« Le mur des cons ».

Dans un Etat autoritaire, une dictature, une théocratie, la caricature, la satire, la dérision, l’humour, le canular, ces armes contre tout ordre injuste
établi sont strictement prohibés, passibles de peines féroces.
En démocratie, ces « polissonneries » sont tolérées, du moins en apparence.
Bien sûr, les lobbies, les  puissants tentent de faire taire les contestataires pas polis, pas soumis, qui, par le dessin, l’humour, la farce, troublent
l’anesthésie d’une société sous contrôle.
Un auteur irrespectueux bénéficiera, de la part du système, du qualificatif de pamphlétaire, c’est-à-dire de vieux dégoutant.
Comme cela les dogmes, les grands intérêts, les mensonges ressassés seront bien gardés.
Ne troublez pas le sommeil des sujets du Marché. Vous risqueriez de les réveiller en en faisant des citoyens, c’est-à-dire des militants.
Pour les féodalités, il convient de célébrer la Liberté de pensée, d’expression, de manifester des convictions et de commémorer en grandes pompes les révolutions
du passé qu’elles n’auraient pas faites.
Mais, cette célébration accomplie, abstenez-vous d’exercer cette Liberté.
Un fait anecdotique illustre, ces jours-ci, ce syndrome.
La magistrature Française, longtemps bâillonnée à l’instar de la grande muette, s’est libérée grâce à l’action syndicale.
Trois organisations professionnelles de juges apparurent durant ces dernières décennies : Le syndicat de la magistrature (SM), de gauche, l’Union syndicale
des magistrats (USM), centriste, et l’association professionnelle des magistrats (APM) de droite, aujourd’hui semble-t-il disparue.
Or, une blague de potache est instrumentalisée par les forces réactionnaires contre le SM.
Ce syndicat de juges progressistes posséde, en son local, lieu privé, un « mur des cons » où des militants  affichent les photos de divers leaders du parti
conservateur, particulièrement en pointe dans le combat contre les valeurs de solidarité défendues par le syndicat.
Un voleur d’image, sans doute bien inspiré pour détourner l’attention sur des faits de nature plus sérieuses, capta et diffusa ce « mur des cons », provoquant
les clameurs outragées des amateurs d’eau tiède, tous ces « braves gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux », celle du troupeau bêlant les idées reçues.
Pour les gens bien, ennemis du mieux, le mot « con » n’est pas convenable, sent son révolté, son pas poli, celui qui ne s’incline pas lorsque passe le cortège
de tous les féodaux de tous les temps.
Et puis, vous connaissez la technique du bâillon : le haut fonctionnaire, le magistrat et même le militaire de la gendarmerie doivent servir et donc faire
silence.
Ils doivent feindre de ne pas penser, de ne nourrir aucune opinion, de n’avoir aucun avis.
Il serait impensable qu’ils soient socialiste ou écologiste ou réactionnaire, athée ou adepte d’une quelconque chapelle .
Pour être impartiaux, ils doivent être « hors sol », extra-terrestres, de simples machines dépourvues de tout esprit critique.
Pour être impartiaux, probres, dignes, ils doivent jouer à faire semblant de n’être pas humains.
Bien sûr, tout haut fonctionnaire, tout magistrat, tout militaire pense (du moins peut-on l’espérer), mais il est tenu à une obligation d’hypocrisie en
laissant croire qu’il ignore toute conviction.
Les tenants de l’ordre établi réussirent à imposer une confusion grotesque entre deux notions sans aucun rapport : l’impartialité, grande vertu, et l’abstention
d’expression de la pensée, grande faiblesse.
Dans un temps qui s’égare, vie privée et vie publique ne se distinguent plus ce qui est dangereux pour la démocratie.
La vie privée existe pour tout individu, fut-il président de la république, ministre, juge, chirurgien ou plombier.
Nul ne peut violer cette sphère d’intimité et de liberté imprescriptible.
La vie publique est en revanche transparente.
L’opinion politique, syndicale, philosophique du juge, du haut fonctionnaire, du militaire et de votre médecin relève-t-elle de sa vie privée ou de la vie
publique ?
Il appartient à chaque individu d’opter, mais que cesse cette imposture grossière du décideur déshumanisé qui, parce qu’il ne dit rien sur ce qu’il pense,
serait plus objectif, plus impartial, plus honnête que celui qui a le courage d’exposer loyalement sa pensée.
La liberté d’expression est bien évidemment celle de se taire et ce silence est respectable, mais la parole de celui qui s’expose l’est davantage.
Car, ne nous y trompons pas, derrière le silence de beaucoup, derrière leur costume gris muraille, leur conformisme sage ne se cache qu’une prudence carriériste.
Celui qui dévoile sa pensée, quelle qu’elle soit au demeurant, de gauche, de droite ou d’ailleurs, me semble plus digne et plus honnête que celui qui la
dissimule par calcul et par servilité.
Le censeur de service réciterait la leçon : « Pour que le citoyen ait confiance en l’administration et la justice, le fonctionnaire et le juge doivent dissimuler
leurs pensées ».
Qui songerait à retirer sa confiance à son médecin, son dentiste ou son boulanger sous prétexte qu’ils ont des idées ?
En fait, c’est la peur, d’abord des militaires au 19ème siècle, des juges et autres sachants qui incita les politiques à confondre à dessein des notions
parfaitement différentes, à savoir, l’honnêteté intellectuelle, d’une part, le silence imposé, d’autre part.
Un regretté hebdomadaire l’EVENEMENT DU JEUDI, titra naguère, à sa une : « Les cons ». Puis, la semaine suivante : « Les salauds ».
Après le « mur des cons » du syndicat de la magistrature, imaginons, le mur des voyous.
Vous pourriez y épingler les spéculateurs et promoteurs qui ravagent la nature pour s’enrichir à coups de ronds-points dits pots-de-vin, de stations de
ski, d’autoroutes, d’aéroports, de pesticides, de gaz de schistes.
Et puis, vous construiriez le mur des salauds, avec tous ceux qui tuent, torturent, massacrent par pur sadisme.
Quant aux cons, « le temps ne faisant rien à l’affaire », pour les consoler, pour recueillir leurs cris outragés, nos amis syndiqués devraient leur offrir
un dédommagement, une juste réparation.

