L’animal et la chasse...


... dossier de l'hebdomadaire Le POINT :  Par Gérard Charollois.


Je remercie Michel ONFRAY pour l’article qu’il consacre à la chasse et à mon livre « Pour en finir avec la chasse, La mort loisir, un mal Français », dans le numéro de l’hebdomadaire LE POINT du 5 décembre.
Je suis particulièrement sensible au soutien, à l’approbation de ce philosophe ami exprimant haut, fort et clair une pensée hédoniste altruiste, libertaire, généreuse, une pensée qui affirme que la philosophie n’est pas un jeu de concepts dans le ciel des idées mais qu’elle intéresse la vie concrète des gens, une philosophie qui sait que les idées peuvent tuer et que d’autres peuvent sauver.
Car, au cours du siècle passé, trop de beaux esprits se sont compromis et fourvoyés au service de systèmes pervers.
Des idées ont généré des génocides, des camps de concentrations, des massacres d’hérétiques et de réfractaires.
Mais, la philosophie peut aussi sauver en permettant à l’individu de construire sa statue intérieure.
Michel ONFRAY, auteur du traité d’athéologie, conférencier de la contre histoire de la philosophie, partage, avec nous, la célébration de la vie, de Eros, et la récusation de la mort.
Logiquement, Michel ONFRAY réprouve la chasse, mort loisir, comme la corrida, mort spectacle, comme toute peine de mort à l’encontre de quiconque.

L’hebdomadaire LE POINT propose, opportunément, à l’écrivain de droite, Denis TILLINAC, de défendre « l’art de vivre » de certains ruraux qui n’est jamais qu’un art de tuer.
Notre contradicteur, à la différence de l’habituelle indigence de la littérature grossière des dirigeants de la chasse Française, s’inscrit, tout aussi logiquement, dans une filiation spirituelle judéo-chrétienne, c’est-à-dire paulinienne.
Pour lui, il y a le péché originel, encore dit, le mal, et mieux vaut le ritualiser, pour mieux le contenir.
Il en appelle au marquis de SADE et à FREUD pour démontrer que l’homme, depuis toujours et pour toujours, porte la pulsion de mort.
A ce stade, l’objection mérite examen.
Il est indéniable qu’à travers de son Histoire, l’homme fut le plus grand tueur d’hommes et qu’il constitue l’espèce la plus déprédatrice de la planète.
Il érigea en jeux, en spectacles, en occasions de jouissances les souffrances qu’il inflige à d’autres êtres vivants appartenant à sa propre espèce ou à une autre.
Notre contradicteur conservateur en tire une conclusion définitivement pessimiste : l’homme partiellement mauvais, doit être autorisé à faire un mal limité, encadré, domestiqué pour ne pas l’abandonner à ses hideux instincts.
Or, ce pessimisme ne se justifie pas et s’il se justifiait, autoriserait les pires dérives.
L’immense majorité de nos contemporains se passent fort bien de tuer, de torturer, de mutiler.
Que l’instinct de mort existe, nul ne peut en douter.
Qu’il soit inaccessible à une maîtrise par la culture, la réflexion, l’élévation de la conscience serait une négation du processus d’hominisation.

Le psychanalyste Erich FROMM exposa clairement que chacun nourrit une aspiration à la biophilie et une aspiration inverse à la thanatophilie.
Les individus sont inégaux face à leurs capacités biophiliques et thanatophiliques.
Il y a des hommes thanatophiles qui tirent de la peur qu’ils inspirent, des tourments qu’ils infligent, du sang qu’ils répandent, une inquiétante satisfaction.
Il y a des individus biophiles qui aiment la vie, veulent protéger le faible, apporter à autrui un peu de douceur et de bien-être.
La chasse est un loisir thanatophile.
L’animal est un souffre-douleur commode où le lâche peut exercer en toute impunité sa pulsion destructrice.
Si l’animal ne souffrait pas, n’éprouvait pas le principe du plaisir déplaisir, le sadique ne songerait pas à le tuer, à le tourmenter.
La jouissance du sadique réside dans cette capacité de faire souffrir.

Ne désespérons pas de l’humain.
La biophilie peut l’emporter, ce qui précipitera la chasse, à l’instar de la guerre, dans la poubelle de l’Histoire, là où gisent les ordalies, les bûchers, l’esclavage, la peine de mort.

Mais Denis TILLINAC n’échappe pas tout à fait à ses préjugés politiques.
Pour lui, nous, écologistes, sommes des polythéistes, nihilistes.
J’avoue ne plus le comprendre dans cette attaque décalée.
Les monothéisme, polythéisme, déisme, superstition, obscurantisme et consorts sont totalement étrangers à notre pensée.

Et puis, il exprime sa sympathie pour les exploitants agricoles qui connaissent si bien la nature et sans lesquels il n’y aurait plus grand chose dans nos campagnes !
Lorsqu’on connaît le monde rural, ses maïssiculteurs, ses éleveurs ennemis des ours et des loups, ses arboriculteurs pulvérisateurs de pesticides, ses adeptes de l’aménagement du territoire, donc du grand déménagement de la biodiversité, on ne peut, sauf crise aigüe de populisme, que sourire de cette réfutation.
Bien sûr, il est plus confortable de dénoncer les « technocrates » en oubliant quelles sont les forces syndicales, corporatistes et politiques qui militent pour les pesticides, les OGM, l’aseptisation de la nature.

Globalement, félicitons l’hebdomadaire LE POINT pour son dossier sur l’animal avec de bons articles d’Elisabeth de FONTENAY et même de Luc FERRY, ici bien meilleur que dans son pamphlet primaire contre le « nouvel ordre écologiste ».
Mais, il y a bien loin entre la vérité des pensées et  ceux qui les animent et les caricatures que d’aucuns en font, par facilité d’édition.

L’écologie n’a rien d’une pensée sectaire, polythéiste, nihiliste, irrationnelle.
C’est un combat pour que triomphe la biophilie, chère à Erich FROMM.

Gérard CHAROLLOIS


Commentaires  
# ethicpastoc 20-01-2014 17:05
Ne pas confondre pulsion de mort et satisfaction cruelle. on peut satisfaire ses pulsions les pires de maniere civilisées, en les sublimant, dans l'art et les activités intellectuelles. Sinon, on reste un barbare! Denis TILLINAC ne pige pas grand chose à la psychanalyse auxquelles il emprunte des concepts comme alibi en les detournant de leur veritable signification. Jo.
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