Du sang et des primes, la douce vie des estives

par Frédéric Vigne

J'apprends avec tristesse que des moutons - l'article parle d'agneaux, certains, sans doute bien informés ou très introduits, parlent de moutons- ont été attaqués par une meute féroce de vautours et d'aigles
combinés. Enfin, l'éleveur ne sait pas trop, car comme il le dit lui même, il n'avait jamais vu ça. Forcément, pour faire des comparaisons, ça limite!

Bref, le fait semble être avéré -avéré puisque prétendu, on est en Ariège, ne perdons pas ça de vue!- les vautours sont désormais d'horribles mutants qui
menacent les êtres vivants! Surveillez vos enfants sur le chemin de l'école, surtout ceux de moins de trente kilos, les monstres pourraient vous les enlever!

Plus sérieusement, quelles sont les conséquences? Il semble facile d'établir que des vautours se sont repus des moutons. Un constat d'un garde assermenté
l'établira assez vite s'il y a lieu. En revanche, pour savoir si les bêtes étaient mortes ou vivantes quand les monstres ailés sont apparus pour leur funeste
office, ce sera un peu plus complexe. N'étant pas expert moi-même, je ne m'avancerais pas.

Intéressons-nous plutôt aux causes et aux conséquences. Prenons de la hauteur, en espérant ne pas y croiser le chauve oiseau sanguinaire!

Le nettoyage des carcasses a littéralement réduit les charognards -ce que les vautours sont, jusqu'à nouvel ordre- à la famine, des deux côtés des Pyrénées.
Faites l'expérience de crever de faim et vous verrez, vous serez surpris par vos propres réactions, vous, les gens civilisés! Et pas seulement les vautours
avaient faim, mais aussi les corvidés. Or on sait que les corvidés sont bien plus opportunistes que les vautours. Traduction: s'ils ne trouvent pas de
cadavres, ils en fabriquent! Autrement dit, ils tuent. Ils peuvent s'attaquer à un agneau faiblard ou à une bête malade ou blessée, c'est vrai. Ce n'est
pas courant mais ça existe, pourquoi le nier?

La cause? Le principe humain de précaution, et l'hygiénisation compulsive et obsessionnelle de la Nature qui s'en sortait très bien sans nous puisque Dieu,
dans son infinie sagesse, a même offert aux Pyrénées le gypaète barbu qui lui, mange os et tendons! Un vrai recyclage naturel, zéro bactéries garanties!
Mais une association de crétins en a sans doute décidé autrement, a brandi le spectre des enfants contaminés, sans compter que l'équarrissage est un juteux
business, voilà un tableau synoptique. Le gouvernement, comme toujours en pareil cas, a eu l'oeil rivé sur le compteur électoral (les vautours, je le rappelle
pour mémoire, ne votent pas) et puis voilà. Il a donc pondu une loi. C'est peut-être l'Europe qui l'a fait, mais sur le fond ça ne change rien, sauf pour
les juristes (dont je suis).

Agneaux abattus à la chaine dans un abattoir

Ainsi donc, le sang de nos moutons coule. Bon, c'est un peu leur destination finale, tout de même, mais soit.

On a les causes, voyons un peu les conséquences. Le rêve des chasseurs de primes de l'estive est d'en ramasser encore plus, c'est un fait redondant. Or
imaginons qu'à force de rabâcher toujours les mêmes aberrations, elles imprègnent tellement l'atmosphère qu'elles finissent par apparaître réelles? Le
vautour est un prédateur!!! Ca y est! On y est! On tient la nouvelle cagnotte! Parce qu'un animal classé prédateur, ça ouvre droit à indemnisation de la
part de l'Etat! Ehhhhhhhhhh oui!

Accuser le vautour est plus aisé que d'accuser le chien à sangliers de son pote de l'ACCA locale qui s'est carapaté la saison passée et n'est jamais rentré,
tuant tout ce qu'il trouve pour manger!!! Parce que vous comprenez, on peut pas se faire ça ENTRE NOUS, quand même! L'Etat va payer, c'est mieux pour tout
le monde!