Je suggérerais, par exemple :  un dîner !

Gérard CHAROLLOIS
CONVENTION VIE ET NATURE
MOUVEMENT D’ECOLOGIE ETHIQUE ET RADICALE

Commentaires  
# Fanette Charavin 30-04-2013 11:12
"Le mur des cons" ! la formule est quelque peu réductrice, parce que si les épinglés n'étaient que cela, ce mur ne mériterait pas qu'on s'y attarde davantage ... Existe-t'il un terme qui définirait la voyoucratie institutionnalisée?
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# Eluere Dominique 03-08-2013 08:20
Plut a Dieu que Mr Charollois et beaucoup de ses collègues, dans l'exercice difficile de leurs fonctions , se souviennent de ce que :
"La vie privée existe pour tout individu, fut-il président de la république, ministre, juge, chirurgien ou plombier.
Nul ne peut violer cette sphère d’intimité et de liberté imprescriptible."
avant de signer sans les lire ni vérifier quoi que ce soit , des mandat de perquisition pre-rediges par l'administration , a l'encontre de gens tranquilles qui ne demandaient qu'a vivre en paix.
Quand au triste "mur des cons " ce bel effort de rhétorique fascisante ( qui consiste a disqualifier par avance tous ceux qui ne pensent pas comme vous ) ne fait que mettre en lumière ce que justement on lui reproche , ce qu'il a de plus insupportable .
Mais le pire est que , probablement , Mr Charollois est de bonne foi. Comme fut Robespierre en son temps.
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