui là, avec son couteau et son tablier de moins en moins blanc… "

Le texte est dit d’une voix blanche dans un silence de mort. C’est la nouvelle campagne choc de l’association GAIA (Groupe d’Action dans l’Intérêt des Animaux) qui tourne en boucle en ce moment sur les ondes des radios publiques belges afin de dénoncer l’abattage rituel sans étourdissement, au moment de l’Aïd el-Kébir où plusieurs centaines de milliers de moutons vont être égorgés en toute conscience.

La campagne n’a à aucun moment pour but de stigmatiser une partie de la population belge en raison de ses origines ou de sa religion, mais d’introduire sur la place publique un débat sur la sensibilité des animaux (le spot dans son intégralité ne demande d’ailleurs pas l’interdiction de l’abattage rituel mais l’interdiction de l’abattage rituel sans étourdissement).

Cette association n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle avait déjà marqué les esprits au moment des fêtes de fin d’année en attirant l’attention des consommateurs sur la souffrance des oies et canards utilisés dans la production de foie gras.

Au-delà de la louable démarche que nous applaudissons des deux mains, nous nous réjouissons de constater qu’il existe, pas très loin de la France, un pays où la notion de démocratie n’est pas un vain mot lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet de la condition animale.

La Belgique n’en est pas pour autant le paradis de la faune, en témoignent les nombreuses interventions de nos amis d’Animaux en péril afin d’extraire de leurs conditions de vie ignobles moult animaux de compagnie ou de ferme.

Mais quel contraste avec ce pays dit des droits de l’homme où le Président de la République, en ballade au sommet européen de l’élevage à Clermont-Ferrand, congédie sèchement des militants s’adressant à lui de la manière la plus courtoise qui soit lorsque ces derniers lui évoquent la souffrance des animaux subissant un abattage rituel sans étourdissement. Où le ministre de l’Intérieur dévoie, depuis on intronisation, les moyens de la République pour les mettre au service de son petit plaisir tauromachique. Où le ministre de l’Écologie est fier de clamer qu’il prend son pied à cribler de plombs la faune sauvage, à voir un taureau se faire transpercer de lames et de harpons au milieu d’une arène, à se goinfrer de foie gras.

Quel contraste avec ce pays où les médias publics récitent sagement, sans travail de vérification de l’information, les proses fournis par les lobbies en tous genres qui constituent leur bas de laine à coups de subventions publiques sur cette souffrance animale.

Quelle leçon d’impartialité à cette France dotée de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité), se définissant elle-même sur son site comme (défense de rire) « un organisme de régulation visant à promouvoir une publicité saine, véridique et loyale ainsi qu'une communication responsable. » Pour ce qui est de la véracité, vous en toucherez deux mots à Jérôme Lescure qui depuis des années voit ses spots anti-corrida retoqués au motif que du sang est visible sur la robe du taureau. Quant aux notions de sanité et de loyauté, il n’y a qu’à repenser à cette publicité où les poulets du groupe industriel Le Gaulois dansent le french kankan en attendant d’aller se faire étriper en abattoir, pour juger de leur importance aux yeux de l'ARPP.

Y’a pas à dire, la France est un bel exemple pour le reste du monde !

David Joly