Même les chiens de bergers ne sont pas exempts de tout reproche! Cette histoire me renvoie au début des années 90, dans l'élevage de moutons paternel. Tiens,
je ne vous l'avais pas dite, celle-là? En Ariège, déjà! Amusant non? Voulant aider mon père, qui cherchait un nouveau chien de berger, un autre éleveur
lui donne un border-collie, sensé être assez bon pour mener les bêtes. Pas exceptionnel, mais potable. Seulement au bout de quelques jours, on a commencé
à trouver des brebis mortes. Pas d'ours dans ce coin, et mon père, qui n'était pas un "Vrai Pyrénéen" (mais un vrai Alpin descendant d'une lignée d'éleveurs
et de maquignons), n'avalait pas ces conneries de toute manière. Pire, certaines avaient été bouffées vivantes. Elles déambulaient avec des bouts de gigot
en moins! C'était HORRIBLE! On a beau être endurci, la souffrance gratuite, on n'aime pas.

Très vite, nous avons compris: ce border-collie avait le goût du sang! On l'a surpris en flag', si j'ose dire, la gueule rouge et dégoulinante! Inutile
de dire que mon vénéré père l'a réexpédié d'où il venait!

Mon père aimait ses bêtes, mais il élevait des primes. Tant d'UGB (Unité de Gros Bétail, le standard étant la vache. Dans mon souvenir, il fallait 6 brebis
pour faire un UGB)  permettent de toucher tant, en allant au marché de Tarascon sur Ariège acheter des vieilles brebis de réforme, il faisait la culbute
par trois à l'époque! Et si elles donnaient un agneau, jackpot! Parfois elles en donnaient deux ou trois! Si c'étaient des femelles, bingo, UGB! Il fallait
juste ne pas dépasser un quota à l'hectare. Et puis pour l'Aït, tous les Arabes du coin venaient tuer le mouton à la maison, et payaient en espèces! Ils
nous en tuaient un ou deux pour le congélateur, aussi! Papa était pris dans le système, c'était ça ou pas d'élevage du tout!

Voilà pour la rubrique souvenirs, qui ne sert au fond qu'à contextualiser un peu l'affaire. Revenons à nos vautours: ils sont en passe de devenir les dindons
d'une farce subventionnée! Pour que rien ne change, les Talibans sont près à tout! Ils trouveront des poulets carnivores s'ils le faut!

Aucune tricherie ne les rebute! Aucun mensonge ne les effraie! Tant que ça ne sort pas de la vallée, du village, que ça reste "entre nous"! On est bien,
entre nous, grassement entretenus, comme de vieilles pouffes, par l'Etat vache à lait qui croit acheter la paix sociale et surtout les voix. Le système
est complètement perverti. Ce qui à l'origine devait soutenir des zones défavorisées est devenu complètement autre chose! C'est un braquage en règle!

Pyrénéens, encore une fois, regardez la réalité en face! Si le futur des estives, des vallées, de toute une région et de tout un patrimoine doit se résumer
à "Du sang et des primes", ça n'ira pas loin! Ca ne peut pas aller loin. Et surtout, ça ne DOIT pas aller loin! Plus d'ours? Plus de vautours? Ne rêvez
pas, plus de moutons non plus, très bientôt! Mais vos "Vrais Pyrénéens" s'en foutent, ils sont presque tous à la retraite ou en passe d'y être. Et les
quelques jeunes ahuris qu'ils manipulent comme des marionnettes pour aboyer à leur place vont tomber de très haut. Mais eux, sans filet...

C'est le rôle de la piétaille. Mourir pour l'Etat-Major. Il y a ça chez les fourmis, les abeilles...et les hommes. C'est vous qui voyez!

Qui sait, de là-haut, le vautour les regardera peut-être. Après tout, une fois morts, on est tous de la barbaque!

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